Le voyage

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- Papi, Papi, tu me racontes la fin de l’histoire ?

- Tu as fini de manger ?

- Oui !

- Tu t’es lavé les dents ?

- Oui !

- Tu as fait un bisou à maman, papa et mami ?

- Oups !

- Allez ! Vas-y ! Je t’attends dans ta chambre !

Une minute plus tard …

- Alors ! Est-ce que tu te souviens où l’histoire s’est arrêté ?

- Oui ! Le petit garçon a écrit tous les mots, Lion, Eléphant, … et puis, plouf plus rien, il a disparu dans un tourbillon avec le petit oiseau. Et après, papi, il s’est passé quoi ?

- Toi qui a de l’imagination, dis-moi, à ton avis ?

- Et bien, je dirai qu’il a été transporté dans un village africain. C’est ça papi ?

- Très bien vu ! Mais, ce n’est pas tout à fait ça ! Il a bien été transporté en Afrique ! Mais dis-moi ! Te souviens-tu du premier mot qu’il a écrit ?

- Oui ! Attends ! … Oh non ! « Lion », il a écrit « Lion».

- C’est ça ! Du coup, il s’est retrouvé en pleine savane, assis au beau milieu d’une horde de lions, le petit oiseau, tout tremblant de peur, sur son épaule !

- Oh, papi ! Ne me dis pas que l’histoire s’arrête là, qu’il va se faire dévorer par les lions ! Je ne sais pas, moi, il y a les éléphants. Il a bien écrit le mot « Eléphant », il faut bien qu’ils servent à quelque chose, ceux-là. Ils vont intervenir, non ? Ils vont se jeter sur les lions et les disperser, dis papi ?

- Non pas du tout !

- Alors c’est l’oiseau, c’est ça, c’est l’oiseau ! Il va faire comme dans la chambre quand il jouait avec le petit garçon. Il va aller picorer les lions, un par un et pouf ils vont disparaître.

- Pas tout à fait ! Le petit oiseau en prenant son courage à deux pattes est venu se poser sur la croupe du premier lion venu, lui a bien picoré le derrière, une fois, deux fois, trois fois. Mais là, rien ne s’est passé, au contraire, le lion, quelque peu importuné, s’est retourné vers l’oiseau et s’est retrouvé nez à nez avec lui, enfin plutôt museau à bec. Il a ouvert grand sa gueule et a rugi, je ne te dis pas, comment il a rugi. Le pauvre petit oiseau a été projeté par le souffle trois mètres plus loin, a roulé boulé par terre, juste au pied du petit garçon qui la recueilli dans ses mains.

- Et alors ?

- Alors ? Le petit garçon ne savait plus quoi faire. Il voyait sa dernière heure arriver. Qui pouvait l’aider ? Qui l’avait toujours aidé ? Qui s’occupait de lui du matin au soir ?

- L’écran !

- Oui ! L’écran !

- Mais papi, l’écran, il est resté à la maison !

- Non ! Le petit garçon avait écrit le mot « Ecran » sur sa feuille de papier. Tu te souviens ?

- Oui, mais comment il a fait pour être là ? Il était très grand papi ! Tu es en train de me dire, qu’il y avait, planté au milieu d’une horde de lion, un super écran.

- Non, pas un super écran mais un petit ! Un de ces écrans qui tiennent dans une poche, tu sais ?

- Comme un smartphone !

- C’est ça ! Un smartphone !

- Ding, ding » sonna l’écran. C’est l’heure du repas.

- C’est ça ! dit le petit garçon. L’heure du repas, oui, mais pour les lions ! Tu ne vois pas que c’est moi le repas ! Au lieu de sonner l’heure tu ne pourrais par me dire comment sortir de ce bourbier !

- Ecrire, toujours écrire ! C’est ce que tu fais de mieux ! Allez ! Réfléchis à ce que tu pourrais écrire ! répondit l’écran.

- Je ne sais pas moi ! Voilà, je veux m’en aller d’ici ! Je veux être dans le village ! Ah ! oui, j’ai compris ! Merci l’écran ! dit le petit garçon.

