Déclaration

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Au Mestre de la Citée Pourpre,

Nous avons bien reçu votre demande de renfort à la surveillance de la citadelle. Un mouvement des troupes ailées de Northem a bien été signalé, mais rien ne semble contraire aux règles impériales. Les festivités demandent beaucoup de leur attention, plusieurs de leurs seigneurs ont fait le déplacement. Néanmoins, les forces armées réservées à la capitale sont déjà sur le chemin de votre ville, le nombre de garde étant déjà suffisant ici. Les morts étranges touchant les prisonniers saarith ces derniers mois ne sont pour moi que la preuve flagrante de leur soumission. Le désespoir les pousse simplement au suicide. Mais je peux comprendre votre inquiétude, et vous conseille en effet la prudence: sans pression sur ce roi belliqueux, il pourrait très bien porter réclamation bien que nous possédions la moitié de ses terres sous nos forces. C'est la raison qui l'a poussé à capituler, espérons que la raison permettra de le tenir.

De plus, et toujours dans le souci de protéger l'Empire des agressions du nord, je vous rappelle l'importance de votre Cité et de ses routes. La menace des nomades des Grandes Plaines doit être expressément surveillée, leur passage annuel flirtant de plus en plus avec votre comté. Je ferai organiser une éradication prochainement, veillez donc d'ici là aux éventuelles agressions.

En vous saluant,

Le Chancelier Impérial

Je me jetai contre l'homme, le genou en avant, visant l'entre-jambe. Il glapit mais ne me lâcha pas. Il grogna, releva le regard rempli de rage. Il me prit par le cou, me serra fort. J'attrapai désespérément ses doigts, tirai de toutes mes forces. Il ne lâcha pas. Sa colère lui donnait une force incroyable, et il me soulevait littéralement, mes pieds effleurant à peine le sol. D'un mouvement brusque, il m'envoya valdinguer contre le mur qui me cogna de plein fouet. Je gémis, essayant de me redresser malgré ma tête lourde. J'y posai ma main: il y avait du sang. Sérieusement ? Normalement, personne n'a le droit d'abîmer les concubines impériales, peu importe ses pratiques. On dirait qu'il n'avait pas l'intention de me laisser rentrer demain matin. Je me recroquevillai, paniquée. Il est où, mon instinct de survie ?! Aucune idée ne me vint, et les larmes me piquèrent les yeux. L'homme revint vers moi, arracha sa chemise. Je poussai un petit cri devant le spectacle, devant ses lèvres humides et ses yeux révulsés. Voulant m'attraper par les cheveux, je plongeai sur le côté dans une roulade désespérée et attrapai un tabouret que je lui lançai de toutes mes forces. Il l'évita sans peine, ne se pressa pas pour me rattraper. Il jouait avec moi, ce pervers ! Je rampai sous le lit à baldaquin, voulant m'y réfugier. Je sentis à nouveau sa main m'attrapant la cheville, me tirant implacablement malgré mes efforts. Je sentis tout son poids contre mon dos, alors qu'il déchirait ma jupe. Elle résistait, et ça l'énervait. De toutes mes forces, j'essayai de me mettre à quatre pattes pour mieux bouger. Il était lourd, mais le désespoir aida. Agacé, il me faucha le bras, me retourna brusquement. Le voir au dessus de moi au milieu de cette pièce sans issue me paniqua d'autant plus. J'étais impuissante. Il me gifla encore, et je sentis le goût du sang, la vue brouillée. Soudain, une idée ! J'attrapai un morceau du flacon brisé qui mouillait ma poche, le tendis agressivement sous son nez. Il sursauta et s'immobilisa, me laissant le temps de refaire de l'ordre dans mes idées.

"Lâchez-moi tout de suite !

— Ou bien quoi...?"

Il fit un petit rire amusé, tout puissant, et me tordit le poignet pour me forcer à lâcher. Je gémis, résistant de toutes mes forces. De l'autre main, il agrippa mon habit, le malmena. Attrapant l'un des voiles, il m'attacha les mains au dessus de la tête. Je me tortillai, épinglée au sol. Il me lécha la joue, et je pleurai. Je le sentis grogner de plaisir, et défaire son pantalon. C'était répugnant. Il remit sa main sur ma gorge, m'étrangla à moitié. Sa jambe s'insinua entre mes cuisses, et les forcèrent à s'écarter. Ne me laissant toujours pas faire, il me frappa encore. Je hurlai. Au secours, pitié, aidez-moi ! Il se plaqua contre moi de tout son long et se prépara...

J'entendis un bruit sourd, puis un craquement. À moitié assommée, je ne compris pas de suite. Je vis le visage tétanisé de l'homme au dessus de moi, regardant vers la porte. Je jetai un coup d'œil désespéré, et je vis l'entrée complètement explosée, les débris de bois parsemant le sol. À travers l'ouverture, Raor.

"Il est ici, notre petit colibri !"

Il parlait à quelqu'un qui se faisait rageusement un passage jusqu'à nous. Je me ressaisis. Haldan ! C'était bien lui ! Le guerrier se rua sur mon agresseur, l'attrapa violemment pour l'écarter de moi. Je tremblai, choquée. Raor se glissa jusqu'à moi et se pencha.

"Ca va ?" me souffla-t-il.

