Opération évasion

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Mary, 6 Décembre, Centre des Talentueux, 9h47:

Ça n’avait pas chômé ici. Avec Victor, nous avions pas mal avancé sur les éléments que nous avions trouvé dans le bureau de James Casenine, et il nous a fallu du temps pour digérer ces informations.

Tout d’abord, comme je le pressentais, on nous avait menti. J'avais trouvé un dossier sur un talentueux, Felipe Galilei, qui avait la cinquantaine et était toujours vivant. Or la seule raison pour laquelle le Centre devait nous garder, c’est parce que nous étions censés mourir avant vingt ans. Bon mais ça ce n’était pas le plus troublant. J’avais trouvé une clé USB avec les dossiers et nous avions enfin l’occasion de regarder son contenu car nous avions comme qui dirait “emprunté ”un ordinateur. Victor l’alluma et inséra la clé dedans. Elle ne contenait que douze fichiers, les dix premiers portaient le nom d’un des talents, les deux autres n’étaient que deux citations latines : "Fiat lux et facta est lux" et "Lux in Tenebris". Cependant ces deux dossiers étaient verrouillés par un code à 12 chiffres. Tant pis.

Nous avons déjà ouvert celui des peintres, car je voulais savoir ce qu’ils avaient sur Léo. Il y avait les dossiers de quelques artistes célèbres mais deux étaient entourés: ceux de Vincent Van Gogh et Salvador Dali. D’après les recherches de l’équipe de James Casenine, il semblerait que ces deux personnes possédaient aussi le gène. Le plus troublant venait ensuite. Il y avait deux images d’arbre généalogique. Sur le premier, en haut il y avait le nom de Van Gogh, et quelques branches plus bas c’était celui de Léanne. De même sur celui de Dali, où l’un de ses descendants était Léo. Nous étions abasourdis. Dans tous les dossiers, il y avait ces deux arbres généalogiques. Visiblement tous les talentueux descendaient de talentueux mais très célèbre comme Shakespeare, Newton, Rodin ou Freud. C’est ainsi que j’appris que j’étais la descendante de Napoléon Bonaparte, c’est quand même la classe. Cependant toutes ces informations étaient si irréalistes. La probabilité que de telles choses se produisent était quasi-impossible.

De plus certains arbres étaient incomplets car on ne connaissait pas les derniers talentueux comme les astronomes. Je crois que Victor était encore plus sous le choc que moi. Cela pouvait se comprendre après tout, en moins d’un mois il avait découvert qu’il avait un talent pour l’architecture, que des gens comme lui servaient de cobayes à un scientifique, et enfin que son ancêtre était Gaudi, un très grand architecte espagnol. Cela représentait un grand stock d’informations à digérer et j’avais un peu de peine pour lui qui avait l’air si gentil et calme. Soudain, nous avons entendu les assistants de James rentraient de mission en ville, malheureusement on ne savait toujours pas où nous étions vu que nous avions endormi lors du déplacement; la seule chose qui était certaine c’est qu’il ne faisait ni trop froid ni trop chaud, ce qui éliminait le Groenland et l’Afrique du Sud.

L’ordinateur était encore allumé avec les dossiers lorsque les deux assistants sont entrés dans la salle, par chance ils étaient en grande discussion et ne nous ont pas remarqués. Un coup pareil n’arrivant pas souvent, nous avions décidé d’en profiter pour battre en retraite dans ma chambre, ainsi je pourrais cacher l’ordinateur sous le matelas de mon lit. Le chemin que nous avons pris fut plein de détours afin d’éviter de croiser un membre du Centre qui sans nul doute, aurait dû faire un rapport voire pire de nous prendre l’ordinateur. Au terme de vingt minutes, de multiples portes ouvertes et la découverte d’une salle rose avec des photos de chatons placardées sur les murs (croyez-moi, vous n’avez pas envie de connaître son utilité), nous sommes enfin arrivés dans ma chambre et j’ai immédiatement verrouillé la porte derrière nous.

Victor et moi avions du mal à respirer, je mettrais cela sur le compte du stress et notre marche rapide à travers tout le complexe, car je n’avais toujours pas retenu les plans. Nous nous sommes assis sur mon lit et Victor proposa d’aller sur Internet pour nous géolocaliser car l’ordinateur était connecté au réseau Wi-Fi. Après deux ou trois tentatives infructueuses, nous avions (enfin) appris que nous étions en plein de cœur de Florence, en Italie. La bonne nouvelle, c’était qu’il y avait du monde dehors et donc peut-être une possibilité d’appeler des secours, mais la ville était aussi très grande. De plus, la connexion étant mauvaise, impossible d’être plus précis au niveau de la géolocalisation.

