Chapitre 25 - Prisonnier

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Autour de lui, tout était mort. Il n'y avait aucun bruit mit à part le souffle du vent. L'attaque des Drinvels les avaient tous tués, presque sans exception. Il ne restait que lui. Freyki regardait les alentours, hagard, encore sous le choc de l'attaque qui avait eu lieu il y a quelques minutes. Il ne pensait pas que les elfes en arriveraient là. Il ne pensait pas qu'ils feraient une chose aussi horrible. C'était si soudain ! Le roi loup se releva lentement et remarqua enfin qu'il était blessé. Une plaie ouverte sur son bras gauche laissait couler un sang rouge vif. Il posa sa main droite dessus, limitant la perte de sang.

Son regard chercha alors Enki. Il le trouva rapidement, et ce dernier l'observait, au loin, un large sourire sur le visage. Freyki se demanda pourquoi il l'avait épargné. L'odeur de la mort envahissait ses narines. Sa tête lui tournait. Il souffrait, mais ce n'était rien en comparaison avec ce que ses hommes avaient dû subir.

— Roi Loup, par cet acte, vous comprendrez que les humains n'ont rien à faire sur nos terres.

— Etait-ce nécessaire de tous les tuer ainsi ?

La voix de l'homme tremblait de colère et de tristesse. Il hurlait :

— Etait-ce vraiment nécessaire ?

Enki haussa les épaules.

— Non, effectivement, il n'était pas nécessaire de tuer tous vos hommes... Mais d'un côté, le message est clair et précis.

— Pourquoi ?

— Les humains n'ont rien à faire ici.

Freyki tomba à genoux, les larmes aux yeux. Il murmura le nom de celle qu'il aimait et qu'il était venu chercher.

— Jaelith...

L'elfe hurla de rire.

— En tant que futur mari de la prochaine impératrice, je dois vous supprimer. N’y voyez rien de personnel.

— Future impératrice ?

— Je vais vous la présenter avant que vous quittiez ce monde.

Jaelith observait le ciel bleu que lui offrait le paysage verdoyant autour de la cité d’argent. De sa harpe s'échappait une mélodie d'une tristesse infinie. Et la voix de la jeune fille, cristalline, l'accompagnait d'un chant mélancolique.

Shin’dala, maind’el ana du (La main du dieu cerf se pose)

Caliande la’nud’el Lok’li’ar (Sur la famille Lokliar)

Cast’el Fay un’du esta (Bénissant Catlefay)

Drak’en san’adu dala’ne (Les dragons sont tombés)

Men’du ci’el del’ana (Et avec eux la cité)

Tene’beris ol’na ila’nu (Noyée dans les ténèbres)

Les dernières notes de la harpe s’envolaient vers l’infini, et Jaelith entendit des applaudissements discrets. Elle se retourna et vit l’impératrice, un sourire triste sur les lèvres. Cette dernière s’approcha lentement, tout en lui parlant d’une voix douce.

— Une magnifique voix, digne de ta lignée. Et un de nos plus beaux chants. Ce sera toujours cela de moins à t'apprendre. Pourtant...

Elle ne termina pas sa phrase qu'un soldat vint interrompre.

— Pardonnez-moi de venir vous déranger Impératrice, mais le général Enki est revenu.

Sidan Lokliar demanda :

— Revenu victorieux ?

— Oui. Il a attrapé le roi Loup.

L'Impératrice hocha la tête et fit signe au soldat de partir. Jaelith, qui avait écouté la courte conversation, se tourna vers sa tante.

— Le roi loup ? Qui est-ce ?

Intérieurement, Sidan exultait. Le sortilège d'Enki avait parfaitement fonctionné. Les souvenirs de Jaelith avaient complétement disparus. Elle répondit néanmoins à la question de sa nièce.

— Le roi loup... Il est le roi des humains de Fereyan, au nord. Cet imbécile n'aurait pas dû venir sur mes terres. Il n'aura que ce qu'il mérite...

— Est-ce qu'il a commis un crime ?

— C'est un humain. Cela me suffit.

La semi-humaine se leva, laissant la harpe, puis s'approcha de sa tante.

— Pourquoi leur en vouloir autant ? Qu'on-t-il fait de mal ?

L'impératrice explosa. Elle s'était mise à hurler :

— Tout est de la faute des humains. C'est de leur faute si Castelfay a été détruite ! S'ils n'avaient pas eu l'idée de libérer ce monstre de sa prison, la cité serait toujours debout. Jaelen serait devenu empereur à la suite de notre père, et nous n'aurions pas à subir tout cela !

Le regard que Sidan posa sur la jeune femme était dur. Jaelith baissa la tête et la secoua doucement.

— Cette bataille signera la ruine du pays... La guerre doit être menée à bon escient.

— Venger ton père n'est pas une bonne raison ?

— Je ne pense pas que ce soit ce qu'il aurait voulu.

Des larmes perlèrent lentement sur les joues de la demi-elfe. Elle continua et osa prononcer les paroles qu'elle gardait pour elle.

— Si mon père était devenu empereur, si Castelfay était encore debout, alors... Je ne serais jamais venue au monde.

L'Impératrice haussa les épaules. Si tout s'était déroulé comme elle l'avait dit, elle n'aurait pas à supporter cette gamine énervante.

Enki poussa l'homme à la cicatrice sur le sol du palais. Ce dernier avait les mains liées dans le dos et son épée lui avait été confisquée. Le Drinvel fit signe à l'un de ses hommes d'approcher. Il ordonna :

— Ramenez-moi la princesse. J'ai hâte de voir la surprise sur son visage lorsqu'elle verra ma proie.