J'explosai en sanglots, me cachant le visage. Bon sang, il m'avait vue comme ça ! Je ne voulais pas, je ne voulais vraiment pas. J'entendis un hurlement : le gros homme se défendait comme un beau diable, alors qu'Haldan l'avait attrapé et le jeta contre un paravent qui vola en éclats. Je vis des trainées rouges parsemer son corps bedonnant, fiché d'échardes presque aussi grosses que mon poing. Il poussa un râle, mais le guerrier l'attrapa encore, le tirant par la nuque. Ses supplications me percèrent les oreilles, un goût ferreux me brûlant la gorge. Haldan semblait possédé par la rage, et, sans pitié, il traîna l'homme à travers la pièce. Puis, d'un geste brusque, il le lança contre la grande persienne qui filtrait les lumières nocturnes. La grille résista. Le gros homme supplia encore, terrorisé. Haldan donna un deuxième coup de son avant bras, et le métal ajouré ne résista pas. Mon agresseur bascula dans le vide, et j'entendis son cri. Haldan se rapprocha enfin de moi et se mit à genoux pour me redresser. Il écarta mes cheveux collés au visage, me défit mes liens, puis me serra fort contre lui. Je continuai à pleurer.

"Pourquoi, pourquoi tu m'as laissée ?! Espèce de sale traître !"

Je tambourinai son torse de mes poings, effondrée. Il semblait me répondre, mais je ne compris pas. D'un coup, il me souleva, m'agrippa entre ses bras. Sa chaleur rassurante, son odeur musquée me calmèrent. Il avança d'un pas décidé à travers la pièce, continua dans le couloir vers les appartements impériaux, les yeux luisant d'une fièvre guerrière. Derrière lui, plusieurs hommes armés le suivirent. Ils étaient impressionnants et visiblement prêts à en découdre. Des hurlements achevèrent de réveiller le palais, et plusieurs gardes se ruèrent pour nous arrêter. Haldan ressortit son arme et les renversa d'un simple revers. Je serrai son cou, mes doigts dans ses longs cheveux noirs. Rien ne l'arrêterait dans sa fureur, et il se dirigea tout droit vers la salle du trône. Etrangement, l'Empereur y était, alerté par le remue-ménage, entouré de sa garde personnelle. Il se redressa tout en haut des marches.

"Que fais-tu Haldan ?! Veux-tu perdre tout ce qui te reste ?"

Raor se planta entre les deux, salua l'Empereur avec une élégance moqueuse.

"Mon roi a décidé de ne plus capituler. Merci de votre hospitalité... Ha, et au passage, il vous reprend son petit cadeau. La prochaine fois, essayez d'en prendre soin."

L'Empereur le regardait, interloqué, puis se tourna vers le roi.

"Haldan, tu te rebelles pour une femme ?!"

Raor toussa.

"Il ne faut pas exagérer. Disons que cela précipite les choses. Mon roi n'aime guère que l'on abîme ses jouets préférés.

— Tu perdras encore une fois.

— Sans doute, grand Empereur... Mais que voulez-vous, je crois que mon roi est un grand romantique, finalement."

L'espion semblait presque trouver cela stupide. Il haussa les épaules. L'empereur le foudroya du regard, serrant les dents.

"Jamais personne ne se rebelle, jamais personne ne me reprend. Gardes, ne les laissez pas s'échapper !"

Une vingtaine de soldats inondèrent la pièce, nous submergeant littéralement. Haldan me protégeait d'un bras, l'arme de l'autre, esquivant habilement les coups. Je voulus me défaire de son étreinte, le soulager de mon poids et lui libérer les mains, mais il m'en empêcha. Je le regardai, admirative. Ma foi, si je devais mourir, ce soir... Ce serait une jolie mort. Je décidai de le serrer d'autant plus, de me plaquer contre lui comme une deuxième peau. Ses hommes le protégeaient avec la force du désespoir, mais reculaient de plus en plus. J'entendis un ordre claquer dans les airs, et ils se replièrent vers les fenêtres. Haldan en brisa une d'un coup de pied, et se mit sur le bord. Je regardai le vide en dessous en retenant ma respiration, un vent chaud soufflant sur mon visage. Il s'élança d'un coup, et je hurlai.

Un grand animal passa à toute vitesse en dessous, battant les airs de ses grandes ailes membraneuses. Sauvés ! La réception fut brutale, mais nous étions en vie. La bête poussa un cri et fila par dessus les nuages. Décidément, je commençai à adorer ces bestioles ! Toujours dans les bras d'Haldan, je regardai derrière nous : ses hommes nous suivaient avec d'autres montures. L'un d'entre eux sembla soudain frappé au cœur et s'écroula dans le vide. Des flèches ! Elles sifflèrent jusqu'à mes oreilles, et percèrent l'aile d'une des bêtes à côté. Elle poussa un hurlement et je la vis elle aussi tomber. Je regardai le sol qui s'éloignait à vive allure, et je déglutis. Mais bientôt, les sifflements s'éloignèrent, les cris aussi. Tout ces sacrifices... Pour... Moi ?

Je frémis en voyant la citadelle briller dans le noir et s'agiter à nos pieds. Je pensais soudain à Fort-Drake, puis à ma propre île qui semblait bien lointaine désormais. Nous étions sains et saufs tout en haut du ciel, à des milles du harem, de ses plaisirs et de ses vices. Je soupirais et regardais Haldan, desserrant mes bras. Il me regardait aussi, les yeux luisant sous la lune comme ceux d'un animal sauvage. Il fit un sourire à peine perceptible. Lentement, il glissa ses doigts sur ma joue et m'écarta une mèche de cheveux collée par le sang. Et puis, pour la première fois, il se tendit et m'embrassa. Tendrement d'abord, comme rassuré, heureux de me retrouver. Puis plus fougueusement ensuite, comme si l'adrénaline du combat avait repris le dessus. Je lui répondis par la même fièvre, et il me mordit la lèvre. Je balançai ma tête en arrière, fit un sourire heureux, les larmes coulant sur mes joues. Enfin, il mit sa main dans mes cheveux, les caressa, et me serra tout contre lui.

On dirait qu'il m'a enlevée, encore une fois...

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