La culture florentine

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Marc, 5 Décembre 18h50, Florence (Italie) :

Cela faisait cinq jours que nous étions à Florence avec Thomas et dans une ville de près de 400 000 habitants et les 16 millions de touristes par an n’aide guère. Le véritable problème c’est que nous ne possédions pas l’adresse de la demeure du professeur. La bonne nouvelle, c’est qu’il y avait beaucoup de choses à visiter et des musées. En quelque jours, nous avons pu faire le tour de la ville et voir les deux plus grands musées : Le Palazzo Vecchio et la Galerie des Offices. Le premier est l’endroit où se passe l’intrigue du livre Inferno de Dan Brown comme le masque mortuaire du poète italien Dante ou la fresque des Cinq-Cents de Vasari et le second présente une grande collection de peinture de maitre de la Renaissance comme le Printemps ou la Naissance de Vénus de Botticelli.

En cinq jours, j’avais appris à faire la connaissance de Thomas. On avait beaucoup de choses en commun : on avait tous les deux une passion pour la science, un grain de folie et on aimait les mêmes livres et films. Dans un monde parallèle nous pourrions être d’excellents amis et qui sait on aurait pu se rencontrer au collège et suivre les mêmes études. Mais passons.

Ce soir nous devions nous préparer car, par le plus grand des hasards, la troupe de Felipe Galilei, le comédien que nous avions rencontré à Cork et qui est aussi un talentueux, jouait pour un festival international. Nos places étaient réservées et nous l’avons prévenu par message, il nous a ensuite invité à nous rejoindre plus tôt pour discuter. Cela tombait bien car nous avions plusieurs questions pour lui. Nous nous étions donné rendez-vous sur la Piazza Della Signoria pour boire un coup avant la représentation. En arrivant, il nous a pris dans ses bras sans nous lâcher. Visiblement il était très tactile et affectueux.

-Comment allez-vous mes jeunes amis ?

-Nous avons fait bon voyage et j’espère que vous aussi Monsieur Galilei, dit Thomas.

-Ma foi, tout est parfait ici. En tout cas, cela me fait plaisir de vous voir ici. Je m’excuse encore d’avoir paniqué la dernière fois mais le Centre m’a gardé quatre ans enfermés. J’espère que vous ne m’en voulais pas trop.

-Pas du tout. C’est parfaitement normal. Au fait, quelle pièce jouerez-vous ce soir ? demandais-je

-Il s’agit d’une pièce de Bertolt Brecht : La Vie de Galilée, nous dit-il en souriant.

-Je me posais une question, est ce que vous avez un lien de parenté avec l’illustre scientifique ? demandais-je.

-J’aurais aimé mais malheureusement non. Je suis tout de même le descendant d’Oscar Wilde. Sa petite fille est partie en Italie pour refaire totalement sa vie et a épousé un bijoutier Ernesto Galilei mais aucun lien avec Galileo Galilei. Mais c’est tout de même un honneur.

-J’espère que la pièce sera bonne, rajouta Thomas.

-Vous ne serez pas déçus mes amis.

Il nous laissa afin d’aller se préparer. Il nous restait encore une heure et demie avant l’ouverture de théâtre, aussi nous avions décidé de poursuivre nos recherches aux archives d’état où ils gardaient les actes de tous les achats de biens depuis 1852. Il n’y avait pas grand monde à cette heure tardive mais on avait pu accéder aux dossiers relatifs à chaque bâtiment. Les dossiers étant classés par rapport à l’adresse et non au propriétaire, la recherche allait être longue. En une heure, nous avions écumé à peine cinq pourcents des dossiers. Nous avons abandonné les travaux pour le moment et nous sommes allés au théâtre de la Pergola. Le théâtre était sublime, crée au XVIIème siècle, les sièges étaient velours cramoisis, et la salle s’étendait sur plusieurs étages. C’était prodigieux et magnifique. La salle était bien remplie pour l’occasion car la troupe de Felipe avait une grande renommée européenne.

Même s’ils pouvaient jouer dans des grands théâtres, ils préféraient jouer sur des petites scènes comme dans des bars par exemple. Puis le spectacle commença. La pièce raconte une bonne partie de l’histoire de Galilée, des prémices de sa lunettes à l’inquisition et la lutte entre la religion et le savoir. Les costumes étaient époustouflants et le jeu d’acteur était top. Les acteurs reçurent une salve d’applaudissement. En sortant du théâtre il faisait nuit et nous avons contourné la salle pour nous mettre au niveau de l’entrée des artistes afin de féliciter Felipe car il avait assuré dans son rôle de Galilée. Thomas avait beaucoup apprécié le personnage du polisseur de lentilles et ami de Galilée : Federzoni. Après une demi-heure d’attente, il sortit enfin. Il semblait heureux de nous voir, mais quelque chose dans son visage trahissait son inquiétude.

-Heureusement vous êtes là, j’ai eu peur qu’il vous soit arrivé quelque chose mes amis, nous dit-il en nous serrant vigoureusement la main.

