11. Ariana Shaffer

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Je reste bloquée devant la voiture. Ma tante sort à son tour et vient se mettre devant moi, elle pose sa main sur mon épaule et m'attire contre elle. Je la sers contre moi, mouillant de mes larmes son haut. Elle dépose un baiser au sommet de mon crâne.

- Tu veux que je t'attendes ici ? me demande-t-elle.

- Non, rentre, murmurais-je en me détachant d'elle pour commencer à marcher vers l'entrée du cimetierre.

- Fais attention à toi, Ariana. Et tu m'appelles dès que tu veux que je viennes te chercher, lance ma tante.

J'hoche légèrement la tête et me détourne pour passer le portail noir et immense. J'avance machinalement entre les rangées de tombe jusqu'à arriver devant celle de Laurie. Je m'agenouille et vient caresser son visage souriant, figé à jamais.

Laureen Philips

18 Janvier 2002 - 23 Juin 2019

J'effleure du bout des doigts chaque lettre incrustée dans la pierre, mes larmes dévalent mes joues et inondent mon visage. Je ferme les yeux et l'odeur citronnée de son shampoing m'envahit. Je me revois passer délicatement mes mains le long de son corps, démêler ses cheveux bruns ondulés.

La pluie se remet à tomber, fouettant violemment mon visage, déjà ravagé par la douleur. Je revois chaque détails de son physique, chaque imperfection de sa peau, chaque tache de rousseur parsemant ses joues, chaque sourire éclatant qu'elle m'offrait. Je ressens chaque caresse, chaque baisers, chaque joie dont elle a été l'auteur. Je repense à tous les moments qu'on a partagé, toutes les fois où notre complicité et notre amour ont été plus fort que tout.

Mon coeur se serre, j'ai l'impression qu'il se déchire dans ma poitrine. Soudain, c'est comme si un concert se déroulait dans ma tête, j'ai mal. Mon sang pulse dans mes veines et frappe contre mes tempes. Mon coeur cogne toujours plus fort contre ma poitrine, comme s'il voulait sortir, quitter le corps pourri où il demeure. Je me lève et pars en courant. Je ne supporte plus ce lieu. Je cours, encore, encore et encore, sans savoir où je vais. Je trébuche et manque de finir par terre, mais une main enserre mon bras et me retiens. Alors que je crois qu'il reste peut-être une âme charitable dans cette ville pourrie, je croise le regard de Derek. Derrière lui, tous ricanent, tous, Kayla, Maggie, James, Alan, Ivy. Je retiens un nouveau sanglot et tente de me dégager, mais Derek est bien plus fort que moi. Rapidement, il me pousse vers James.

- Pute ! crie-t-il.

- Salope ! s'exclame Ivy en me bousculant à son tour.

Les insultes fusent et je passe de bras en bras avant de terminer par terre. Rien n'est fini, ils reviennent à la charge, les coups pleuvent, ma lèvre s'ouvre, mon nez saigne. Ils finissent enfin par disparaître et apparait devant moi, le seul visage sympathique que je pouvais croiser au lycée l'année dernière.

- Je vais te ramener chez ta tante. J'imagine que tu es là-bas ? décide-t-il.

Je hoche la tête, incapable de parler. il me porte et marche d'un pas pressé jusqu'à sa voiture, où il me dépose doucement.

- On y est bientôt, d'accord ? assure-t-il en me redressant, alors que mon corps me hurle de ne plus bouger.

Quelques minutes plus tard, le véhicule s'arrête, au moment où il m'aide à sortir, ma tante accourt, complètement paniquée.

- Oh mon dieu ! Ariana ! Mais qu'est-ce qu'il s'est passé ?! hurle-t-elle, alertant mon oncle et mon cousin.

- Ils l'ont tabassé sans aucune pitié, si j'étais pas arrivé à ce moment-là...

Il ne termine pas sa phrase et repars sans rien dire.

- Tyler ! s'écrie ma tante.

Il se retourne et penche la tête.

- Merci, souffle-t-elle.

Le brun sourit et remonte dans sa voiture avant de démarrer. Mon oncle me porte jusqu'au salon et m'allonge dans le canapé.