L'elfe s'inclina avant de partir en courant à travers les couloirs du palais. Freyki était encore sous le choc. Il n'essaya même pas de se relever. Son bras le faisait souffrir, même si il ne saignait plus. Enki se pencha sur lui et murmura d'une voix glaciale :

— Rassurez-vous... Je ne vous torturerais pas de la même manière que votre putain.

Le roi loup releva la tête et planta ses yeux noirs de colères dans ceux de l'elfe.

— Si vous lui avez touché ne serait-ce qu'à un seul de ses cheveux, je vous jure que je vous tuerai. Ce ne sont pas des paroles en l'air !

Enki ne put s'empêcher de rire.

— Je vous conseillerai de me parler sur un autre ton, roi Loup.

Tout en disant cela, il appuya son poing sur la blessure de sa proie qui se remit à saigner. Une voix féminine se fit entendre.

— Voici donc à quoi ressemble le roi loup ?

Freyki releva la tête vers la jeune femme, les yeux écarquillés de surprise. C'était Jaelith. Un large sourire apparu sur le visage de l'homme à la cicatrice, mais il s'effaça rapidement.

— Jaelith ! C’est moi !

Elle le dévisageait, le visage impassible, et demanda :

— Pourquoi me parlez-vous ainsi ? Vous me connaissez ?

Freyki ne comprenait pas. Il secoua la tête. Pourtant, c'était bien elle qui se trouvait face à lui. D'une voix qui se voulut rassurante, il commença :

— Bien entendu ! Tu es…

Le souverain reçu un coup de poing au visage. La voix d'Enki retentit :

— Personne ne s'adresse à la princesse de manière aussi familière !

Jaelith recula et porta les mains à sa bouche, horrifiée par le geste de l'elfe. Ce dernier tourna la tête vers elle.

— Ca suffit maintenant. Jaelith, si vous voulez bien reculer. Cet homme est dangereux.

La jeune femme ne pouvait retirer son regard de celui de l’homme à la cicatrice. Il lui semblait familier sans savoir pourquoi.

— Mais cette personne est blessée ! Enki, s’il vous plait…

Le Drinvel lui coupa la parole et fit signe à ses hommes.

— Que quelqu’un escorte la princesse loin de cette salle.

Jaelith fut emmené, et elle lança un dernier regard vers cet humain pour qui elle ressentait de la pitié. Un large sourire aux lèvres, Enki murmura à son prisonnier :

— Cessez de penser à cette femme. Mettez-vous dans la tête qu'elle a rayé votre existence de sa mémoire.

Le roi Loup baissa la tête. Il aurait préféré mille fois mourir plutôt que de supporter cela.

La prison de la cité d’argent ne reflétait en rien la grandeur elfique que Freyki avait pu voir à la surface. L’endroit était sombre, froid et humide. Quelques prisonniers s’agitèrent, poussant des cris dans une langue que le roi loup ne comprenait pas. Il tourna la tête vers les quelques cellules qui s’offraient à sa vue. Dans l’une d’elle, un elfe implorait les gardes. La moitié de son visage était atrocement brûlé, et du pus sortait de la blessure qui n’avait jamais cicatrisé.

Dans la cellule qui se trouvait à côté se trouvait un autre elfe, plus âgé. Il se trainait sur le sol comme s’il était incapable de marcher. Freyki l’observa de plus près : ses jambes avaient été brisées en plusieurs endroits. L’homme à la cicatrice frissonna légèrement. Est-ce que ce qu’il l’attendait était une séance de torture ? La question ne se posait même plus lorsqu’il regardait les autres pauvres elfes qui se trouvaient coincés ici entre ces murs. Freyki allait souffrir. Pire encore : il pourrait en mourir.

L’humain fut enfermé dans un cachot vide de codétenus. Il s'était assis, les yeux rivés vers le sol. Il avait tout perdu en une seule journée. Ses hommes avaient été tués. Il avait été enfermé dans cette sombre prison humide. Et elle l’avait oublié. L’homme à la cicatrice eut l’impression que son cœur allait se briser en mille morceaux à chaque fois qu’il repensait à elle. C'était un véritable cauchemar. Un cauchemar duquel il ne pouvait pas se réveiller.

La nuit était tombée depuis longtemps. Le vent était doux et le ciel dégagé de tout nuage. La lune baignait la terre de sa lumière bienveillante. Jaelith s'était assise au balcon qui donnait sur une grande partie de la cité d'argent. Ses pensées s'étaient entièrement tournées vers cet homme, et elle ne comprenait pas pourquoi.

Sa tante lui avait rapidement annoncé qu'elle était en guerre avec les humains, mais elle n'avait pas donné plus d'explications. Elle lui avait dit de s'en méfier comme de la peste. Mais la jeune femme ne comprenait pas. Le sang humain que Sidan Lokliar détestait coulait pourtant dans ses veines. Alors pourquoi ?

Elle joua pendant quelques instants avec son pendentif. Une ancienne habitude qu'elle n'avait pas perdue, contrairement à sa mémoire. Elle avait cessé de se battre devant la douleur et s'était résolue à vivre sans. Son regard se posa sur pendentif. La jeune femme ne savait pas pourquoi il lui avait été remis. Elle ne se souvenait de rien. Mais elle savait qu'il lui appartenait. Elle regarda l'éclat de la pierre qui luisait faiblement, mais aucun souvenir ne revint. Rien. Pas même un fragment. Jaelith s'allongea sur le grand lit qui était désormais le sien. Elle repensa à Enki et à la manière dont il avait traité cet humain. Sa tante lui avait dit qu'il ferait un très bon prétendant, et elle l'avait crue.

Les yeux de Jaelith se fermèrent doucement. Ce qu'elle voyait, c'était le visage de cet humain, ses cheveux noirs comme le plumage d'un corbeau tombant doucement autour de ces yeux sombres. Il était penché sur elle et murmurait des paroles rassurantes.

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