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Le voyage en voiture était lourd et silencieux. Natalie avait la sensation d'envoyer sa fille à l'abattoir.

Eila s'était forgé la même carapace, la même routine quotidienne ; Lorsqu'elle arrivait au collège, Eila s'asseyait à côté de l'entrée des professeurs, à l'extérieur du bâtiment, et attendait jusqu'à 4 minutes avant la sonnerie de début de cours. C'est le temps exact qu'il lui fallait pour rentrer en présentant son carnet et accéder à sa classe en étant pile à l'heure, juste au moment de rentrer en cours.

Lorsque tous les élèves sont en rang avant l'entrée en cours, Eila avait parfois la chance que le professeur soit ponctuel, et pouvait souffler. Mais la majeure partie du temps, elle attendait en rang avec les autres élèves, bousculée et insultée, en attendant que ça passe, des écouteurs dans les oreilles pour donner le change.

Mais il y avait rarement du son dans ces écouteurs.

Et Eila entendait tout.

Chaque jour Eila cherchait un nouveau subterfuge pour les moments les plus longs, la récréation, c'était facile, le CDI était ouvert, le plus dur c'était le temps du repas, il était fermé, elle n'avait nul part où se cacher.

Vers l'infirmerie ? C'est interdit, planquée dans les toilettes, outre l'odeur, ça ne fonctionne pas, ils l'avaient déjà trouvée et lui ont fait vivre l'enfer. Il y a deux étages dans ce collège et plusieurs escaliers pour les monter, alors Eila faisait le tour de toutes les cages et si l'une d'entre elle était restée ouverte, elle s'y engouffrait, refermeait la porte puisqu'elles étaient normalement censées être fermées, montait tous les étages et se reposait une heure, au calme avant le nouveau tumulte.

Mais l'oubli de ce verrouillage se faisait rare de la part des surveillants et Eila restait générelement l'animal acculé et apeuré qu'elle était à ce moment là.

La voix de sa mère la sorta de ses pensées :
"On n'est pas obligé d'y aller ma puce"

Eila se tourna vers elle, une partie d'elle hurlait de l'écouter, de se sauver, de ne pas y aller, cette phrase était salvatrice, inespérée. Et l'autre partie l'accusait d'être lâche et de devenir un poids lourd pour ses parents si elle acceptait. Qu'allait faire sa mère si elle disait oui ? Louper son travail ? Mentir pour elle ? Quelle genre de fille pouvait accepter ça...

"Non, j'ai ma routine, ne t'en fais pas, ça ira maman."

Sauf que sa mère se souvenait très bien de sa propre routine.

Enfant, Natalie allait se cacher dans la bibliothèque de son école, espérant que les enfants puissent préférer aller jouer, courrir... Elle se planquait derrière les livres les plus grands possibles afin qu'ils la protègent, mais sachant que c'était la seule à se cacher dans la bibliothèque, elle était vite retrouvée. Les enfants fouillaient dans ses affaires, prenaient ses dessins, ses poèmes, et venaient la tourner en ridicule ou déchiraient ses dessins pour qu'elle pleure et, si ça ne suffisait pas, finissaient par la frapper avec les mêmes livres qu'elle avait prit pour se protéger.
C'était cinq ans d'enfer qu'elle ne souhaitait pas à sa fille. Et aujourd'hui, avec les téléphones, les réseaux sociaux, et toutes ces conneries, est-ce que, parfois, ça s'arrêtait pour elle ?


Natalie mis son clignotant, se garra sur le bas côté et pris son téléphone portable.

"Oui, bonjour, Natalie Martin, la maman d'Eila Martin, en 6ème C, écoutez, ma fille ne se sent pas bien depuis hier soir, je préfère la garder à la maison aujourd'hui... Très bien merci...Oui bien sûr, je vous tiens informés, merci, bonne journée."

Eila regarda sa mère médusée et sentie un poids immense se lever de sa poitrine. Sa mère appela à nouveau.

"Salut David, c'est Natalie, écoutes, ma fille ne se sent pas bien aujourd'hui, je vais rester avec elle, je te tiens au courant de la situation. Le dossier Perrier est sur mon bureau, il est complet, on s'appelle ce soir pour un débrief ?... Top, je te remercie... Oui, je te dirais, pas de problème, à ce soir."

Natalie rangea son téléphone dans son sac à main, regarda sa fille et posa sa main sur sa joue.

"On rentre à la maison ma chérie."

Eila souria

"Tu vas pas pouvoir faire ça tous les jours maman, t'es au courant ?
-Oui ma chérie, répondit-elle en lui rendant son sourire, on verra ça demain ok ? Chaque chose en son temps."

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