2. Cablages ( pas d'images désolé )

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Le cerveau du haut représente en bleu les connexions internes repérées sur 428 hommes. Les connexions sont "verticales", et courent principalement à l'intérieur de chaque hémisphère. Le cerveau du bas représente en orange les connexions internes repérées sur 521 femmes. Elles sont majoritairement "horizontales", reliant entre eux les deux hémisphères cérébraux.

Ceci est l’image de deux cerveaux, l’un masculin, l’autre féminin (une vue de dessus, une vue de côté). Cette image nous dit que la structure interne du cerveau est différente, selon le sexe. C’est une découverte lourde de conséquences et qui nous oblige à réfléchir. Elle fait suite à de longues recherches sur les différences cérébrales entre hommes et femmes, parfois contestées. Elle est décisive car pour la première fois, des clichés du cerveau montrent des différences très nettes sur des échantillons fortement significatifs, c’est-à-dire sur de grands nombres de sujets observés.

Que voit-on ?

Les scientifiques ont visualisé les connexions de substance blanche dans le cerveau, c’est-à-dire les « câbles » qui connectent entre elles les différentes zones du cerveau et permettent de le faire fonctionner comme un tout. Ils ont utilisé pour cela une technique récente, qui est en train de révolutionner les neurosciences : l’imagerie par tenseur de diffusion.

Les différences sont tellement visibles qu’elles sautent aux yeux.

Chez l’homme : câblage principalement de haut en bas sur le cliché A, c’est-à-dire à l’intérieur de chaque hémisphère cérébral (moitié de cerveau).

Chez la femme, câblage plus transversal, de gauche à droite, connectant les deux hémisphères entre eux.

Qu’est-ce que cela veut dire ?

Les 949 personnes ont aussi passé des tests de comportement. Les scientifiques ont observé que les femmes obtiennent de meilleures performances dans les domaines de l’attention, de la mémoire des mots et des visages, et de la cognition sociale (émotions, raisonnement en situation sociale, prise de décision collective), les hommes ayant de meilleurs résultats dans la perception de l’espace, le repérage tridimensionnel, et la vitesse d’exécution sensorimotrice.

Les différences cérébrales vont exactement dans ce sens : les plus fortes connexions chez l’homme au sein d’un même hémisphère accélèrent la vitesse de traitement des informations et les tâches liant la perception à l’action. Les plus fortes connexions chez la femme entre les deux hémisphères favorisent l’intégration du raisonnement et de l’intuition, produisant une meilleure intelligence émotionnelle (capacité d’analyser son propre ressenti et celui des autres, à l’exprimer et à agir en société, domaine où les femmes tendent à faire mieux que les hommes), et un meilleur niveau de langage (que l’on retrouve dans la dernière étude PISA publiée hier, réalisée sur plus de 500 000 jeunes à travers le monde).

Ces différences se mettent en place dès l'adolescence, d'abord au niveau frontal, puis à l'entrée dans l'âge adulte, dans l'ensemble de l'encéphale.

Les connectivités internes ont été établies en A chez des enfants, en C chez des adolescents, en D chez des adultes.

Qu’est-ce que cela ne veut pas dire ?

Attention, ces observations montrent qu’en moyenne, le cerveau des hommes et celui des femmes ne possède pas la même structure interne. Cela ne signifie pas que le cerveau d’un homme donné soit nécessairement câblé plus de façon « intrahémisphérique » que celui d’une femme donnée. Tout comme le fait que les hommes soient en moyenne plus grands que les femmes ne signifie pas qu’un homme pris en particulier soit nécessairement plus grand qu’une femme prise au hasard dans la population. Simplement, sur les grands nombres, on peut dire que les hommes et les femmes possèdent statistiquement des structures de connectome (organisation des connexions de substance blanche dans le cerveau) qui diffèrent.

Ce que cela ne veut également pas dire

Le grand débat sous-jacent est celui de l’innéisme : les femmes et les hommes sont-elles différentes cérébralement à cause de leur biologie, ou à cause de la société qui leur impose des fonctionnements différents ? L’étude ne dit rien sur ce point. Les gènes, aussi bien que l’environnement social, peuvent conduire à ces structures distinctes. Le cerveau est plastique. Si les femmes ont de plus fortes connexions entre hémisphères, on sait aussi que certaines activités (la pratique assidue du piano, par exemple) produit le même résultat. Et si vous faites faire du piano à votre petit garçon, cela ne va pas faire de lui une fille.

En fait, ces observations sont passionnantes, parce que

1) Elles permettent de partir d’une base scientifique ferme pour admettre qu’il y a des différences dans la structure du cerveau en fonction du sexe

2) Elles ouvrent la voie à de vraies recherches pour savoir quelle part d’influence sociale et biologique aboutissent à  ces différences.

Là où cela devient dangereux

Les neurosciences sont en quelque sorte en avance sur le débat public aujourd’hui. Elles mettent en avance des différences cérébrales entre hommes et femmes, dans un monde où la justice sociale a encore du progrès à faire. Nous votons des lois qui instaurent et préservent l’égalité de droit entre hommes et femmes, et le risque est de voir ces découvertes fragiliser la volonté d’équité et de parité. C’est pourquoi la publication de tels résultats doit toujours, à mon sens, s’accompagner d’un rappel essentiel : la science ne fait pas le droit. Hommes et femmes doivent avoir les mêmes chances d’accéder aux métiers et aux fonctions auxquelles ils aspirent, et nous devons toujours placer notre sentiment de la justice au-dessus des interprétations abusives des observations neuroscientifiques.

Quelle serait une telle interprétation abusive ? Celle qui consisterait, par exemple, à défavoriser une femme postulant à un emploi nécessitant une forte compétence de repérage spatial, en arguant de ces résultats. La vraie science préciserait que le cerveau de cette candidate n’a peut-être rien à voir avec le cerveau statistique établi ici. Elle ajouterait aussi que la connectivité cérébrale d’une personne, même si on la mesurait individuellement (ce qui supposerait un état interventionniste au plus haut point) ne préjugerait pas entièrement de ses capacités à un poste.

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