Le Masque

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- Youhou ! Je sais que vous êtes là derrière la porte, mon petit sucre d’orge ! Ouvrez-moi… Jacques Pelot, alias le Père Noël, jouait à cache-cache dans les couloirs et les chambres de la grande propriété accrochée aux flancs du pic Kilebo.

- Youhou ! Vous me faites languir, ma mie, j’ai entendu du bruit, je sais que vous êtes là !

- Qui êtes vous ?

Jacques Pelot recula, brusquement saisi par la fermeté de cette petite voie chevrotante.

- Ha ! La coquine, elle veut jouer à la petite chèvre et au loup. Et bien jouons !

Il prit la voie la plus Antarcte qu’il put trouver, allant chercher loin dans sa poitrine, un peu là où il allait trouver ses Ho, hO ho !

- Je suis le méchant général Gallina ! Ouvrez !

- Général, dit la petite voie chevrotante, vous savez bien, c’est vous qui avez la grosse clé de ma serrure !

- Comme vous avez raison, ma mie, je ne rêve que de mettre cette clé dans la serrure… Mais pour cela, il faut que vous m’ouvriez !

- Vous délirez, général. Votre clé n’est-elle pas pendue au clou, à droite sur le mur ?

En effet, Jacques Pelot découvrit en levant le nez une clé antique, accrochée à son clou.

- Mais comment a-t-elle fait ce tour de passe-passe ? Se disait-il, en ouvrant la porte.

- J’arrive !!!!....La porte s’ouvrit, dévoilant à mamie Lechat un curieux personnage, en slip de bain et bonnet de Père Noël.

- Ça, jeune homme, vous n’y songez pas !

A vrai dire, Jacques Pelot n’y songeait plus, et jugea préférable d’en revenir aux présentations sous ses formes les plus classiques, hormis peut-être les deux mains sur le coquillard…

- Je m’appelle Jacques Pelot, madame. Je suis l’invité, en quelque sorte, du général Gallina. Je vous prenais pour une autre… Et vous, que faites vous, enfermée ici ?

- Je suis la propriétaire de la maison. Et je n’ai pas invité le général Gallina ! Ce malélevé… On m’appelle mamie Lechat.

- Tiens, c’est curieux, votre nom ne m’est pas inconnu. par le plus grand des hasards, serions-nous dans cette riante thébaïde du pic Kilebo tant de fois décrite par les poètes, dans la vallée de Petcha ?

- Oui, c’est tout à fait ainsi que mon fils décrit cet endroit. Sa thébaïde… Vous le connaissez ?

Mamie Lechat s’était levée, allant fouiller dans l’armoire.

- Vous devriez vous couvrir, jeune homme. A mon âge, on en a vu d’autres, mais vous allez prendre un coup de lune ! Si c’est pas déjà fait. Et vos rhumatismes vont se réveiller. Si vous n’avez aucune décence, faites le au moins pour lui !

Elle désignait une forme imprécise, dans un coin. Sous des couvertures, un jeune garçon à la frimousse éveillée – de dix ou douze ans peut-être – apparut.

- C’est mon petit-fils Elie, le neveu de Bibi. Les étrangers ne savent pas qu’il est ici.

Soudain, Jacques eut honte. Il regarda désespéremment du côté de l’armoire, et revêtît la veste que lui tendait Mamie ainsi qu’un vieux pantalon.

- Combien de temps va t’on rester ici ? Je m’ennuie.

- T’en fais pas, on va trouver. Tu veux pas une histoire ?

- Si, mon histoire préférée, tu sais laquelle ?

Evidemment, Mamie connaissait l’histoire. Décidemment, les enfants savent toujours tout mieux que nous, se disait-elle. Elle resta pensive un instant, regardant les cheveux bouclés de Elie, puis elle se tourna vers Jacques.

- Vous le clown, vous écoutez.