Le petit garçon prit son crayon et chercha sur quoi écrire. Il vit au pied d’un arbre de très grandes feuilles. Il se mit à plat ventre pour ne pas être vu des lions et se mit à ramper. L’affaire allait bon train, les lions, ces fainéants s’étaient remis à dormir. Plus que deux mètres et il allait enfin se libérer. Un lion s’ébroua, leva le museau, se retourna, le regarda et avança vers lui.

Le petit garçon attrapa la feuille, la posa sur une pierre et commença à écrire V..I... L… La mine cassa. Le lion n’était plus qu’à un mètre, sa patte allait s’abattre sur lui.

- Ecris dans le sable ! Allez, dépêche-toi ! Ecris dans le sable ! lui cria l’écran.

Le petit garçon, se recroquevilla sur lui-même, une main protégeant sa tête, l’autre enfoncée dans le sable traçant V...I…L…L….A….G…..E.

Pouf, comme tu dis, tout le monde disparut, sauf les lions bien entendu.

Le petit garçon atterrit sur la place d’un village, un ballon dans les mains, au beau milieu d’un match de foot. Il était entouré d’une multitude d’enfants.

- Qui c’est celui-là et d’où il arrive ? Il est bizarre ! dit l’un d’entre eux.

Un autre, plus âgé, le rejoignit et lui dit :

- Bon ! Gamin, rends-nous le ballon et dégage ou alors joue avec nous !

- Je veux bien jouer ! dit le petit garçon.

- Enlève ta chemise, tu joues dans mon équipe. Nous, on est les « torses-nus ».

- D’accord, c’est quoi les règles ?

- Tu ne sais pas jouer au football ? Ça c’est la meilleure ! Mais d’où viens-tu ?

- Attendez ! Je vais vous regarder jouer un petit moment et après je viendrai vous rejoindre.

- D’accord !

Le petit garçon s’assit à l’écart du terrain de jeu et demanda à l’écran :

- Dis-moi, c’est quoi le but de ce jeu ?

- Le but de ce jeu c’est de marquer des buts !

- Tu te moques de moi là ! Je te demande le but c’est quoi, tu me réponds « le but c’est le but ».

- Ne sois pas impatient, et regarde !

L’écran lui montra des images de joueurs frappant le ballon dans des cages de football, une foule qui applaudissait et d’autres joueurs qui portaient le buteur dans leurs bras.

- C’est ça marquer un but ? Facile ! dit le petit garçon.

Il prit son crayon et sur un bout de papier qui traînait au sol écrivit « Moi - marquer un but ». Il se redressa comme un automate, incapable de résister au mouvement rapide de ses jambes, entra dans l’aire de jeu, subtilisa le ballon à un gamin sur le point de lancer la balle dans les cages, courut avec le ballon dans l’autre sens et frappa fort. Celui-ci traversa la cage, sous le regard médusé du gardien de but et disparut au loin dans la forêt. Le petit garçon, tomba sur les fesses, complètement groggy.

- Ça veut dire quoi « groggy », papi.

- Etourdi, un peu comme tomber dans les pommes, tu vois ?

- Oui, papi ! Et ensuite ?

- Ensuite, le garçon qui lui avait proposé de jouer, revint le voir et lui dit :

- Tu fais ça comment, petit ?

- Tu as vu ? J’apprends vite ! Alors on a gagné ?

- Pas tout à fait !

- Ah bon ! Et pourquoi ?

- Parce que tu as marqué contre ton camp, c’est tout !

- Oups ! Désolé !

Tous les enfants coururent les rejoindre et éclatèrent de rire. Le petit garçon eut un temps d’arrêt ne sachant trop quoi faire puis se mit à rire aussi.

- Alors comment tu t’appelles, petit ?

- Je ne sais pas, je n’ai pas de nom. Mes parents me disent toujours « mon petit garçon adoré », c’est tout !

- Petit garçon adoré, piti gaçon, ptiga, tiga, c’est ça, on va t’appeler TIGA. Qu’est-ce que vous en penser les amis ?

