Blog : Le Journal (pas) intime de Max. Post n° 3 : Le malade imaginaire

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Hey. Je ne suis pas très en forme en ce moment… Je me sens très fatigué et mon nez coule comme un robinet mal fermé. Verdict du docteur : j’ai chopé le Covid (le ou la Covid…? Je ne sais plus)… Donc me voilà enfermé chez moi pour la semaine. Ils ne vont pas être contents au boulot (je travaille dans l’administration, département Traduction…), les dossiers vont s’empiler sur mon bureau, mais tant pis.

Remarquez, entre mes siestes plus que fréquentes, (cette FATIGUE quand on a ce truc, vous avez déjà vécu ça, vous ?) je vais pouvoir bosser encore sur le personnage de Jake. J’adore lui créer un environnement, des souvenirs, des pensées personnelles. C’est comme s’il devenait peu à peu réel. Parfois, j’ai l’impression de vraiment le connaître personnellement. J’imagine comment il réagirait dans telle ou telle situation. Je me l’imagine même me donnant des conseils, ou simplement discutant avec moi. Un peu comme avec un ami proche qui habite loin. On le connaît bien, on sait ce qu’il aime, ce qu’il déteste. On connaît ses réactions. Mais on ne le voit pas, ou pas souvent. C’est comme ça avec Jake, sauf qu’il n’existe pas, et quand je sors de mes rêveries et que je m’en rappelle, je me sens ridicule.

Je pense savoir pourquoi j’ai créé Jake. Cette image d’homme fort, gentil, protecteur, c’est tout le contraire de mon père. Attention, moment de psychologie de comptoir en vue. Mon père, je ne l’ai pas connu avant mes 19 ans. Tout simplement parce qu’il est parti avant ma naissance. Ma mère était folle amoureuse de lui, mais lui, pas tellement. Pas du tout en fait. C’était juste une copine pour lui (même s’il lui avait promis qu’ils se marieraient, mais bon, ça, c’est un détail). Alors évidemment, quand elle lui a fait savoir qu’elle était enceinte et qu’il l’a quittée, ma mère l’a très mal pris. Elle qui est déjà maniaco-dépressive à la base, ça ne l’a pas aidée. Elle vivait seule et elle ne pouvait pas vraiment compter sur sa famille (“Si tu te retrouves dans cette situation, c’est de ta faute”). Et malgré sa maladie, malgré la peine immense qui déchirait son coeur, malgré ses envies de suicide, ma mère s’est bien occupée de moi. Parmi les souvenirs que j’ai de ma mère pleurant, dévastée, dans le canapé, j’ai quand même plein de très bons souvenirs d’enfance. Le soleil, les matins d’été, qui fusait à travers les tentures oranges du salon, donnant une ambiance flamboyante à mes matins. Les amis qui défilaient à la maison, la remplissant de rires et de chansons. Mes jeux d’enfant dans ma petite tente d’indien, dans le jardin. Les comptines rigolotes qu’elle me chantait pour me faire rire. Ses grandes robes multicolores quand elle venait me chercher à l’école et qu’il faisait beau… Ma mère m’a élevé toute seule, mais elle m’a donné tout l’amour qu’elle pouvait. Elle m’a donné tout ce qu’elle pouvait.

Pour moi, quand j’étais petit, mon père était une espèce de personnage légendaire. le genre de personne dont on parle, mais qu’on ne voit jamais. Je me l’imaginais en espèce de héros, qui ne pouvait pas être là pour des raisons importantes. Parce que ma mère ne l’a jamais dénigré devant moi. Il était juste parti. Et parfois, quand je voyais des avions dans le ciel, je leur faisais signe de la main, en pensant que mon papa était peut-être là-haut et qu’il me voyait. Mais avec le temps, la légende a pris quelques rides, et le héros a perdu de son panache. J’ai voulu le voir. Et comme je le disais plus tôt, j’ai fini par rencontrer mon père quand j’avais 19 ans. Et là, la chute a été rude. Il m’a fait comprendre qu’il ne voulait pas de moi. Il avait sa famille, sa vie, et il ne voulait surtout pas déranger son petit train-train quotidien. Il n’a pas voulu parler de moi à sa femme (qu’il a connue après ma mère) ni à ses trois fils “officiels”. Je ne lui en ai pas voulu. Pas à ce moment-là en tout cas. A ce moment-là, j’avais un autre caractère, je ne voulais pas faire de vagues. Donc j’ai laissé tomber.

Mais le manque est quand même là. Que ressent un homme qui a toujours vécu avec l’idée que son père ne le voulait pas, qui ne s’est jamais senti protégé, aimé, choyé par son père ? Et bien cet homme pense qu’il n’en vaut pas la peine, il pense qu’il est de trop, et qu’il ne sera jamais assez bien pour personne. C’est là que Jake intervient. Je sais que je vais sûrement vous paraître dingue, mais cet homme, qui pourtant n’existe pas, en lui donnant sa propre personnalité, des sentiments, une vie, un passé, des drames dans sa vie, cet homme en vient à avoir presque une existence dans ma tête. Je sais qu’il n’existe pas. Mais, je ne sais pas comment expliquer ça. C’est comme s’il existait, comme si on se connaissait bien et qu’il comprenait ma situation. Je pense que Jake est à la fois l’image du père idéal que j’aurai voulu avoir, mais il est aussi une partie de moi, la meilleure partie, et l’homme que je voudrais être au final. J’espère ne pas vous paraître complètement dingue. Après tout, c’est peut-être le (la) Covid qui agit sur mon cerveau. Bon, je vous laisse, je vais dormir… A demain, si je vais bien…

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