JE MIDI

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Beuglement d’estomac. Les secrétaires rameutent strident par l’entrebâillement de leur cage de verre. Interdiction de coller de l’image. Préservation de la transparence.

Réunion du troupeau dans le hall. Patience d’ascenseurs. On s’agglutine. On descend.

11ième !

Son visage tacheté apparaît. On s’excuse, complet. Son visage roux disparaît. On se répand sur les marrons glacés en vagissements incongrus. Transhumance. Direction cantine d’entreprise

Je suis. Je m’accroche. Je me désintègre.

Farandole de la faim. Mon voisin de trottoir disserte vinyle et cuir. J’exorbite d’un cou tordu. Les tours de verres conspirent par dessus mon épaule. Elles guettent mon crâne parmi les chevelus alors j’acquiesce du menton. Je fonds dans le décor, j’affleure le bitume. Le bonhomme poursuit ses énumérations. Mes viscères s’épanchent en distorsions acoustiques. Nous dialoguons d’un bon pas.

Le menu propose des entourloupes d’adjectifs. Nous nous rangeons en indiens sous ses belles lettres d’or. Ça cancane entre becs fins piétinant jusqu’à la fourchette et le couteau. La raillerie ne s’embarrasse pas de plateaux. Ça persifle les mains pleines et ça minaude l’assiette en bout de main. Elle tangue, elle lâche. La maladresse se donne en concert en sol majeur. Puzzle de porcelaine même pas de Chine même pas de porcelaine. Danse du balai en tailleur cintré, assouplissements de balayette. L’antillais en toque blanche se moque toutes dents dehors. Il s’esclaffe trop fort au milieu des cordons bleus. Fusillade pincée d’iris boursouflés. Les silences outrés lui ferment le visage. La mélodie du temps des colonies réorganise les patiences. Nous pouvons défiler tout en préservant notre suffisance.

La table longue s’emplit. Mes coudes esquivent l’équivoque de la familiarité. Je serre les bras façon manchot sur banquise. L’œuf sur les pompes, je piétine d’impatience. Ma dulcinée s’est barrée à l’autre bout du monde et le chiard cogne à la coq. Putain qu’est-ce qu’elle fout ? Et elle apparaît là-bas dans le roux de son auréole. Elle rit avec l’insulaire. Elle snobe les coutumes, elle fond les glaces. Ma banquise se liquéfie. Je reviens du pôle sur l’express des rêves. Elle va picorer sa portion seule contre la baie vitrée plongée au cœur d’un roman. Je me dissous dans son reflet. Lorsqu’elle relève le sourcil, je m’immerge dans mes carottes fluos. Je poltronne en fond d’assiette. Je me planque parmi les discussions. Je feins l’intérêt, j’épaissis ma silhouette. Et lorsque je me tourne, elle a disparu.

J’humecte des vœux de courage, j’arrose des souhaits de partage. Un jour peut-être ils fleuriront.

Les collègues reprennent le dur. Ils arrachent leur pesanteur par couinements de chaises. Je cailloute en fond de godasse. Je clopine. Ils brassent clichés et plateaux. Ils copinent avec des aires de fouines. Je claudique. Ils déposent leurs déchets sur le tapis roulant. Je décroche.

Le trottoir de nouveau. Seul en exaspération. Les tours encore. Je longe les façades transparentes comme un sycophante. Elles m’aperçoivent. Les vitrines m’ont balancé par réverbération. Je file. Elles sardonisent en aiguës violets. Je décanille sur l’autre rive. Elles me poursuivent. Trop hautes, trop vives, panique. Je me jette dans les marrons glacés, ricoche dans l’ascenseur.

DING
Fermeture de porte.

Sauvé.
Je me retourne.

Elle me regarde vert.

Vertige de grand huit.
Je bafouille.
Elle me fixe.
Crucifié.

Les chiffres grimpent.
Rouge sur rouge.

Impassible incendie.

J’inspire pour me regonfler.

DING

Elle sourit

« Anna »

Elle sort.

Je fripe façon serpillère sur fond acier. Je dégouline en stupéfactions amoureuses. L’écho de sa voix se répercute par spasmes métalliques. J’ai les muscles grenouilles branchés sur 220. Le cardio en looping, mon sang pulse en montagnes russes.

L’ascenseur m’emporte trop vite, abasourdi pour l’après-midi.

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