Tous les enfants entonnèrent « TIGA », « TIGA »…

- Et toi, comment t’appelles-tu ? demanda le petit garçon.

- Togo, je m’appelle Togo comme mon pays! Allez, c’est l’heure d’aller à l’école ! Tu viens avec nous ?

- L’école, c’est quoi ? lui demanda le petit garçon.

- L’école, tu ne sais pas ce que c’est que l’école ? Tu viens vraiment d’une autre planète !

Tous les enfants rentrèrent chez eux. Le petit garçon, Togo, le petit oiseau qui voletait autour d’eux rejoignirent une bâtisse en pierre brute et au toit de chaume. Une dame, âgée, les y attendait.

- T’as fini de jouer, Togo ? dit-elle. Qui m’amènes-tu aujourd’hui ? Tiens ! Il est bizarre ton copain, il n’est pas comme nous !

- C’est un ami, mami ! Il s’appelle Tiga et il vient d’une autre planète !

- Tu as de l’imagination, mon petit ! Tu dois savoir que la terre est habitée par des personnes de couleurs différentes. Il y a des noirs, des blancs, des jaunes, des rouges, et des qui sont ni blancs ni noirs !

- Gris, mami !

- Si tu veux ! lui, il est blanc, enfin pas tout à fait vu le coup de soleil qu’il a pris, il est plutôt rouge !

- Je te dis qu’il vient d’une autre planète !

- Ah bon et pourquoi ?

- Il ne connait pas le football !

- Ah oui ! tu as raison ! Il vient d’une autre planète ! dit la grand-mère.

- Non, je viens de la terre, madame, même si là où j’habite il n’y a en plus beaucoup ! Il n’y a que du goudron !

- Tu viens d’où ? demanda Togo.

- Je ne sais pas ! Je vis dans une grande maison. J’y suis né et n’en suis jamais sorti !

- C’est triste, mon petit ! dit la grand-mère. Tu n’es jamais sorti de chez toi, et tu n’as jamais vu un arbre, des fleurs, la mer, le soleil se lever ?

- Le soleil, oui ! Tous les matins, je le regarde, il passe à travers les maisons et monte haut dans le ciel. C’est beau !

Un enfant, tout suant et essoufflé, entra dans la maison. Il portait un baluchon au bout d’un bâton.

- Bonjour, Nianga, la route n’a pas été trop dure ? dit la grand-mère.

- Non ! J’ai dû faire attention aux éléphants qu’ils ne m’écrasent pas mais à part ça, rien. Ah, si quelque chose de bizarre, mais j’ai dû rêver, ce devait être le soleil qui me tapait sur la tête.

- Et quoi donc ? demanda Togo.

- Tu sais, sur ma route je suis obligé de passer assez près de l’arbre aux lions !

- Oui, et alors ? dit Togo.

- Et bien j’ai cru voir un enfant couché par terre, les lions étaient tous près. Il y en a un qui allait se jeter sur lui et je ne peux pas te dire comment, mais, d’un seul coup, il a disparu.

- C’est vrai ! tu as raison ! le soleil ce matin tapait fort ! allez ! Nous allons être en retard à l’école, lavons-nous et habillons-nous ! dit Togo.

- Oui, c’est ça les enfants, à la douche ! dit la grand-mère.

La grand-mère remplit une grande bassine d’eau. Les trois enfants se déshabillèrent et s’installèrent debout dans la bassine. Togo voulut éclabousser le petit garçon mais la grand-mère très sérieuse l’en empêcha.

- Pas le temps de s’amuser les enfants. La classe ne va pas tarder à commencer. Il ne faudrait pas vous mettre en retard.

La grand-mère attendit qu’ils se soient bien savonnés pour vider plusieurs pichets sur eux. L’eau était glacée. Le petit garçon sortit en grelottant mais fut bien content de calmer la douleur de son coup de soleil.

- Tenez les enfants, des vêtements propres ! dit la grand-mère tendant à chacun un pantalon court et une chemise blanche. Tiga, j’en profiterai pour te laver tes vêtements pour ton retour chez toi !

