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Chapitre 02 : Le Royaume d'Hartlan

« LeeRoy ! »

L’appel de son nom le fit émerger de ses songes.

— Arrête de rêvasser et conduit le dipcoy bien droit. Ecarte toi un peu plus de la falaise, je ne voudrais pas retrouver mon dipcoy écrasé en bas. C’est qu’il coûte extrêmement cher.

— Oui père… Merci de te préoccuper de ma santé !

— Faut que tu termines cette parcelle avant le couché du soleil. Demain c’est le vieux Solfert qui a la bestiole en gage.

LeeRoy était un jeune adolescent de quinze ans. Sa peau noire originaire des Terres du Sud scintillait sous le soleil de Dunia. Sa tête ronde était surmontée d’une coiffure crépue, très dense et d’un grand volume arrondi qui accentuait la forme circulaire de son visage. Ses yeux au couleur du Jade des Mers transperçaient sa figure. Le corps de LeeRoy avait été sculpté par les efforts quotidiens de l’agriculture.

LeeRoy montait le dipcoy qu’il appelait affectueusement Dyp. C’était l’animal terrestre le plus grand des Terres Connues. Inoffensif, docile, puissant, endurant et herbivore, il excellait pour les tâches du champ. Son corps était massif avec un centre de gravité bas supporté par quatre pattes épaisses, recouvert d’une courte fourrure rose clair. Son long coup se dressait vers le ciel surmonté d’une petite tête ronde. La fourrure dense masquait les orifices de son visage. Seuls deux grands yeux globuleux paraissaient comme deux boutons cousus sur un gilet de laine. La barquette de pilotage chapeautait la tête du dipcoy fixée par de solides lanières de cuir. L’animal ne se dirigeait pas comme les chevaux avec des mors dans la bouche. LeeRoy actionnait deux manivelles à chacune de ses mains qui activaient une sphère au contact de la peau. Elles massaient chaque tempe d’une certaine manière appris pendant le dressage qui lui indiquaient les directions à prendre. En cette fin du mois d’Halvar, c’était les prémisses de l’hiver. LeeRoy et Dyp labouraient le champ de sa famille, la famille Attila. Son père qui le houspillait gentiment s’appelait Pol’Jow Attila. Il était agriculteur et membre du conseil du village de Croch’Plateau. Il était marié à Marianne Owsley, une mère aimante et courageuse. LeeRoy avaient deux sœurs ; Marylène de trois ans son ainée et Maryssa dix ans. Bien sur depuis de nombreuses années, LeeRoy s’était rendu compte que Pol’Jow et Marianne n’était pas ses parents biologiques. La couleur de sa peau n’avait pas manqué de le surprendre très tôt. Pourquoi était-il noir alors que toutes les personnes qui l’entouraient étaient blanches ? Il n’avait jamais rencontré d’autres noirs comme lui. De fait à l’âge de huit ans, il pensait être malade, avoir attrapé l’Embrumeuse ; la lèpre des Rocheuses. Son père avait dû le rassurer et lui avouer une partie de ses origines. Il lui avait raconté qu’ils l’avaient recueilli auprès d’un couple de marins-marchands venant des Terres du Sud qui l’avaient eux-mêmes reçu d’une femme désespérée fuyant les désordres violents du Royaume de Zakusini. Pol’Jow n’en avait pas révélé plus. Cela convenait à LeeRoy. Il adorait sa famille d’accueil et la considérait comme de son propre sang. Il respectait au plus haut point son père, aimait chaleureusement sa mère, et ses sœurs étaient ses meilleures amies. Bien entendu, les enfants du village ne manquaient pas de lui rappeler sa couleur de peau par des moqueries et des sobriquets méchants. Après quelles que bagarres et bourpifs bien placés, réprimandés par son père et le bourgmestre Arlovin Godillon, LeeRoy avait réussi à obtenir un certain respect et à se faire des amis.

