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Chapitre 03 :Le Royaume des Alvins

 Au sein des montagnes aux pentes tant ardues que rien ne poussait, une colonne de cavaliers progressait l’un derrière l’autre lentement sur un étroit sentier sculpté naturellement à flanc. Ils sillonnaient entre les pics des Terres de Pierre au cœur du Royaume des Alvins. Une dizaine d’alvinois traçaient la route vers le château de Forcîme suivi d’une dizaine de zakusiniens venue des Terres du Sud. Probablement qu’aucun habitants des Terres du Sud n’avait gravit aussi haut les célèbres Pics du Rageant. Sibahati, prince héritier du Royaume de Zakusini était couvert d’une épaisse cape en patchwork de fourrure de fouines des sables cousues les unes avec les autres. Il montait un cheval inhabituel pour lui, un géant, debout à côté de lui le sommet de son crane n’atteignait même pas le garrot de la bête. Il n’était pas fait pour la course mais pour l’escalade. Ces pattes épaisses et musculeuses recouvertes d’un épais pellage gris martelaient avec ses sabots semblables à des enclumes la roche friable de ce mince et dangereux sentier. Il connaissait le milieu montagneux pour avoir arpenté à de nombreuses fois la chaine rocheuse de la province de Kubwa avec son père. Mais ces montagnes dépassaient tout ce qu’il avait imaginé. Certain flanc était verticaux tels des murailles de forteresse. Il ne pouvait croire qu’au sein de ces terres hostiles se dressait un majestueux château et une ville de plusieurs milliers d’habitants. Comment était-ce possible ? Cela faisait cinq jours qu’ils voyageaient de la plage où ils avaient débarqué après la traversé de la mer de Dunia depuis Zakusini, en passant par la vallée des Espoirs Perdues et maintenant à quelques lieux de Forcîmes. Après un virage en épingle périlleux, le sentier se fit plus large permettant à trois chevaux de trotter les uns à côté des autres. Sibahati en profita pour remonter la file et se caler à hauteur du chefs de la troupe ; Sotchi, un colosse qui faisait passer sa monture pour un poney. Il portait une peau d’ours en guise de cape avec la tête de l’animal reposant sur sa tête. Dessous une simple cote de maille sans manche recouvrait un torse épais sculpté dans les montagnes du Rageant. La vue de cette poitrine quasiment nu exposée aux rafales glaciales fit frissonner le prince des Terres du Sud.

— Dans ce paysage vertigineux, nous ne penserions pas trouver une ville et un château fastueux se dresser ici, engagea Sibahati.

— C’est l’effet attendu sur nos ennemis justement. En cinq cents Entre-Deux Lunes, Forcîme n’a jamais été envahi ni même menacé. Aucune puissance des Terres Connues ne s’y risquerait. Mais cette invulnérabilité à son lot d’inconvénients.

— Quels sont-ils ?

— Les ressources vitales de la vie. Ici rien ne pousse naturellement. Seul en Trekvar, la neige laisse par endroit la place à quelques cultures courtes. Sinon, seul la cours du château bénéficie de légumes et fruits cultivés sous les serres chauffées royales. Pour le reste, nous faisons venir tous nos besoins alimentaires du plat continent.

— C’est pour ça que depuis un siècle vous essayez de conquérir les royaumes des Terres Riches ?

— C’est-à-dire que l’or, le fer et les diamants ne se mangent pas.

— C’est pourtant ce qui fait la fortune de votre royaume. On vous dit le royaume le plus riche des Terres Connues.

— C’est le difficile équilibre de notre royaume. La richesse des joyaux contre la richesse du ventre. Et croyez-moi, mon estomac rêve plus de victuailles que de cailloux précieux indigestes.

— On vous dit forts chasseurs…

— Oh que oui ! l’animal est rare aussi dans nos contrées, mais la chasse est devenue au fil des siècles notre atout premier. Et j’aime ça ! Elle me permet de me rassasier. Mais attention, ici nul traque de petite biche, lièvre ou chèvre. La faune s’est aussi adaptée à ces rudes montagnes. Nous chassons les plus puissants animaux des Terres Connues ; le gorgole chauve, l’ours, le tigre blanc, le cerf aux cornes pointues, le castor aux dents d’acier. Je vous assure que ce ne sont pas des parties de plaisir… Quoi que pour moi, si. La traque, l’embuscade, l’encerclement, la mise à mort, le découpage, l’étripage… et le jus de la viande chaude coulant dans votre bouche, ravissant vos papilles. Rien que d’en parler, cela me dresse les poils de plaisir et me fait saliver d’envie. Malheureusement toutes les ouailles du royaume n’ont pas la capacité de pratiquer cette chasse dure et dangereuse. C’est pour cela que nous sommes dépendants de l’extérieur.

— Vous m’en direz tant…

— Mais ne vous inquiétez pas prince, votre royal stature festoiera à volonté ce soir. Votre rang vous permettra de vous gaver.

— Je n’en doute pas. L’ours qui vous sert de manteau, c’est vous qui l’avez tué ?

— Naturellement mon prince. Et c’est la tradition à Forcîme, chaque apprenti combattant devient un guerrier émérite en tuant une des plus dangereuses bêtes des Terres de Pierre. Et cela doit se faire à mains nues et sans assistance. Celui qui se couvre de la chair du puissant, se couvre de gloire, et devient protecteur du royaume. Mon père était surement le plus fort guerrier qu’est connu Forcîme. Dans sa seizième année, il avait vaincu un gorgole de dix pas de haut après une lutte acharnée. Son destin avait tenu à une simple et pourtant rare petite branche de buisson pointue plantée dans l’œil du monstre jusqu’à la cervelle. Le prix à payer fut trois mois de sommeil entre la vie et la mort, le corps lacéré de toute part.

