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Les filles sortirent de la salle de danse du sous-sol et tombèrent sur Victor, qui se releva d'un bond. Natalie souria, les yeux pleins de tendresse, il n'a pas pu s'empêcher, évidemment, et c'était bien comme ça qu'elle l'aimait.

Mais Victor n'avait d'yeux que pour sa fille, il l'accueillit avec un grand sourire et ébouriffa ses cheveux

"Alors championne ? Comme ça on défonce tout ? J'ai entendu que tu te débrouillais comme un chef !"

Eila haussa les épaules

"Ouais, pas mal, pas mal, répondit Natalie en regardant sa fille avec des yeux complices, je pense qu'elle va nous mettre la misère hyper easy d'ici deux semaines

-Ah merde, va falloir que je retourne m'entraîner alors !"

Natalie embrassa son mari sur la joue et lui tapota l'épaule

"T'as aucune chance"

Eila souria et embrassa son père sur la joue aussi pendant que Natalie monta prendre sa douche

"ça t'as plu ? demanda-t-il à sa flle

-Ouais, ouais c'était vraiment sympa, on dansera ensemble un jour ?

-Quand tu veux chérie"

Eila resta là, avec l'envie de parler à son père sans trouver les mots.

"Qu'est-ce qu'il y a ?

-Vous avez su comment avec maman ?"

A ce moment là, Victor pesa toutes les options : mentir à sa fille pour qu'elle ne se renferme pas sur elle-même ou lui dire la vérité, au risque que la colère qu'elle éprouve pour lui étouffe dans l'oeuf tout le travail qu'elle commençait avec sa mère.

Il se rassit et tapota l'espace à côté de lui sur la marche d'escalier pour l'inviter à l'imiter. Ce qu'elle fît.

"Ta mère et moi l'avons vécu ma chérie, alors en te voyant dans cet état on ne pouvait pas rester indifférents.

-Et donc ?

-Et donc j'ai pris la décision d'accéder à ton compte sur ton réseau social"

Eila bondit de sa place

"Quoi ? Vous avez fait quoi ?

-Seulement moi chérie, ta mère n'y est pour rien, à l'inverse de moi, elle n'avait pas besoin de ça pour être convaincue que c'était déjà ce que tu vivais

-Mais de quel droit papa ?

-Tu ne nous parlais pas Eila ! Nous t'avons demandé ce qu'il se passait, plusieurs fois ! Pourquoi tu refusais de nous répondre ?

-Et pour que me dises quoi papa ? Que j'étais incapable d'affronter le système scolaire classique ? Que vous vous mettiez à flipper en permanence dès que je suis en cours ? J'ai déjà du mal à aller en cours, j'ai pas encore envie de devoir gérer vos inquiétudes !"

Victor se redressa et planta ses deux yeux noirs dans ceux de sa fille, hanté toujours par cette phrase qu'il avait découverte sur cette photo d'elle et de leur chien.

"Et à quel prix Eila ? Ta vie ?"

Les yeux de sa fille s'embuèrent, elle se faufila derrière son père pour monter les escaliers et aller pleurer dans sa chambre. A cet instant elle se sentait aussi ridicule que ce qu'elle avait mal, tellement mal. Il pouvait aller se faire foutre avec son inquiétude, elle pouvait aller se faire voir avec sa danse, si c'était pour la manipuler, même ses parents se moquaient d'elle !

Son coeur se resserait, elle avait envie de sentir cette douleur sortir de son coeur, c'était comme un éteau qui l'étranglait. Elle resta là, à sangloter, étouffée dans ses pleurs.

Victor se sentit impuissant, il frotta son visage avec ses mains, respira un grand coup et expira tout aussi fort. Il avait encore le téléphone de sa fille dans sa main, il n'avait même pas pu lui montrer les musiques qu'il avait mis dessus. Il remonta aussi et se dirigea vers sa chambre, lorsqu'il passa devant la porte de la salle de bain, Natalie sortie de la douche express qu'elle avait prise, revêtue d'une serviette éponge, les cheveux attachés par un crayon de papier.

Son mari ne lui adressa pas la parole, ne la regarda même pas, il posa le téléphone contre sa poitrine et alors qu'elle l'attrapait, il partit se coucher, sans s'arrêter.

Natalie suivit son mari du regard et compris que la priorité était de rendre son téléphone à sa fille, elle se dirigea vers la chambre d'Eila et toqua à sa porte, puis rentra, sans attendre d'ordre ou de contre-ordre. Sa fille était allongée sur le lit, le visage face au mur et lui tournait le dos, elle s'assit sur le rebord du lit, toujours en serviette éponge et frotta le bras de son enfant. Pour toute réponse, Eila renifla un coup, alors elle s'allongea et la pris dans ses bras.

