Chapitre VI - La bête

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Tout à coup, alors que nous ne sommes qu'à une dizaine de pas d'entrer enfin en contact avec tout ces autres occupants de la rame, un cri de terreur retentit . Sur notre droite, une énorme créature velue surgit d'un entrelacs de jupe, de sac en tissu et de serviette de plage. Elle fonce et bondit en zigzaguant à travers la foule, balayant de son interminable queue les quelques personnes qui se trouvaient dans le sillage de ses imprévisibles virages.

Tétanisés par la rapidité et le gigantisme du monstre moustachu, je ne fais que suivre du regard sa terrible trajectoire. De multiples avertissements et injonctions retentissent: "Couchez vous !", "Aaahhhh ! ", "Attention à la queue !", "Courrez !".

La bête finit par atteindre son but : elle arrive au niveau du trognon de pomme, y pose ses pattes avant, en renifle rapidement la surface puis y plante ses incisives hypertrophiées.

Dans un éclair de lucidité, ou de bêtise, je me mets à courir vers la partie du promontoire qu'occupait le rhéteur : le malheureux tente de rester en équilibre en compensant par de petites pirouettes les vibrations provoquées par le mastodonte affamé.

Finalement, une brusque bousculade plus puissante que les précédentes ne manque pas de le faire trébucher, lui faisent perdre sa lutte contre la gravité. Je vois la scène au ralenti alors que je cours vers le point de chute probable du petit bonhomme. Sur le coup de l'adrénaline, je ne sens pas mon cœur s'emballer dans ma poitrine, ni mes poumons s'embraser, ni mes pieds percuter rapidement le sol : je me sens comme transporté par une force extérieure à mon corps.

L'homme dégringole en agitant les bras et les jambes désespérément. La tête levée, je rectifie mon estimation de la trajectoire de chute de ma cible et je finis ma course en reculant de deux pas. J'écarte instinctivement les bras et je fléchis les jambes me préparant à l'impact. Je suis juste en dessous de lui. Je vois tout son squelette se contorsionner sous la tension de ses muscles. Je vois son dos m'arriver droit dessus. Je vois précisément chacune des ses vertèbres, les enchevêtrements de nerfs et de vaisseaux sanguins qui connectent ses organes. Je vois au travers de lui comme s'il n'était qu'un hologramme vivant. Je ferme mes paupières translucides. Ma vision se trouble. Puis c'est le noir complet.

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