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  « Non, vous n ‘avez pas fait ça ! admonesta Souriss.

— Je le crains madame, s’ingéra Ziriossa, encore énervé par l’attitude de son commandant.

— N’ayez crainte, j’ai obtenu l’autorisation de la bouche même du prince Majesty.

— La reine et le cardinal avaient l’air ravi.

— Ziriossa, je te prie. Peux-tu aller voir plus loin si quelqu’un me cherche ?

Ziriossa s’en acquitta en trainant des pieds.

« Souriss, je ne ferais rien qui pourrait vous nuire.

— C’est facile pour vous. Dans trois jours vous partez à la guerre, concentré sur votre objectif en laissant vos soucis derrières vous.

— Vous n’êtes pas un soucis voyons.

— Peut-être, mais je vais surement en avoir.

Sibahati prit délicatement ces mains dans les siennes.

« Ecoutez, je ne veux vous nuire en aucune manière. Si vous considérez que vous voir en ma compagnie peut vous porter préjudice, je respecterai votre volonté.

— Je vous avais dit que nous pouvions nous voir en-dehors de vos obligations politiques. Vous pensez que vos privilèges princiers peuvent tout vous accorder. Vous n’en avez fait qu’à votre tête.

Un « Ah ! » bruyant se fit entendre au fond de la grande salle. C’était un râle d’approbation de Ziriossa. Sibahati secoua la tête de dépit. Son compagnon ne lui arrangeait pas la vie.

« Je vous demande pardon Souriss. Nous ferons comme vous le désirez. Nous nous verrons en aparté demain après-midi après ce sinistre culte mené par ce lugubre personnage de cardinal.

Souriss ne parvenait pas à résister au regard de chien battu du prince. Elle avait succombé à la première apparition de Sibahati entrant dans l’auberge sans même savoir qui il était. Son charisme, sa beauté, sa douceur, sa conversation avaient touché en plein cœur la jeune femme. Après avoir pesé le pour et le contre, elle était prête à prendre quelques risques pour être avec lui. En même temps, elle savait que cette relation serait éphémère. Il ne reviendrait probablement plus dans ce royaume à la nature hostile. D’autres compagnes nobles lui seraient allouées par la suite. Après un regard appuyé au plus profond de ces yeux pour juger de son honnêteté, Souriss opina du chef.

« D’accord, vous semblez être un homme juste et prévenant. J’accepte à une condition !

Un grand sourire éclatant éclaira le visage de Sibahati. « Tout ce que vous voudrez ! ».

« Que vous m’offriez une jolie toilette pour cette soirée.

— Naturellement, nous vous ferons parvenir la plus belle de Forcîme.

— Ne vous emballez pas. Il ne faut pas que j’outre passe mon rang. Je ne dois pas faire de l’ombre à ces demoiselles de la haute.

Souriss se considérait, et à juste titre, comme une très belle femme. Elle avait une confiance en elle à toutes épreuves. Sibahati héla Ziriossa et lui dressa sa liste de recommandations. Un souffle désapprobateur siffla entre les lèvres du soldat.

« Puis-je vous rappeler que je ne suis pas votre concierge, mon prince.

— Oui, vous pouvez… N’oubliez rien surtout, et faite vous guider par la compagne de Sotchi. Elle sera enchantée de vous aider.

Ziriossa tourna les talons sans un mot.

« Faites-moi penser à rémunérer le propriétaire de l’auberge pour votre absence de ce soir.

— Ne vous en faite pas, je vais gérer seule cette situation avec lui.

— Comment cela ?

— Je vais lui dire que vous m’obligez, que vous avez loué mes services pour la soirée avec l’accord du prince Majesty.

— Pour qui vais-je passer ?

— Pour un membre d’une famille royale ! Et au contraire, cela fera de la publicité pour son établissement. Une de ses serveuses au service d’un prince étranger et de la famille des Alvins à une prestigieuse soirée de la haute, ça fera parler, et non jaser j’espère.

— N’ayez crainte, tout se passera bien.

Sibahati passa toute son après-midi dans des salles annexes du château à discuter tactique, coordination des troupes avec ses conseillers en stratégie et ses homologues alvinois. Ils convinrent et actèrent un plan d’attaque. Sibahati et sa quinzaine d’hommes ; douze soldats de sa garde proche (huit hommes et quatre femmes) et l’intendance (deux hommes et une femme), accompagneraient la première armée composée d’alvinois uniquement de neuf mille têtes au départ de Forcîme. Elle traverserait la chaine de montagnes par le nord-ouest. La deuxième armée en poste sur les plages sud de la mer de Dunia se mettrait en branle au signal venu de la cité. Composée d’une partie progressant par la terre le long de la cote avec six mille zakusiniens et trois mille alvinois, et d’une autre partie voguant par la mer sur cent bateaux de guerre avec six mille zakusiniens et une cinquantaine d’alvinois à leurs bords. La troisième armée composée de trois mille hommes était partie discrètement déjà depuis trois mois contournant les Terres Riches par le nord pour se rabattre furtivement sur Patalane par l’ouest, en éradiquant au passage les menaces de guerriers hartlans en réserve ou en retraite habitant les petits villages à proximité de la cité de Patalane. Elle rejoindrait la première armée arrivant par le nord-est pour attaquer la garnison des Portes de Patalanne qui gardait l’unique accès terrestre de la cité de Patalanne. La deuxième armée scindée en deux, arriverait par les plages à l’est d’une part et par la mer au sud d’autre part.