— Impressionnant ! et même votre prince s’est prêtez à cette tradition ?

— Non, il ne faut pas confondre les guerriers protecteurs de Forcîme et les stratèges militaires empruntés héritiers des grandes familles des Alvins. Ils se forment aux côté de tuteurs et préteurs venus de toutes les contrées dans une académie de soldats. Nous n’avons rien à voir, mais nous coopérons pour la protection et l’expansion du royaume.

— Quel est votre rôle dans tout ça ?

— La force ! la force brute ! le rempart à toute menace ! le premier contact avec l’acier et la chair de l’ennemi ! l’image de la peur dans l’œil de nos adversaires ! mais avec un peu de jugeote quand même…

— D’après ce que vous me dite, votre armée est redoutable. Pourquoi avoir fait appel au Royaume de Zakusini ?

— Ah ça mon prince, je vous laisse trouver la réponse auprès de nos bons stratèges, de la reine et du cardinal.

Un nouveau virage se préparait à quelques pas et la largeur du passage se raccourcissait.

— Je crains mon prince que nous devions nous remettre en formation en ligne, à la queue leu leu.

Sibahati s’exécuta et le silence reprit son droit. Les épingles se succédaient encore pendant plusieurs heures. Sotchi lui avait assuré d’arriver avant le coucher du soleil. Il avait peine à le croire. Le soleil, où était-il ? Le ciel était monochrome, blanc, tout aussi blanc que les neiges éternelles des cimes du Rageant. Ils s’étaient tellement élevés en altitude qu’ils ne voyaient plus le fond de la vallée. Ils semblaient avoir traversés les nuages pour les laisser au sol. Ils se trouvaient entre deux couches blanches. Le prince des Terres du Sud pensait avoir traversé les cieux et pénétré le monde céleste des dieux du Nord. Il secoua vigoureusement la tête pour rafraichir son cerveau. Avant l’ascension, Sotchi avait prévenu les siens d’un mal de l’altitude pour les non-initiés qui embrouillait l’esprit. Une sensation de sommeil et de songes pervertissait la réalité. Il fallait réguler sa respiration pour aspirer la bonne quantité d’air plus rare sur les sommets. Mais même sein d’esprit, ce monde était fascinant et vertigineux. Plus de bas, plus de haut, c’était comme si ces montagnes flottaient dans les airs. Sans crier gare, et au moment le plus inattendu pour Sibahati, au détour d’un nouveau lacet, le flan de la montagne se libéra de son regard pour découvrir une ville verticale accrochée à la montagne. Elle avait été creusée, sculptée, modelée pour accueillir des habitations, des commerces, des tavernes, des églises, des voies de circulation plus larges laissant la place à deux chariot de se croiser, des escaliers, des tunnels et puis la construction la plus monumentale ; le château des Alvins, la forteresse de Forcîme. Il semblait surgir de la montagne comme un membre à part entier de la roche millénaire. Il formait un pic parmi les pics du Rageant, comme une aiguille piquant les nuages. Il se confondait à la pierre grise, imitait le minéral. D’aspect brute vu de loin, le palais longiligne comportait des détails plus subtils à son approche. Dans des alcôves entourant les bas remparts du château se dressaient une multitudes de statues représentant les héros légendaires des alvins. Le père de Sotchi devait certainement y être représenté. Des moulures, des rosaces, des figures géométriques représentant le flocon de neige, des figures fantastiques du gorgole et de l’ours, étaient sculptés sur les parois de pierre. De nombreuses fenêtres couvertes de plaque de verre protégeant les appartements du froid perçaient les murs. Un nombre incalculable de cheminées fumantes se dressaient sur les tours et les toits de tuiles de pierre. Certaines maisons étaient troglodytes profitant des fractions naturelles de la montagne. La ville grouillait de gens, de cavaliers et de chariots. L’activité de la journée prenait fin pour laisser place aux tavernes bruyantes, aux femmes et aux hommes d’agrément, aux chants et danses improvisés dans des kiosques, à la garde de nuit.

Sibahati s’aperçût soudain que sa mâchoire pendait lamentablement, le menton en contact avec sa gorge. Il referma sa bouche rapidement en claquant des dents. Pourtant il était habitué des palais, des constructions incroyables. Mais celles-ci étaient posées dans un lieu improbable, inaccessible. Voyant la tête du prince, Sotchi rigola.

— Cela fait le même effet à chaque fois sur n’importe lequel nouveau visiteur. Même ceux qui sont déjà venus ont toujours cette expression béate.

— Mais comment… Comment vos bâtisseurs ont-ils pu amener les matériaux premiers ?

— Au début, ils se sont servis sur place. Forcîme ressemblait plus à une carrière qu’à une ville. Une fois le gros œuvre effectué, les murs montées, les voies tracées, ils ont fait venir les matériaux rares comme le bois par la rivière du Rugissant mille pas sous nos pieds. Par système de poulies et de nacelles, il faisait gravir le flan de la montagne de tous leurs besoins. Encore aujourd’hui, c’est la manière privilégiée des commerçants pour s’achalander.

La troupe s’engagea sur l’allée principale de la ville menant aux portes du château. Sotchi salua la garde de nuit qui prenait position à l’entrée sud de forcîmes.

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