Elles restèrent toutes les deux ainsi durant quelques minutes, puis l'adolescente se retourna.

"Papa a hacké mon compte"

Natalie sentit la culpabilité l'envahir, c'était elle qui avait demandé à Victor de le faire, c'était elle qui était responsable de cette situation. Elle baissa les yeux

"Je sais ma chérie, je...

-C'est dégueulasse ! Coupa Eila, Pourquoi il ne s'est pas contenté de te faire confiance ! Tu l'avais deviné, il n'y avait pas besoin d'en arriver jusqu'à s'introduire dans mon espace privé !"

Natalie compris à ce moment là que Victor l'avait couverte, prenant sur lui l'intégralité de cette faute afin que sa fille puisse se raccrocher à un parent et ne pas perdre toute confiance, elle décida de ne pas démentir son mari

"Tu sais, on fait tellement de choses stupides quand on a peur. Et pour ceux qu'on aime, profondément et sans limite, la peur non plus n'a pas de limite. Ce qu'a fait ton papa c'est de s'assurer ce qu'il t'arrivait afin de pouvoir te venir en aide le plus efficacement possible. C'était maladroit, nous sommes d'accord, mais tu as le choix : soit tu prends ça pour la plus grande preuve d'amour qui soit parce que s'il y a une chose dont je suis sûre, c'est qu'il a dû le faire en se sentant vraiment, vraiment très mal et en essayant de limiter au maximum ce qu'il pouvait découvrir par respect pour toi. Soit tu restes cantonnée à l'idée que c'est une intrusion et que c'est un salaud en oubliant que c'est la chose la plus dure que ton père n'ait jamais eu à faire.

-Dure, mon oeil ! Franchement, ça a dû lui prendre quoi ? 2 secondes ?!"

Natalie comprit qu'il faudrait être suffisament fine pour soutenir son mari et suffisament souple pour que sa fille ne se sente pas abandonnée.

"Je connais ton père ma chérie, je connais l'amour qu'il te porte, s'il a dû en arriver là, c'est que pour lui c'était le dernier recours pour en être sûr et te protéger au mieux. Et il ne l'a certainement pas fait de gaité de coeur.

-Il lui suffisait de t'écouter pourtant

-Et si je m'étais trompée ? On t'aurait peut-être déscolarisé en pensant que tu t'obstinais à ne rien vouloir nous dire alors que tu aurais pu t'épanouir à l'école ! Réfléchis-y ma chérie. On n'est pas parfait même en étant parents, mais tu peux être sûre que tout ce qu'on fait c'est par amour. Parle à ton père, je doute qu'il ait cherché quoi que ce soit d'autre."

Eila resta silencieuse, sa mère en profitant alors pour lui agiter sour le nez le téléphone qu'elle gardait en main depuis le début.

"Tiens, voilà ton téléphone, sans le regarder, c'est promis, ton papa t'as fait une playlist pleine de musique, à ma demande cette fois."

La jeune fille pris son cellulaire, et le jeta derrière elle, dans son lit, toujours en colère. Sa mère reprit

"Ce que tu es en train de vivre aujourd'hui a été pour moi l'une des pires épreuves de ma vie. Du coup, ça appelle deux bonnes nouvelles : La première, ça ne dure jamais éternellement. La seconde ? Tu ne vas pas vivre des épreuves de ce genre toute ta vie. On n'affronte pas une bataille sans armée. Alors n'oublies pas que nous sommes là, ton père et moi. Je t'aime ma puce.

-Je t'aime maman. Merci

-Quand tu le sentiras, va faire un gros câlin à ton papa.

-D'accord"

Natalie se releva, ressera un peu sa serviette et repartit retrouver son mari. Devant la porte de la chambre de sa fille, Fluffy attendait de pouvoir aller rejoindre la descente de lit d'Eila, qu'elle s'était auto-attribuée comme étant sa place pour la nuit. Eila carressa la tête de son chien, lui ordonna de se coucher et se retourna dans son lit. Natalie regarda ce tableau...et se le prit en photo dans un coin de son esprit.

Arrivée dans la chambre conjugale, elle referma la porte, laissa tomber la serviette au sol, enfila sa nuisette qui traînait sur le lit, enleva le crayon de ses cheveux et se glissa contre son mari. Elle l'entendit renifler et compris qu'il n'avait pu contenir ses larmes. En cet instant Natalie était incapable de savoir si elle devait se sentir coupable ou se dire qu'il avait peut-être sauvé leur fille.

"Merci pour tout ce que tu as fait ce soir et ces derniers jours. Tu es merveilleux mon amour, incroyablement merveilleux"

Elle le serra un peu plus fort, il se retourna, les joues humides et prit sa femme dans ses bras afiin d'échanger un baiser tendre.

"On les aura mon amour, je te promets qu'on les aura".

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