"Il était une fois à Notanou, deux enfants, Naël et Rebecca. Leur papa et leur maman étaient morts, disparus en mer ! alors oncle Puck et tante Suzanne... leur interdisaient d’approcher la mer, qui était pourtant tout près de la maison."-

- Madame Lechat, j'aime beaucoup les histoires, mais voyez-vous, je vais devoir vous laisser.

- Vous ne savez pas ce que vous perdez, jeune homme !

Il y avait du bruit, dans l’escalier.

- On en reparlera Mamie, je suis actuellement recherché par ces affreux Antarctes. Pour l’instant, le mieux c’est que je vous enferme à nouveau, avec Elie, votre petit-fils, pour votre sécurité à tous les deux.

- Mais…

- Clac !

Pelot, pensif, rejoignit Aerwin et Elwing au bout du couloir. Il n'aimait pas ce qu'il venait de faire. Ses Elfes trouvèrent l’idée de la gabardine à leur goût. Le Père Noël redoubla d’entrain. Mais le cœur n’y était pas.

- Pourtant, c’était la seule solution...

Lorsqu’il se retrouva dans une chambre aménagée au goût des Elfes, parmi la multitude des coussins colorés, perruque sur la tête, torse nu dans une chemise légère, pantalon de mamie Lechat orné d'un large ceinturon doré, il éprouva l’immense solitude des maîtres du double jeu, mélancolique histrion tirant de ses cigares les fumées de l'ennui. Il se regarda dans la glace au plafond, sa perruque rose lui déplut. Il envoya un gros rond de fumée, floutant son image.

- Et oui, mon petit Jacques, c’est ça, le double jeu ! Etre seul. Et disparaître...

Pendant ce temps, mamie Lechat terminait son histoire racontée à Elie.

- Et tant pis pour ce corneguidouille !

"Lorsqu’ils eurent lu la lettre, oncle Puck et tante Suzanne pleurèrent beaucoup. Ils promirent que, désormais, Rebecca et Naël auraient droit, tous les soirs, à l’une des Histoires Merveilleuses du Grand Livre. Et bien sûr, ils pourraient aller à la mer chaque fois qu’ils en auraient envie !"

"Quand à Mademoiselle Jeanne, elle a depuis gardé le Masque, et l’a accroché au mur. Avec son nez cassé, ses cheveux en paille, il impressionne toujours les enfants, qui ont, alors, bien du mal à écouter. Parfois certains d’entre eux, parmi les plus turbulents, ont l’impression de l’entendre parler, et dire.

- Décroche-moi ! On va bien s’amuser tous les deux !

Un jour, Mademoiselle Jeanne en eut assez, et décrocha le Masque pour le cacher dans un grand coffre au grenier, pour toujours. Pour toujours, vraiment ? Les grandes personnes ont oublié que « pour toujours », « plus jamais » et toutes ces choses là, n’existent pas pour les enfants. Et déjà on chuchote que tout là-haut dans le grenier, se trouve un coffre, et que ce coffre cache un trésor merveilleux ! Quel dommage de ne pas savoir... "

- Bon allez, l'histoire est finie ! Au lit !

- Dit Mamie, est-ce que le Masque est revenu ?

- On ne peut rien te cacher, fils. Le Masque est revenu, on peut dire ça.

- Et il est où ?

- Hé, bien… Longtemps il était là haut, bien caché au pic Kilebo. Le grenier et tout ça, c’est des histoires. Mais le pic Kilebo, ça c’est la vérité. Il est dans une grotte, avec les Vieux, là-haut.

- Tu as dit, il était…

- Oui, il n’est plus là.

- Et il est où ?

- C ‘est l’Homme Rouge qui l’a pris, fils !

Mamie regardait le soleil couchant, du côté du pic. Mais son esprit inquiet était dans une autre vallée, encore plus loin, derrière le pic. Elle regarda à nouveau Elie.

- Maintenant, je vais te dire la vérité.

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