Chapitre 24 - Princesse

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Elle se sentait tomber, doucement. Faiblement, elle entendait une voix. Elle la connaissait mais ne savais absolument pas où elle avait bien pu l'entendre. Et cette voix l'appelait, doucement, prononçant son nom. Mais Jaelith n'arrivait pas à l'entendre distinctement.

La jeune femme s'était réveillée en sursaut. Elle tentait de se relever, mais était encore trop faible et retomba lourdement sur le lit.

— Où suis-je ?

Elle essaya à nouveau de se redresser et parvînt avec difficulté à s’asseoir, à bout de souffle. Pourquoi respirer était une chose si difficile à faire pour elle ? L'air était glacial autour d'elle, et elle ressentait une atroce douleur derrière le crâne. Elle regarda tout autour d'elle.

Une chambre aux couleurs claires, richement décorée de toiles fines, qu’elle contempla pendant de longues minutes.

— Et comment suis-je arrivé ici ?

Une douleur vive venait de lui perforer le crâne sans prévenir. Elle avait du mal à la supporter et pria pour qu'elle cesse rapidement. Et puis tout à coup, plus rien. Un calme plat dans son esprit. La douleur avait soudainement disparue. Elle essayait de réfléchir, de constater, de se rendre compte de la situation, de comprendre, mais elle n’y arrivait pas. Elle remarqua qu'à chaque fois qu'elle essayait de faire appel à sa mémoire ou à ses souvenirs, il y avait cette douleur. Une douce voix se fit entendre.

— Vous êtes réveillée princesse ?

L'esprit de Jaelith n'était pas encore clair. Est-ce qu'il avait dit princesse ?

— Je... Qui êtes-vous ?

L'elfe aux cheveux sombre s'inclina respectueusement.

— Je suis Loan, votre serviteur.

— Mon serviteur ?

— Oui... J'ai servi votre père avant vous. Il est donc normal que je vous serve aussi.

— Mon père...

Jaelith essayait vainement de se rappeler de ce qui s'était passé avant son réveil, mais une horrible douleur à la tête chassa cette envie. Un large sourire aux lèvres, Loan l'invita à retourner dans sa chambre. Il ouvrit l'armoire qui se trouvait là et s'approcha de la jeune femme, des vêtements propres sur les bras.

— Voici une tenue pour vous Princesse.

Jaelith prit la robe qu'il lui tendait, puis, le regard vague, elle demanda :

— Ce ne sont pas mes affaires. Où sont-elles ?

— Pour tout vous avouer, les vêtements que vous portiez étaient en très mauvais état.

Jaelith haussa les épaules et tandis que Loan se retournait pour ne pas la voir, elle enfila la robe. L'elfe lui arrangea les cheveux rapidement, puis recula, l'air satisfait.

— Cela vous va vraiment bien. On dirait que cette robe a été faite pour vous.

La jeune femme sentit qu'il manquait quelque chose. Sa main se posa sur sa poitrine, cherchant un objet familier qui n'était pas là.

— Où est... Mon collier ?

Loan se leva et ouvrit le tiroir de la commode qui se trouvait dans la chambre. Il en sortit un morceau de tissu blanc immaculé.

— Vous le portier quand Enki vous a ramené.

Jaelith le déballa et retint un cri d'admiration. Un magnifique pendentif se trouvait là. Le joyau brillait très faiblement. La jeune femme interrogea Loan du regard.

— Je n'en sais pas plus que vous, princesse. Mais il se trouvait autour de votre cou.

— L'éclat de la pierre est si étrange...

— En effet. Peut-être ce pendentif possède-t-il un pouvoir particulier...

— Peut-être...

Quelque chose lui disait qu'elle avait bien fait de remettre la main sur ce pendentif. La porte de la chambre s'ouvrit, et Kerninos entra. Loan s'inclina vers lui.

— Grand sage, il est rare de vous voir ailleurs quand dans le temple du dieu Cerf.

La jeune femme observa le nouveau venu. Elle avait l'impression de l'avoir déjà vu auparavant, mais une douleur lui rappela de ne pas essayer de se souvenir. Kerninos ne semblait pas si âgé à première vue. Mais c'était un elfe, et Jaelith savait que ces derniers pouvaient vivre quelques centaines d'années. Il s'agenouilla devant elle et lui adressa la parole.

— Jaelith, fille de Jaelen, si vous voulez bien me suivre, vous êtes attendue par l'impératrice.

Il se releva sans un mot de plus et l'invita à le suivre. Jaelith se tourna vers Loan qui hocha la tête avec un léger sourire. Docilement, elle suivit l’elfe le long des couloirs du palais de marbre. Elle se demandait comment il faisait pour savoir où il allait. Tous les couloirs, toutes les pièces se ressemblaient tellement. S’il la laissait seule, elle se perdrait, elle en était sûre et certaine. Se tenant derrière le sage Kerninos, elle l’observait silencieusement en évitant de se poser trop de questions.

