Le vieillard posa doucement sa main sur l’épaule de son petit-fils et inspira une longue bouffée d’air frais. Ce silence… À l’instar de tous les autres Sagittariens, il n’avait jamais connu que ça, mais cette absence totale de nuisances sonores lui faisait toujours le plus grand bien ! Pas d’oiseaux qui chantent, pas de chiens qui aboient, pas de véhicules personnels… Parfois, le léger sifflement d’un bus à oxygène venait rappeler que le temps continuait à s’écouler. Il n’y avait pas non plus de terrasses de café bruyantes : de tels lieux publics n’existaient tout simplement pas sur Sagittari. Ses habitants avaient plutôt l’habitude de se retrouver à domicile pour passer des moments entre eux. Ce genre de retrouvailles était toutefois rare, la plupart ayant un mode de vie assez solitaire.

— Papy, papy ! Y’a quoi après les arbres ?

— Eh bien, après les arbres, il y a la forêt, mon petit, répondit le grand-père avec un large sourire.

— Et pourquoi des fois la forêt elle fait du bruit ? Y’a vraiment des monstres !?

— Mais non ! C’est parce que le vent se faufile entre les feuilles et les agite. Elles se cognent les unes contre les autres et font ce bruit que tu entends.

— Ah… C’est pénible quand même, ça tape dans les oreilles !

Le vieil homme afficha un sourire attendri. Pour qui n’était jamais exposé au bruit, il était vrai que le simple bruissement des feuilles d’un arbre pouvait être une sacrée nuisance sonore ! Le mode de vie des Sagittariens s’était progressivement aligné sur ce silence : tout le monde parlait très bas, on utilisait des bouchons d’oreille pour supporter les cris des bébés jusqu’à ce qu’ils parvinssent à maîtriser leur volume sonore, on mettait les télévisions en sourdine, et même les écoles étaient des lieux calmes et paisibles. Oh, les enfants jouaient entre eux, bien sûr, mais ils adaptaient leur propre volume à leur environnement, si bien que la notion de « crier » était sans commune mesure avec celle des Terriens.

— Papy, papy ! J’aimerais trop avoir un chien !

— Ah ! On ne peut pas, mon petit, il n’y a pas de chiens sur Sagittari.

— J’en ai vu en photo à l’école ; ils sont trop mignons ! Pourquoi les Terriens ils les ont pas amenés avec eux ? Ils sont bêtes !

— Oh… Je crois surtout qu’ils n’avaient plus la place pour les prendre sur leur vaisseau, quand ils ont quitté leur planète.

C’était sans doute plus une question d’égoïsme humain que de place à bord du vaisseau, mais le vieillard n’avait pas envie d’aborder ce genre de thème avec son petit-fils.

— Hé, papy ! Et si on allait sur Terre chercher un chien ? Comme ça après on le ramène à la maison !