J'entends des voix autour de moi :

« Jay… Jay !

— Écartez vous ! Je vais regarder ce qu'il a. »

Je retrouve progressivement mes esprits en clignant frénétiquement des paupières. Je suis allongé sur le dos. Je vois mes premiers compagnons de route et le prêtre qui s'écartent pour laisser la place à une femme dont je reconnais la voix grave.

« Ne bougez pas. Je vais vous ausculter. »

Elle déplace minutieusement mes bras et mes jambes pour mieux les scruter. Elle penche sa tête au niveau de ma nuque en faisant quasiment toucher sa joue par terre.

« C'est bon ! déclare-t-elle. Rien n'est cassé ! Juste un hématome au niveau du lobe occipital et peut-être quelques articulations foulées. Si vous n'êtes pas pris de vertige et de vomissements dans les prochaines heures, c'est très bien, sinon il faudra consulter une spécialiste en urgence. Vous avez eu de la chance jeune homme ! »

Lyne et Matt m'aident à m'asseoir. Je réalise que cette femme vient de me dire qu'il y a des chances que mon cerveau soit touché en fait ?! J'aurais peut-être préféré m'être pété un truc tout compte fait ! Remarquant peut-être le dépit se dessiner sur mon visage, elle reprend :

« Je dis ça mais en même temps j'ai pu remarquer que nous avions tous gagné des capacités de rémission hors du commun. Et peut-être même au-delà. Vous remarquerez que personne n'a plus besoin de lunettes de correction ici. Pas de crise d'asthme ni d'hypoglycémie sur la soixantaine de personnes que j'ai pu compter jusqu'à présent. Nos organes et nos os semblent exempts de toute trace de vieillissement et ne présentent même aucune imperfection significative...

— Et tout cela grâce à Dieu, ne peut s'empêcher d'ajouter calmement celui dont j'ai amorti la chute.

— Pfff ! Mais vous ne cessez donc jamais de débiter vos balivernes ? reprend la femme avec une note de consternation dans la voix. »

Je la regarde et je discerne dans son regard la lueur de cette confiance en soi qui ne peut naître que d'une longue expérience. Cependant, impossible de lui attribuer un âge : pas de peau donc pas de rides, ses cheveux comme ceux des autres ressemblent à de fines fibres de plastique, sa posture est droite et sa voix stable et puissante.

« Merci mais qui êtes-vous au juste ?

— Je m'appelle Maya de Furstak. Je suis présidente et fondatrice de l'association Sobrevive ! qui forme ses adhérents à gérer collectivement des situations difficiles. »

J'entends Jeff qui chuchote aux autres avec un sourire de fierté aux lèvres :

« Vous voyez ? Je vous l'avais dit que c'était des survivaliste ! »

Maya continue:

« Je vous avoue que je m'attendais à ce que nous rencontrions un crise de façon imminente mais peut-être pas du genre de celle que nous vivons actuellement. Étant donnés les changements de nos organismes et de nos métabolismes, je pense que nous sommes victimes d'expériences bio-technologiques ayant pour objectif de former des super-soldats… »

— Ah ah ah ! s'esclaffe l'illuminé tombé de la pomme. Et c'est moi que vous traitez de fabuliste ?! Si mon interprétation de la situation vous navre, la vôtre en revanche est hilarante ! Madame, votre théorie complotiste me déçoit beaucoup si vous êtes bien la fille du professeur George de Furstak. »

A l'évocation de cet homme, je vois Maya esquisser une moue amère et serrer les dents. Apparemment l'enquiquineur a touché la corde sensible !

« Cela ne peut être que l'œuvre de nôtre Seigneur car vous savez bien que ce qui nous arrive dépasse de beaucoup les capacités de nos plus hautes technologies. »

Il tourne son regard sur moi et poursuit:

« En tout cas, merci jeune homme de m'avoir soustrait aux griffes et aux crocs de ce démon infernal ! »

Il me serre la main et m'aide à me relever. Il se retourne vers les siens et entame un nouveau sermon en tournant autour de moi :

« Voyez la bravoure de cet homme ! Mes frères, mes sœurs ! Il m'a secouru au péril de son âme ! Car oui en effet je vous le dis: ceux qui périront ici verront leur esprit prisonniers des limbes pour l'éternité ! Cet homme était prêt au sacrifice ultime pour me venir aide ! Il est exemplaire ! C'est cet homme que nous devons suivre ! »

Alors qu'il passe dans mon dos, je le sens m'agripper l'avant-bras gauche et le lever en l'air à la manière dont on déclare le vainqueur d'un match de boxe. Puis il se mets à hurler comme un hystérique :

« C'est cet homme qui a été envoyé pour nous guider vers le Paradis ! »

Je rabats vivement le bras vers le bas en m'arrachant à ses griffes diaboliques et j'essaie de contrer le brouhaha de hourras et des bravos:

« Woh woh woh! On se calme !!! Je n'ai rien fait d'exceptionnel OK ! Et je ne suis pas un envoyé de qui que ce soit ! Je cherche juste à sortir de ce putain de RER, c'est clair ?! »