- Ma chérie, soupire ma tante en caressant mon front.

Archie arrive avec une bassine d'eau chaude et des serviettes.

- Je suis désolé, Ari', s'excuse-t-il.

- Pourquoi ? soufflais-je.

- J'aurais dû te protéger, marmonne-t-il.

- Quoi ? Mais, Archie, tu as treize ans et ils étaient six en plus. T'aurais rien pu faire, juste te prendre des coups, toi aussi, assurais-je en tapotant la place à côté de moi.

Mon cousin vient s'installer à mes côtés et je repose ma tête sur son épaule alors que les larmes reprennent leur voyage le long de mes joues.

Karen, ma tante, est au téléphone. Au vu de son air inquiet et sérieux, j'imagine que ce doit être ma mère ou sa fille ainée, Tina. Ma cousine et moi, on était très proches, enfin, avant que je commence à sortir avec Laureen.

Laurie. Son prénom résonne en moi, en douloureuse écho de mes pleurs. Je n'avais jamais imaginé ma vie sans elle, j'étais persuadée qu'on vivrait ensemble, qu'on serait heureuse, qu'on aurait des enfants et un mariage parfait. Mais elle est partie, trop tôt, seule et sans moi.

- Ma puce, ta mère voudrait te parler, tu veux bien ?

- Maman, sanglotais-je en prenant le téléphone, la main d'Archie caressant mes cheveux.

- Aria, ma chérie, ne pleures pas.

- Je... je voulais juste... voir... voir... Lau... Laurie, bégayais-je.

- Je sais, ma chérie. Je suis désolée que ça se passe aussi mal. Tu veux que je te passe ton frère, il aimerait te parler ? me demande-t-elle, la voix tremblante.

- D'accord.

Je l'entends appeler Jordy et je soupire longuement en ravalant mes larmes. Je ne veux pas que mon petit frère me sache dans cet état.

- Ari' !! s'exclame-t-il.

- Salut, Jordy, lui répondis-je en souriant doucement.

- Tu sais, faut pas être triste. Laurie s'était la meilleure et même si elle est partiie dans les nuages pour se soigner, elle nous surveille toujours ! déclare-t-il.

- Merci, Jordy.

Mon petit frère croit que Laurie est malade et qu'elle a dû partir se soigner, j'ai jamais eu le courage de lui dire la vérité.

- Bisous, Ari' ! Maman va me déposer chez Logan, faut que je raccroche, je t'aime très fort ! hurla-t-il.

- Je t'aime aussi, Jojo, assurais-je.

Jordy raccrocha et je me décidais à me lever.

- Eh ! Où vas-tu ? Il faut te soigner, me gronde ma tante.

- Je voulais aller dans ma chambre.

- Je viens m'occuper de tes blessures dans quelques minutes, en attendant, tu te reposes. Archie, aide-là à monter, ordonna-t-elle gentiment.

Mon cousin hocha la tête et je pris appui sur lui pour atteindre ma chambre. Je me laissais tomber sur le lit, malgré le sang qui me recouvrait. Un petit quart d'heure, alors que je commençais à m'endormir, la voix d'Archie me parvint.

- T'endors pas, Aria. Tina vient d'arriver, me prévint-il en se levant du bord du lit où il était assis.

- Tina ? fis-je, étonnée.

- Je suis tellement, mais tellement désolée, Ariana. J'ai été conne et je m'en veux, sanglota ma cousine en se précipitant vers moi.

Je sais qu'elle n'avait pas mauvais fond. Alors même si elle m'avait fait du mal par le passé, j'avais envie de la pardonner, trop de gens m'avaient tourné le dos, je laisserais pas ça arriver une nouvelle fois.

- Je t'en veux pas, murmurais-je.

- Je t'aime, Nana, si tu savais, souffla-t-elle en venant me prendre dans ses bras.

Ma cousine dans mes bras, je me sentis un peu mieux. Comme si son étreinte pouvait réchauffer mon coeur brisé et piétiné.

" Si ton absence ne les affecte pas, alors ta présence n'a jamais compté " - Coluche

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