Croch’Plateau était un village d’agriculteurs et d’éleveurs à flanc de côteau et de falaise sur les terres du Royaume d’Hartlan dans les Terres Riches. Après le bourg des Portes de Patalanne, Croch’Plateau était le plus proche de la cité de Patalanne et du château des Jowans. Tous les jours pendant ces tâches au champ, LeeRoy pouvait admirer la majestueuse capitale. Seul un bout de la mer de Dunia le séparait de la cité. Patalanne était construite sur le Plateau Volant du même nom, un immense récif émergeant de la mer de Dunia et s’élançant vers le ciel d’une centaine de pas. Plus d’une douzaine de plateaux volants bordait les cotes du royaume. Volant était le nom poétique que les cartographes leur donnaient. Ces îles semblaient comme suspendu dans le ciel mais étaient solidement ancrée par un tron de pierre dans le sol marin rocheux. Celui de Patalanne était le plus étendu et le plus urbanisé de tous. Un large pont de pierre suspendu au-dessus de la mer joignait la cote à la cité. Le bourg des Portes de Patalanne accueillant des auberges, des tavernes et une garnison militaire gardait l’entrée du pont côté continent. Un pont-levis empêchait l’accès à la passerelle en cas d’attaque. Il n’avait pas été relevé depuis un siècle. La beauté architecturale de la cité replongea LeeRoy dans ses rêves remplis de chevaliers, de rois et de princesses. Les tours et le donjon du château royal transperçaient les nuages assez bas en cette saison. Elles étaient visibles à plus de dix lieux des terres, et cinquante lieux de la mer. La famille royale Jowan était au pouvoir depuis trois générations, intronisée après la fin de la guerre alvinnoise. Le roi Jowen III était respecté et apprécié par son peuple. Malgré les différences et castes sociales traditionnelles, chaque membre (paysan, artisan, commerçant, servant, bâtisseur, intellectuel, chevalier, soldat, religieux, noble et gouvernant) trouvait sa place au sein du royaume.

Heureusement Dyp était bien dressé et connaissait par cœur le travail qu’il avait à accomplir. Cela laissait la liberté à LeeRoy d’admirer son environnement.

Pol’Jow hocha la tête de dépit voyant son fils la tête sur Storma ou Lillma. Rassuré de voir la compétence du dipcoy, il se retourna et se prépara à la venue de son vieil ami le bourgmestre, Arlovin Godillon. Le petit homme rondouillard salua bruyamment avec un rire gras de satisfaction.

— Arlo’, comment va vieille mule ?

— Pas plus mal qu’hier !

— Comment avance les préparations de la fête de l’Entre Deux Lunes ?

L’Entre Deux Lunes était le 45 Halvar, c’était la nuit où Storma la Grande était exactement opposée à Lillma la Petite. Ce jour marquait aussi la moitié de l’année, la fin de l’été et le début de l’hiver.

— Nous avons vidé comme prévu la moitié du sillo 02 de blé et 03 d’orge. Ils sont en cours de transfère vers le château. Les chariots doivent-être sur le pont en ce moment.

Croch’Plateau était le premier fournisseur de denrées alimentaires du château. Toutes les grandes fêtes du royaume mettaient à contribution tous les paysans du village.

— Altrich et Borim ont sélectionné leurs meilleurs bœufs et moutons. Ils sont parqués dans l’enclos principale prêts pour la boucherie du château.

— Le grand coordinateur a-t-il été généreux cette année.

— Pas mal, c’est un bon cru. De plus, il nous accorde à tous une remise supplémentaire sur notre contribution au royaume de dix pourcents.

— Rien de plus normale pour qu’ils puissent s’amuser entre eux sans qu’on les importune.

— Laisse-les ! cette année la fête au village sera tout aussi grandiose. Le porc de l’année du marché de Solchir sera sur la broche. Colkrim nous a réservé ses cinquante meilleures bouteilles de vin. On va bien s’amuser.

— Je n’en doute pas.

— D’ailleurs n’oublie pas de passer au conseil demain soir pour valider les derniers points de l’organisation de la soirée.

— T’inquiète, j’y penserai.

Après une solide poignée de main, Arlovin retourna à ses préoccupations de bourgmestre. Les Attilas étaient très proches des Godillons, sa femme Marlinette et leur fils Totiss. Du même âge Totiss et LeeRoy avaient été élevés ensemble. Ils se considéraient quasiment comme des frères. Arlovin était bourgmestre de Croch’Plateau depuis plus de deux décennies. Son empathie et sa rigueur nonchalante avaient su mettre en confiance toute la population.

LeeRoy et Dyp avaient engagé la dernière rangée de labour. Le soleil déclinant s’était paré de pourpre. La dernière traversée du champ se faisait face à l’astre rougeoyant. Il contraignit LeeRoy à plisser les yeux et à détourner son regard. Il se porta sur la route principale en terre-battue menant aux Portes de Patalanne et particulièrement sur un carrosse richement décoré tracté par quatre puissants chevaux, et escorté par deux cavaliers de la Garde du château.

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