-Que voulez-vous dire ? demanda Thomas

-Sur scène, j’ai vu qu’au premier rang, il y avait deux hommes en costumes. Il travaillait pour le Centre et l’un d’eux n’a pas arrêté de taper des choses sur ton téléphone ce qui n’est pas poli d’une part et m’inquiétait légèrement. Vous savez, vous ne devez vraiment pas leur faire confiance, ils ne feront que vous mentir.

-Avec Thomas, on aimerait que vous nous expliquiez les problèmes que vous avez eu avec le Centre, si vous le voulez bien.

-Bon d’accord, venez à l’intérieur. On va discuter dans la salle des costumes, il n’y aura personne pour nous entendre là-bas. »

Nous sommes donc entrés par l’entrée des artistes et nous avons emprunté un grand escalier de marbre pour nous rendre au sous-sol et une petite porte en bois nous menait à l’antre de l’arlequin. Il y avait des centaines et des centaines : des couleurs de tous les côtés, des plumes, des paillettes, cela aurait presque pu me faire mal aux yeux. Si je n’avais pas eu peur qu’un masque vénitien me tombe dessus, j’aurais presque pu apprécier cette pièce rococo.

-Voilà, ici nous serons au calme. Il y a quarante ans, j’ai travaillé comme stagiaire pour le Centre qui n’était qu’au départ un centre de recherches sur la biologie et les sciences du vivant et avec un tas de domaines d’application allant des recherches sur le cancer, à la mémoire en passant par l’étude du galvanisme ou des gènes humains. Mon père m’avait fait embaucher comme stagiaire du jeune et prodigieux professeur James Casenine qui n’avait que cinq ans de plus que moi. Il a toujours été amical et je m’étais même proposé pour qu’il réalise une analyse de mon ADN, ce qui était révolutionnaire pour l’époque. Cependant, en l’étudiant, le professeur James Casenine a découvert qu’un de mes gènes était inexistant dans toutes les autres séquences d’ADN. Au contact de certaines protéines et en réponse à certain stimulus sensoriel, il se modifiait. Le mien notamment parvenait à modifier totalement ses caractéristiques comme s’il pouvait se métamorphoser. Il a commencé à y vouer une obsession, à chercher d’autres personnes avec un gène comme le mien mais il ne trouva personne. Il décida de m’enfermer pour pouvoir continuer ses expérimentations sur moi car il manquait de cobayes. Les expériences ont duré plusieurs années et je n’avais jamais eu le courage de fuir. Mais un jour alors qu’il était en déplacement, le Centre était quasiment vide, j’ai pu m’enfuir. C’est à ce moment qu’ils ont déplacé le Centre en Irlande. De mon côté, j’étais enfin libre. J’ai intégré une troupe de théâtre pour poursuivre mon rêve.

Nous l’avons laissé parler de son enfance ensuite, de sa troupe et de sa volonté de parcourir le monde pour retrouver ses parents ayant disparus lorsque Felipe fut retenu prisonnier. Son discours était chargé d’émotions, j’ai même vu Thomas s’essayer les yeux afin de cacher qu’il avait versé une ou deux larmes. Bizarrement, à une ou deux reprises, j’ai cru percevoir un changement dans son visage mais sans conviction, cela était sûrement dû à la fatigue. Vers une heure du matin, nous prîmes congé de Felipe pour rentrer à l’hôtel.

Par je ne sais quel miracle, il dormait dans la chambre d’à côté. Ainsi nous avons poursuivi notre chemin tous les trois. Lorsque nous sommes arrivés à l’hôtel, j’ai su que quelque chose n’allait pas. La porte de notre chambre était ouverte. Sur son lit, il y avait une fille d’à peu près notre âge avec un regard dur qui, en un geste se leva, donna une baffe à Thomas avant de lui crier dessus, dans ce qui me semblait être de l’italien. Bizarrement cela amusa beaucoup Felipe qui éclatait de rire en se tenant le ventre.

-Quelqu’un voudra bien m’expliquer ce qu’il se passe ici ? demandais-je.

-Bon je vous présente Oxana Serratura, il s’agit de l’autre ingénieure, spécialisée dans les mécanismes délicats comme le crochetage de serrure, n’est-ce pas ? dit Thomas avec un regard appuyé.

-Ouais je sais. Je dois arrêter et bla bla… Tu me l’as déjà dit une centaine de fois Thomas, ça ne changera rien à qui je suis, puis tu sais que je ne t’écoute pas. Bon désolé, d’avoir fait irruption comme cela mais Thomas m’avait dit de le retrouver à Lyon le 2 décembre mais il n’y était pas donc je t’ai tracé pour te retrouver.

-Merde, c’est vrai qu’on devait se voir, mais on a eu le souci avec Mary et j’ai complètement oublié de te prévenir. Pardonne-moi. Mais pourquoi tu as fait tout ce chemin juste pour me voir ?

-Parce que comme je te l’ai dit, j’ai piraté ton téléphone donc j’ai entendu tes conversations. Cela m’attriste de savoir que Mary est prisonnière mais la raison pour laquelle je suis venue est très importante. Je sais où elle est, dit-elle en souriant.

-Précisément ? s’enquit Felipe

-Oh oui précisément.

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