Des ingénieurs alvinois invitèrent Sibahati et son équipe de conseillés dans un vaste atelier au plafond haut et aux larges portes d’accès. Ils avaient l’honneur de découvrir une invention révolutionnaire. Au premiers abords cela ne ressemblait pas à grand-chose. Sibahati vit un grand panier de roseaux tressés venant de ses contrées de cinq pas de long, deux de large et de sept pieds de haut, pouvant surement accueillir une douzaine d’hommes. Étaient percés cinq sortes de meurtrières de chaque côté de cette nacelle. Sibahati imagina que c’était un moyen de transport, mais quel était son système de propulsion ? En se rapprochant de l’embarcation, il observa au cœur une sorte de fourneau en fonte avec un refoulement vertical vers le ciel. Une immense voile était suspendue aux solives de la charpente du bâtiment, rattachée au panier par une multitude de filins comme une marionnette aux doigts experts du manipulateur. Six hommes munis de perches se placèrent aux quatre coins et au milieu de l’engin et détachèrent la voile en la maintenant en l’air. Le panier monté sur un chariot à roues fut poussé et déplacé à l’extérieur de l’atelier. Tout les observateurs suivirent la procession de cette curiosité. L’ingénieur en chef alluma et activa un foyer incandescent dans le four. Sibahati se gratta la tête se demandant à quoi pouvait bien servir un four de cuisine à cet emplacement. Cela dura de longues minutes. Soudain la voile s’anima comme prise dans le souffle d’un courant d’air. Puis elle gonfla et défia la puissance attractive de la terre. Ce qu’il pensait être une voile était en fait une immense baudruche de toiles cousues qui se remplissait comme par magie. Les perchistes n’avaient plus besoin de la maintenir au ciel, elle était entièrement sphérique et tendue, solide comme une boule de verre. Elle continua à s’élever, tendant les fils la reliant à l’embarcation. Quelques seconde s’égrenaient, et soudain le panier décolla d’un pas tracté par le ballon. Les perchistes s’étaient mués en retenus, agrippant des cordes fixées au plancher de l’embarcation pour éviter qu’elle s’échappe dans le ciel.

Les yeux écarquillés à en perdre ses orbites oculaires, les mains secouant ses cheveux, Sibahati s’écria : « Qu’est ce cette sorcellerie ?

— Point de magie, mais la manipulation des sciences de notre nature.

— Et comment… ?

— Nous avons découvert qu’un courant chaud créait une pression ascendante capable de soulever dans les airs un certain poids.

— Que les dieux me soient témoin ! Comment empêchez-vous cet engin de s’envoler jusqu’à la voute céleste ?

— Cette pression tractrice diminue avec l’altitude. De plus, nous avons un système de contre-poids avec ses sacs remplis de pierres d’un poids savamment calculé. Le jeu entre le délestage de ses sacs et l’intensité du courant chaud permet de contrôler l’altitude.

— Et pour la direction ?

— C’est le principal défaut de cette invention. La marche en avant est soumise au courant des vents. Nous pouvons influer légèrement sur la direction gauche-droite grâce à un gouvernail de la même manière qu’un bateau.

— Incroyable ! Mais comment faites-vous quand vous n’avez plus de combustible ?

— On flotte un temps restreint avant de s’écraser.

La démonstration de cette invention devant les membres d’un royaume étranger confortait la confiance de Sibahati donnée à leur allié alvinois.

« Avec ce nouveau moyen de transport, nous pourrons attaquer le plateau volant du royaume Hartlan sur tous les plans ; terrien, marin et aérien.

— Impressionnant ! Nous vous remercions pour cette immense honneur que vous nous faite. Partager vos progrès avec un parti étranger et récemment allié, renforce à nos yeux la solidité de notre coopération, déclara Sibahati.

— Oui, c’était pour nous une manière de consolider votre confiance.

Le petit groupe s’éloigna de l’espace d’essai.

« Mais dites-moi, avez-vous trouver des volontaires pour accepter de quitter la terre ferme et être ballotés par la volonté des vents.

— Oui, ce n’est ni plus ni moins le même sentiment qu’ont ressenti les premiers marins.

— C’est tout de même une autre dimension.

— Et ce n’est pas fini, nous étudions l’exploitation des fonds sous-marins pour se déplacer d’une façon totalement furtive.

— Je n’y avais pas pensé. Cela ouvre des opportunités infinies.

— Nous espérions embarquer quelques soldats à vous. Votre réputation d’archer hors paire serait fort utile pour nettoyer les zones d’abordage. Et pourquoi pas vous-même, prince.

Sibahati déglutit. Il chercha une excuse rapide pour ne passe se départir. « Ce serait avec beaucoup d’excitation, mais en tant que chef de notre armée, je dois conduire mes troupes au sol.

— Cela va de soi, répondit le stratège alvinois avec un léger rictus.

Le subterfuge ne semblait pas avoir fonctionné. Le courage de Sibahati pour s’élever dans les airs était limité.

— Nous avons encore quelques systèmes d’intrusions à vous présenter avant de vous libérer pour des activités plus festives.

— Je vous assure que je suis déjà au spectacle avec votre impressionnante démonstration.

L’après-midi se termina en beauté. Sibahati quitta le château la tête dans les étoiles. De retour à l’auberge son esprit percuta la plus belle des étoiles ; Souriss.

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