- S’il vous plaît, madame, gardez-les ! j’aimerai rester avec ceux que vous m’avez donnés !

- Comme tu veux !

Les trois enfants partirent sur le chemin de l’école.

- Nianga, tu as beaucoup couru pour venir ici ? demanda le petit garçon.

- Au moins une quinzaine de kilomètres !

- Pour venir à l’école ?

- Oui ! Pour venir à l’école ! quinze kilomètres le matin, quinze kilomètres le soir !

- Ça doit être super l’école pour que tu fasses cette longue distance deux fois par jour !

- Oui ! Tiens, nous arrivons !

Les trois enfants retrouvèrent leurs copains de jeu du matin. Ils rentrèrent dans un bâtiment identique à la maison de Togo mais beaucoup plus grand. Ils coururent s’assoir sous le regard bien veillant d’une dame très belle, vêtue d’une robe blanche. C’était l’institutrice du village. Ils trouvèrent sur les bancs, pour chacun, une ardoise et une boite de craies. Quand ils furent tous assis l’institutrice brandit une baguette et montra des mots écrits sur le tableau. Elle n’avait ni bureau ni chaise seulement ce tableau, des craies et un chiffon. Le petit garçon fut impressionné de voir le calme des enfants et l’attention qu'ils portaient aux paroles de cette dame. Chez lui, les camarades avec qui il jouait étaient de véritables petites pestes.

En quelques heures, il apprit plus que pendant toutes ces années passées devant l’écran à se gaver de choses inutiles ou à jouer à des jeux vidéo abrutissants.

La cloche sonna la fin de la classe, l’écran en fit de même. Le petit garçon lui dit de se taire, il ne voulait pas être découvert. Pourtant, Nianga le regardait du coin de l’œil.

- Dis-moi Tiga ! C’est toi le garçon des lions ?

- Pourquoi dis-tu ça ?

- Parce que le petit oiseau qui t’accompagne partout, je l’ai vu, ce matin sur l’épaule du petit garçon ! C’était toi, j’en suis sûr !

- Oui, c’était moi mais ne le dis pas aux autres. Quand nous arriverons à la maison nous le dirons à Togo.

- Comment as-tu fait pour disparaître ?

- Je te le dirai tout à l’heure. En attendant je dois, s’il te plait, aller voir la dame, j’ai des choses à lui demander.

Le petit garçon laissa Nianga et rejoignit l’institutrice.

- Madame, je peux garder le petit tableau et la boîte avec les crayons que tu nous as mis sur les bancs ?

- Mais bien sûr mon garçon, c’est à toi ! Le petit tableau on appelle ça une ardoise et les petits crayons ce sont des craies. Attention, demain, tu ne devras pas les oublier si tu veux continuer à apprendre des choses.

- Bien sûr Madame, merci et au revoir !

Le petit garçon sortit de l’école et courut se cacher derrière le mur de l’école.

- Ecran, il faut que nous partions !

- Pourquoi ? Tu n’es pas heureux ici ?

- Justement, j’ai peur de vouloir rester et de ne plus voir mes parents. Et je veux les revoir. J’ai ce que j’étais venu chercher, on peut partir !

- Et Togo et Nianga ?

- Je sais, ça me fait de la peine mais je dois choisir !

Le petit garçon écrivit sur l’ardoise « Moi, Ecran, Maison » et disparut aussitôt. Nianga et Togo qui l’avaient vu tourner au coin de l’école, accoururent et eurent juste le temps de voir un tourbillon multicolore dans lequel le petit garçon était emporté.

Dans le village, Tiga, le petit garçon devint une légende. On dit de lui qu’il était un enfant venu des étoiles pour apprendre à écrire et à … jouer au football.

- Elle est jolie ton histoire, papi, un peu triste mais jolie !

- Attends ! Elle n’est pas finie !

- Ah ! Bon ?

- Il y a quelque chose que tu n’as pas remarqué ?

- Et quoi donc, papi ?

- Tu le sauras demain. Maintenant il est l’heure de dormir. Bonne nuit, mon bébé.

- Bonne nuit, papi !

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