Second péri-épilogue

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Enquête pour port et usage d’armes prohibées

Témoignage de Madame Lechat


- Et comment tu fais pour continuer à m’interroger, vu que je suis ta mère ?

- Hé bien, on va faire comme si tu ne me connaissais pas ! Je suis un étranger… Tiens, tu parles à celui qui prend les notes, tu parles au lampadaire…

- Ha… Mais c’est affreux, ça, mon Bibi ! Je sais pas si je vais y arriver. Bon, je vais essayer. Mais c’est bien pour toi mon Bibi, hein ? On en était où. Ha oui.

« Alors là, y me dit » avec son bonnet de Père Noël sur la tête et les deux mains là où je pense,

- Si je connais votre fils ! Je suis un de ses meilleurs copains ! Comme je lui dis toujours, - Lechat, tu devrais changer de costume… - Je lui dis ça parce que c’est un ami, vous savez ? – Tu vas faire honte à ta mère !

- Mais j’ai pas honte de toi, tu sais mon Bibi ! Hein tu le sais ? Bon, alors je lui dis,

- Comme vous avez raison jeune homme ! Comme je lui dis toujours, à mon Bibi, c’est pas comme ça que tu vas trouver une jeune fille bien comme il faut, habillé comme un as de pique… Mon Bibi, il s’appelle en fait Albert, Albert Lechat. C’était le nom de ton père, mon défunt mari, que t’as eu le même prénom. Mais on t’appelle Bibi, dans la famille, pour distinguer, alors c’est pour lui expliquer.

- Ha, oui, Bibi Lechat, ça sonne bien ! Qu’y me dit, tu vois ? - Dîtes-moi madame Lechat, comment se fait-il que vous soyez prisonnière dans votre propre maison ?

- C’est un affreux malentendu, jeune homme ! Ma maison est bien trop grande pour moi. Mon premier fils est mort en laissant le petit Elie, et mon petit Bibi ne vient plus aussi souvent. Avec tous ces maudits qui courent les rues de nos jours, hein ? T’es très occupé. Et tu viens plus trop me voir, je lui dis.

- Aussi j’avais décidé d’ouvrir des chambres d’hôtes, pour voir du monde, et puis amuser Elie, avec les gens qui font le tour du Notanou. C’étaient mes premiers clients depuis un mois, et mes premiers depuis l’ouverture, si je dis le vrai. Venir à Petcha, ça se mérite ! Pourtant nous avons une jolie chapelle en tôles de récupération, un peu rouillée, l’autel est par terre, ça fait trente ans qu’y a plus d’office. Mais on a des trous d’eau pour se baigner. C’est vrai qu’il faut descendre au fond des ravins. Et qu’y en a qui glissent et se cassent la patte, les maladroits. Mais bon. Tu venais de nous quitter Elie et moi-même, et voilà t’il pas que mes lourdauds rappliquent, avec des – Ma chère madame, et tout ça. Qu’ils sont bien polis, je me suis dit, et qu’ils paient bien d’avance en plus. Bon, on se plaint pas. Mais ils ont mis leur gros camion dans mon jardin, en écrasant mon gazon. Tu sais bien ce que c’est d’avoir un gazon cette année avec El Nino ! Y faut tout arroser à la main, au tuyau ou à l’arrosoir. Dès qu’un goutte d’eau elle tombe, elle retourne voir le seigneur, le temps de dire un Pater, alors penses-tu, que j’étais pas contente. Je me surveillais tout le temps ce camion, de peur qu’ils le bougent encore, et me fassent des ornières dans la pelouse. Et voilà pas qu’le soir que je faisais mon repassage, ils laissent la porte arrière de la camionnette ouverte. Je me dis, - Je vais aller la refermer, c’est pas prudent, si y’a des voleurs, ou des gens trop curieux… Et là je me dis, - Qu’est-ce qui se mijote dans un camion aussi lourd ? Et là, que je vois un laboratoire, avec des écrans, des antennes, sur un côté, et puis des mitraillettes et des fusils sur l’autre côté, bien rangées, avec les chargeurs et tout. Mais c’est que j’ai appris l’automatique, moi. C’était le bon temps ! On avait pris position au col, sur la propriété du voisin, là-haut entre la vallée de Petcha et Saint-Gabriel de l’autre côté. Y’avait plus personne, sauf le chien. On s’emmerdait toute la journée. Enfin, on s’est un peu défoulé pour se faire la main. Pauv’ bête. On était vraiment cons. Là je me suis dit, - Ça recommence ! C’est la guerre ! C’est des autres, déguisés avec une moustache, pour faire croire. Mais non. Comme j’avais peur, y zont bien compris que je savais. Alors, clac ! Enfermée dans ma chambre. Y se cachent même plus pour parler leur baragouin. Jamais entendu ça dans la vallée, j’y comprenais plus rien.

- Alors là je me suis dit, « Le fusil de Papi Lechat ! »

- - Hein, tu le connais, mon Bibi ? T’as la photo ? C’est que je l’entretiens bien, aussi, faut dire.

Après j’ai assommé la dame. Et puis j’ai demandé à Elie de m’aider. Oui, je sais, c’est pas bon de porter des choses trop lourdes quand on est petit. Mais là c’est pas un cartable, hein ? C’est beaucoup moins lourd… Et puis je lui ai donné le fusil pour tirer les cochons, c’est pas du sérieux, hein mon Bibi ?

- Tu vas pas mettre ta mère en prison tout de même ?

- L’inspecteur Lechat soupira. Il venait de recevoir une carte postale du Nunavut, ainsi qu’une lettre signée de Jacques. Il se dit qu’une fois le dossier bien classé dans son carton au dessus de l’armoire, il aurait bien mérité ses vacances.

Il était invité pour le baptème de son filleul.

Clichy lui apparaissait déjà comme un lieu extraordinaire, où tout était possible.

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