La seule chose que nous pouvions tenter avec Victor, c’était de nous échapper d’ici. Lorsque je lui ai dit cela, il ne semblait guère convaincu et enclin à m’aider. C’est vrai qu’il n’était ni le plus téméraire ni le premier à s’écarter du chemin de la loi. Il a cependant ajouté qu’il m’aiderait à m’enfuir si l’occasion se présentait. C’était plutôt gentil de sa part. Le problème c’est la présence continue des gardes ou des employés qui ne me laisserait pas un grand champ libre. Les deux jours qui ont suivi nous ont permis avec Victor de noter les horaires de ronde, la position des caméras, les permanences des gardiens ainsi que le propriétaire de la salle rose (oui cela était vraiment indispensable pour ma curiosité personnelle).

Le plus fou, c’était la désinvolture des gardiens à faire la ronde, il n’y avait ni entrain, ni envie de le faire. Ils se contentaient de récupérer leur chèque de paye à la fin du mois. Je n’étais même pas sûre qu’ils fassent un rapport s’ils nous croisaient, cela leur ferait du travail supplémentaire. Le 9 décembre au matin j’étais prête. Avec Victor, nous avions planifié ma sortie définitive pour 14h30 car c’était le créneau où il y aurait le moins de monde et le professeur était parti ce matin à Genève pour donner une conférence. Nous avions dessiné le plan du Centre pour éviter de se perdre, on avait pris la carte d’un gardien afin de passer la porte de sortie et Victor savait quoi faire si nous devions faire diversion. Lorsque l’heure fut venue, je sortis tranquillement de ma chambre en direction du cœur névralgique du complexe où se trouvait aussi l'ascenseur qui nous permettrait de sortir.

Juste devant Victor m’attendait pour me dire au revoir. Visiblement, il n’avait pas changé d’avis et préférait rester. Il avait cependant gardé l’ordinateur grâce auquel nous pourrions communiquer lorsque je serais à la surface. On se prit dans les bras et il fit demi-tour me laissant seule devant l’ascenseur. Lorsqu’il s’ouvrit, vide, j’eus un soupir de soulagement. Il montait tranquillement, à ce moment précis, j’appris que j’étais au niveau -6, preuve que le complexe s’étendait profondément sous la surface. Je m’attendais à me retrouver en périphérie de la ville mais lorsque les portes s’ouvrirent, je me retrouvai dans un centre commercial.

Légèrement désorientée et ne parlant pas un mot d’italien, je tentai de trouver ma route. Je déambulais tranquillement lorsque j’entendis une voix crier :”elle est là”. Je me suis mis à courir et j’entendais que mes poursuivants aussi. Je me cachai entre deux boutiques, après avoir évité la foule, tapie dans le noir. Cependant deux silhouettes se sont placées à l’entrée de mon passage. Ils s'avancèrent vers la lumière et en voyant leurs visages je fus rassurée. Le premier était celui de Thomas qui souriait et je ne connaissais pas l’autre. Thomas me prit dans ses bras en lâchant une larme.

-Ca y est nous t’avons retrouvé. Cela faisait près de dix jours que nous étions ici et on comptait repartir le 12, on a vraiment eu de la chance de te voir ici, me dit-il. Au fait je te présente Marc, il est comme nous et c’est le mathématicien.

-Ravi de faire ta connaissance, rajouta Marc

-Moi aussi, répondis-je. Je venais juste de sortir du complexe quand je vous ai entendu mais j’ai eu peur qu’il s’agisse de garde. Allons boire un coup je pense que nous avons beaucoup de choses à nous dire.

Nous sommes installés à un café et nous avons raconté nos histoires. Thomas et Marc me racontèrent le voyage en Irlande, les retrouvailles avec Léo, la rencontre avec John Casenine, Marc et Felipe Galilei. J’ai appris aussi que nos amis s’étaient séparés pour visiter les trois Centres où potentiellement j’étais retenue prisonnière. Pour ma part, je leur ai parlé du nouveau complexe et du nouveau talentueux Victor qui n’avait pas voulu me suivre mais qui, pour Marc, ferait une bonne taupe. Marc m'informa aussi que les deux musiciens qui était partis en Australie avait développé un don supplémentaire: ils parvenaient à contrôler les animaux avec de la musique. De plus ils avaient rencontré une talentueuse de l’anatomie qui avait pu guérir Liz d’une morsure de serpent sans anti-venin.

-Waouh, c’est impressionnant tout cela, disais-je. Cela veut probablement dire que nous pourrions avoir une sorte de pouvoir aussi ?

-C’est fort probable, répondit Marc.

-Et pour Léo et Léanne, vous avez des nouvelles ?

-Malheureusement non. Ils ne répondent pas à nos messages et le fin fond de la Sibérie n’est pas sûr. C’est pour ça que nous avions prévu de les retrouver, m'expliqua Thomas.

Je ne rajoutais rien et j’espérais qu’ils allaient bien. Je me rappelai soudain les dossiers trouvés dans le bureau du professeur et leur demanda s’ils avaient un ordinateur.

- Oui, Marc a le sien pourquoi ?

- Je dois vous montrer quelque chose qui sort de l’ordinaire, répondis-je en souriant.

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