Vendredi 10 décembre

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Maintenant que j'ai ma première mission, je suis bien décidée à assurer ! Je passe donc rapidement à la librairie acheter un exemplaire de l'ouvrage de Jacques Dakota avant de me rendre au travail. J'aurais pu emprunter celui envoyé par l'agent littéraire de l'auteur mais je ne souhaitais pas ternir mon image de groupie. J'arrive avec sous le coude et passe fièrement devant le bureau du patron. Mince il n'est pas là ! Je me dirige alors vers salle de repos pour prendre un café et commencer ma journée. Je finis par trouver mon supérieur appuyé contre la machine riant à gorge déployée d'une blague de la stagiaire. Tiens, il sait faire ça lui ! Je me retiens de lui dire qu'il devrait éviter les mouvements trop brusques avec sa mâchoire peu coutumière de ce genre de plaisir mais je me retiens. Je me rends ensuite à mon bureau et entame le maximum de recherches sur l'auteur et le sujet qu'il aborde dans son livre car je le rencontre demain matin à 11h. Je ne vois pas Tom de la journée. Il m'a cependant laissé une note : « RDV à la Comédie à 19h30 ». Je n'ai même pas son numéro de téléphone. J'ai intérêt d'être à l'heure ! Je m'empresse alors de me mettre au travail. Je ne fais pas de pause pour manger et finis par quitter les lieux à 16h30. 

          Bien sûr j'arrive à 19h57 au rendez-vous. J'abandonne l'arrivée "fracassante" que j'avais prévue avec l'allure de mannequin et les coups de têtes qui font virevolter mes cheveux. Je pense que la démarche penaude sera plus appropriée étant donné les circonstances. Je ne sais même pas si Tom m'attend encore avec presqu'une demi-heure de retard. Je le cherche des yeux et je finis par l'apercevoir de l'autre côté de l'arrêt près d'un carousel. J'accélère le pas pour le rejoindre et trébuche sur un pavé descellé. Je lève les bras haut dans l'espoir de m'agripper à quelques chose mais sans succès et je m'affale... dans les bras de Tom ! Il me rattrape de justesse. Je lève mes grands yeux noisettes vers lui. Son visage est radieux. Il me sourit de façon si rassurante... Finalement je me redresse et je m'excuse pour mon retard. Il s'esclaffe en me disant que si c'est une habitude, la prochaine fois il me donnera une fausse heure. Ce à quoi nous rions tous les deux. Ensuite, il me propose son bras car il a "peur que je trébuche de nouveau" et nous nous en allons. 

          Après avoir marché dans les ruelles éclairées par les décorations de noël, nous arrivons dans un petit restaurant mexicain "El chivito". Le lieu est très petit. Il doit pouvoir accueillir une dizaine de personnes au maximum. Nous prenons place sur une table haute face aux cuisines ouvertes. L'homme aux fourneaux est en train de danser sur une chanson du groupe cubain Buena Vista Social Club en préparant des tacos. Cela sent divinement bon et m'ouvre l'appétit. Comment a-t-il deviné que j'adore la cuisine Mexicaine? J'y ai passé deux mois il y a deux ans et je suis encore nostalgique des bons moments vécus là-bas. L'ambiance est familiale. Je me sens bien. Nous commandons un "plateau découverte" pour deux et deux jus de maracuja pour patienter. Il commence alors à me poser des questions sur ma vie à Paris, ma famille et les amis que j'ai laissés là-bas. Je lui renvoie les questions. J'apprends donc qu'il a deux frères et une sœur alors que je suis fille unique. Il a quitté l'Angleterre la première fois à 20ans mais Paris est rapidement devenu trop cher et il ne s'y retrouvait pas financièrement. Au bout d'un an, il est rentré chez lui puis est revenu 4ans après, mais à Montpellier, car il voue un culte démesuré à la France. Et aux françaises peut-être? Notre plateau arrive enfin. Il est garni de petits haricots rouges en sauce, de frites au cheddar, de tacos à la viande, d'empanadas frits... Je n'ai encore rien avalé depuis le matin et je me jette sur la nourriture. Tom me regarde quelque peu étonné et finit par adopter le même rythme que moi. Lorsque nous terminons notre plat, il me propose d'aller digérer dans un bar cubain non loin de la Comédie. 

          Nous arrivons dans une petite salle sombre où les gens dansent la salsa. Il y a très peu de gens assis aux tables. L'ambiance est bonne enfant. Tout le monde semble se connaître. Nous nous installons et commandons deux mojitos. Tom me demande si je sais danser. Je lui réponds sur un ton enjoué : "Avant même d'avoir su marcher mon coco !

- Tant mieux tu m'apprendras."

Et il me tire doucement par le bras pour m'emmener dans l'espace bondé qui sert de piste de danse. Bon, je me rends vite compte qu'il a deux pieds gauches mais si ce n'est que ça.... La danse ça s'apprend! On s'amuse comme des fous! Je me lâche et produis mes plus beaux déhanchés. Je vois que je fais mouche, auprès de lui et d'autres qui me regardent avec insistance. Tandis que l'on continue à danser, un homme lancé dans une salsa endiablée me bouscule à plusieurs reprises. Agacée, je finis par le bousculer en retour alors qu'une femme tente de se faufiler entre les danseurs avec deux piña coladas. Elle renverse de la boisson sur le pantalon de l'homme qui se retourne et me regarde d'un air furieux puis... stupéfait ! Le big boss? Encore ! Le big boss Et la stagiaire d'ailleurs ! Je ne sais plus où me mettre.

         Il reprend de la contenance et salue Tom de la tête. J'essaie d'articuler des excuses mais je n'y arrive pas. Mes lèvres sont bloquées. Il me lance un regard noir, rempli de haine et s'en va. Je retourne m'asseoir avec Tom qui tente gentiment de plaisanter de ma bourde. Ce qu'il ne sait pas c'est que j'en suis à mon troisième sabotage. Je n'ai plus tellement le cœur à rire. Mon mojito a un goût amer mais je le finis quand même. Je commence sérieusement à m'inquiéter pour mon nouvel emploi dans cette ville que je commence vraiment à apprécier. Pendant que je rumine, je sens une main chaude qui se pose doucement sur la mienne. Je lève les yeux et me retrouve face à mon employeur qui m'invite à danser en me disant "Vous me devez bien ça!". Pas un sourire. S'il compte me renvoyer lundi, c'est machiavélique. J'accepte néanmoins. Je me lève et la stagiaire prend ma place sur la banquette. Mon cavalier me fait tournoyer dans tous les sens. A mesure que la musique avance il complexifie les pas, accélère le rythme mais je suis ! C'est un excellent danseur et honnêtement je suis une excellente danseuse ! On enchaîne plusieurs chansons ainsi jusqu'à ce que le DJ annonce une bachata. Il me presse alors contre lui et nous ralentissons le rythme. Nos corps s'accordent tellement bien que nous ne faisons plus qu'un durant cette danse. Il me lâche alors brusquement. Après m'avoir remerciée, il me laisse pantoise sur la piste. La jeune stagiaire le rejoint. Il lui murmure à l'oreille et ils s'en vont hors du bar. Tom vient me voir et me propose qu'on y aille également. La petite marche jusqu'au tramway est agréable. En parfait gentleman, il me raccompagne jusqu'à mon immeuble et me laisse là-bas après avoir posé un doux baiser sur ma main... 

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