Au bout de longue minutes, ils arrivèrent dans la grande salle où se trouvait Sidan Lokliar. Cette dernière se tenait droite, le visage tourné vers l'une des grandes fenêtres. Elle ne les avait pas entendus arriver.

— Voici Jaelith, comme vous l'aviez demandé, Impératrice.

Kerninos s'inclina et la semi-humaine fit de même. Sidan s'approcha d'elle et la détailla longuement sans dire un mot. L'impératrice lui trouva certaines ressemblances avec son frère dans sa manière de pencher la tête, ou plus simplement, son léger sourire gêné.

— Tu es Jaelith...

Ce n'était pas une question. L'intéressée hocha la tête.

— Tu es la fille de Jaelen... La fille de mon frère...

Jaelith acquiesça. Quelque chose lui disait que c'était la vérité.

— Alors, vous êtes ma tante ?

Sidan eut un haut le cœur à entendre cette phrase. Mais elle tenta de se faire à l'esprit que la jeune femme tenait plus de l'elfe que de l'humain. Elle hocha la tête, puis ajouta :

— Il va falloir s'occuper de ton éducation. Tu es un membre de la famille royale, je suppose qu'avoir vécu toutes ces années au milieu des humains n'a rien arrangé. Loan s'en chargera...

L'impératrice tournait autour de Jaelith comme un loup autour de sa proie. Elle avait du mal à se faire à l'idée que cette jeune femme était la maitresse d'un humain. Maitresse, même pas femme. Sidan vit là une occasion de la détacher de cet humain. Elle ajouta d'une voix neutre :

— Il va falloir aussi te trouver au plus vite un prétendant. Quelqu'un qui soit vraiment digne de toi.

La semi-humaine frissonna. L'impératrice lui fit un large sourire.

— Et je sais déjà qui sera parfait pour cela.

Freyki avançait dans l'épaisse forêt. Il suivait l'éclaireur elfe à travers cet enfer vert. Derrière eux, une vingtaine d'hommes en armures. Le roi loup avait demandé à ceux qui le désiraient de l'accompagner. Beaucoup s'étaient portés volontaires et il avait dû faire un choix. Il prit une grande bouffée d'air et ferma les yeux. Jaelith... Toutes ses pensées allaient vers elle. Il priait pour qu'il ne lui soit rien arrivé de fâcheux.

— Cité d'Argent... Toute proche...

L'éclaireur qui avait prononcé ces mots en tremblant tourna sa tête vers l'homme à la cicatrice, attendant les ordres.

— On continue à avancer. Doucement.

Son interlocuteur acquiesça silencieusement, visiblement mal à l'aise.

— Autour... Drinvels. Nous surveille.

Freyki observait les alentours mais ne vit rien du tout. Il pensait que l'elfe se moquait de lui. Finalement, il pensa qu'il aurait été plus simple de venir avec Feiyl. Les talents du dragon auraient pu s'avérer utiles. Mais c'était un peu tard, et Jaelith l'aurait massacré s’il avait mis la vie de l'adolescent en danger. La marche continua pendant un peu moins d'une heure, jusqu'au moment où les tours blanches de la grande cité elfe furent visibles au loin. Et face à la petite troupe d'humains se trouvaient des elfes. Des Drinvels. Leur chef s'avança doucement, un large sourire sur le visage.

— Roi loup, c’est un jour magnifique ! Nous avons anticipé votre venue dans notre belle capitale.

Le souverain fit signe à ses hommes de ne pas bouger et s'avança vers son interlocuteur.

— Je suis ici pour vous demander de cesser cette guerre inutile. Où est votre impératrice ?

Enki, car il s'agissait de lui, secoua la tête.

— Elle est très occupée. L'éducation de sa nièce est un calvaire. C'est une vraie petite sauvage. Pour le moment, c’est moi qui m’occupe de toutes les affaires de notre contrée.

Freyki fronça les sourcils. D'une voix ferme, il réitéra sa demande :

— Serait-il possible de la voir, même quelques instants ?

— Ce ne sera pas nécessaire.

— Comment cela ?

Un immense sourire carnassier apparut sur le visage du chef des Drinvels. D'une voix glaciale, il annonça sa sentence :

— Je vous condamne à mort.

Derrière Freyki, il y eut un énorme brouhaha. Des cris, des hurlements de douleurs. Lentement, il tourna la tête. Il allait porter la main à son épée, mais une douleur vive l'en empêcha.

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