J'y suis presque

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Maman m’a répondu tard dans la matinée, elle passera demain en fin d’après-midi, le temps de remplir des formulaires pour la clinique, à moi d’être prêt quand elle va venir me chercher et de rassembler mes affaires, j’ai levé les bras au ciel, je crois que je me suis mis à crier de joie, quand j’ai lu son message.
Peu de choses à chercher, j’ai ouvert le placard pour tout mettre dessus, je ne veux rien oublier, j’essaie de m’avancer pour que demain arrive tôt. Je tourne dans la chambre, ouvre de nouveau toutes les portes, la penderie, sous le lit, je regarde partout, je regroupe le peu des ustensiles de toilette dans la petite salle de bain, ma dernière journée, une nuit et après j’ai fini, je vais rentrer chez moi depuis le temps que j’attends. J’ai une espèce de lourdeur au niveau du ventre, j’ai fini le repas que l’on m’a amené tout à l’heure, c’est sûr ce n’est pas la faim, quelque chose comme une boule, il faut que je m’occupe. J’ouvre l’ordinateur, si je calcule bien, elle m’a dit dans l’après-midi, ce qui me fait près de vingt-quatre heures, il faut que je fasse des choses, que je me trouve des choses à faire, je referme l’écran, je vais aller faire un tour en bas, prendre des barres de chocolat et une boisson gazeuse, et si je traîne un peu, j’entame une bonne partie du temps, ça c’est une bonne idée.

Je reprends mes les béquilles et un peu d’argent dans la poche, pas besoin de se laver, ça ne va pas se voir, je suis dans le couloir et je vise l’ascenseur, je me force à délier ma démarche j’avance lentement, j’entends derrière moi un bruit de caoutchouc, les roues d’un fauteuil qui avance, je suis en plein milieu, je me range sur le côté tout en jetant un œil sur celui qui veut me doubler, ça me fait légèrement sourire, on se croirait sur une grande avenue en pleine circulation.

L’infirmier pousse un siège, le gars dedans doit être mal, il a la tête penchée, presque sur le côté, on dirait que ses mains s’agitent sur ses jambes, je ne savais pas qu’il avait un fou a l’étage, il me fait un peu peur, je me force à regarder ailleurs pour les laisser passer, l’accompagnateur me fait un léger signe de tête quand il arrive à ma hauteur, sans doute pour me remercier, et d’un seul coup sans que je m’y attende, le malade s’agite dans tous les sens, là j’ai vraiment peur, ses bras et ses jambes fouettent dans tous les sens, j’essaie de reculer, je suis contre le mur, j’ai peur de prendre un coup, tant bien que mal je longe le couloir pour passer derrière eux, il se met à crier, je ne sais pas si il parle, on dirait plus une espèce de râle qu’autre chose, ce qui fait sortir une infirmière du bureau à côté, le temps qu’elle regarde pour comprendre, ils se mettent à deux pour éviter qu’il ne glisse du fauteuil bien qu’il soit sanglé au niveau du ventre, ce que je vois après. Je ne veux pas rester, je retourne en arrière je repars vers ma chambre, je vais attendre qu’ils s’en aillent, j’ai bien fait, parce qu’ils reviennent vers moi, la porte entr’ouverte je me recule pour les laisser passer, il me semble qu’il se calme pendant qu’ils passent devant moi, je tremble de partout, j’ai eu peur, et à ce moment-là, le malade me regarde, on dirait qu’il me fait une grimace, je crois qu’il est train de fermer les yeux, il ne bouge plus, je ne regarde plus, maintenant je peux passer, je repars vers l’ascenseur et ce que j’avais prévu. Quelqu’un court derrière moi, de nouveau je me pousse vers le bord du couloir, c’est l’infirmière qui revient et qui se précipite dans l’office, le temps de passer devant, elle prend un téléphone j’entends des bouts de phrases.

« …accident… agité en venant… calmé maintenant… il a fait peur au jeune… oui c’est lui… non pas encore… je ne sais pas... »

L’ascenseur est arrivé, et je suis descendu, j’ai besoin de me calmer et grignoter quelque chose. C’est presque vide à cette heure, quelques visiteurs et très peu de malades, comme ils sont habillés, c’est facile à voir, je suis toujours le seul de mon âge, ça n’a pas changé, et puis de toute façon, personne ne se connaît on ne va pas se mettre à discuter au hasard, juste le personnel soignant qui sourit ou fait un signe de tête quand il sait qui vous êtes, chacun dans son domaine, on ne vient en clinique que pour se faire soigner ou bien pour travailler, pas pour faire la causette.

Je regarde les plantes qui sont à l’extérieur, mais là j’ai pas envie de fermer les yeux, ce qui s’est passé plus tôt m’a un peu agacé, mais surtout m’a fait peur, j’ai pas vraiment la tête à ça, je finis ma boisson, ma barre de chocolat, et je repars dans ma chambre, j’ai grignoté un peu de temps c’est toujours ça de pris, encore un repas, une nuit de sommeil et je suis presque chez moi.

Je passe devant le bureau des infirmières en arrivant à mon étage, je jette un coup d’œil plus par habitude que curiosité, j’ai failli me cogner contre le docteur foldingue.

« Pardon, bonjour jeune homme, on me dit que vous avez vu l’ancien accidenté, il s’est un peu agité je crois, il est reparti dans sa chambre, vous ne l’avez jamais vu, c’est fait maintenant. »

Je lui ai juste dit bonjour, je n’ai rien à lui répondre, je me suis mis sur le lit, je ne veux plus me mêler à ces gens, j’en ai fini ici, enfin presque.

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