Sous la douche, Natalie cherchait comment amener cette solution. Comment parler à sa fille, à son mari, est-ce que ça pouvait fonctionner ? Natalie imaginait Eila apprendre des pas, les répéter, échouer et recommencer, puis y arriver, elle l'imaginait telle qu'elle avait été, quelques années plus tôt lorsqu'elle a commencé.

Elle imaginait aussi son refus, Eila savait que ses parents dansait, ils avaient aménagés toute une salle pour répéter et se faire plaisir. Elle était souvent descendue les regarder danser tous les deux mais n'avait jamais exprimer le désir de s'y mettre, donc qu'est-ce qui changerait maintenant ?

Elle ferma le mitigeur, attrapa sa serviette sur le radiateur et fourra sa tête dans le tissu chaud. Elle y arriverait, si elle ne devait pas y arriver elle trouverait le truc, la chose qui ferait qu'elle pourrait prendre confiance en elle, parce que c'est ça que les harceleurs attaquent, c'est ça qu'ils visent.

Du moins de son temps ?

Elle s'habilla et rejoint Victor dans le salon, il la regarda, plein d'amour, comme toujours, mais dans ses yeux trahissait son inquiétude. Dans l'esprit de Vitor, la question en suspend qu'avait écrit sa fille repassait encore et encore. Il imaginait les pires scénarii, la retrouver pendue en rentrant un soir, dans la baignoire les veines coupées, inconsciente dans le salon à coté de toutes les plaquettes de médicaments possibles dans cette maison, disparue, morte en silence ailleurs un moment où il aurait peut-être pu la sauver.

Et ça tournait encore et encore comme une torture récurente et tout l'amour du monde contenu dans les yeux de sa femme ne pouvait absolument rien y faire.

Natalie s'assit contre son mari et se blottit contre lui. Il passa son bras autour d'elle et l'embrassa sur la tête, elle serra plus fort, s'écarta de lui afin de le regarder dans les yeux.

"Je voudrais qu'Eila danse."

Victor haussa les sourcils, surpris, Natalie souria

"Qu'elle danse ?

-Bah pourquoi pas ?

-Ben pourquoi surtout ! Enfin, pourquoi la danse, Eila fait déjà du violon, un instrument qu'elle nous a demandé, choisit, donc pourquoi la danse ?

-Ok, tu fais du piano, moi de la flûte, franchement, ça t'as donné confiance en toi la musique ? On a tous les deux commencé gamins, Eila aussi en nous entendant jouer, mais que ça soit toi ou moi, après on s'est fait harceler pareil. La danse c'est tellement différent ! Ton corps s'exprime, c'est pas que la musique qui te traverse et ton âme qui chante, c'est ton corps qui vit. J'ai eu bien plus confiance en moi avec la danse qu'avec la musique.

-La différence c'est que tu avais déjà confiance en toi quand on a commencé à danser. On avait presque trente ans. Eila en a dix, tu crois vraiment qu'un tutu va lui changer la vie ?

-Pas un tutu, je ne veux pas la mettre à la danse classique, je ne veux pas qu'elle vive la rigueur du classissisme qu'on vit déjà dans la musique, elle a déjà les règles, l'ordre, la droiture, je veux qu'elle connaisse la liberté !

-Tu veux la mettre à quoi ?

-Bah la seule danse que je connais c'est le swing, mais si elle a envie de se mettre au hip hop ou au modern jazz, je pense que ça pourrait marcher aussi.

-Et tu comptes t'y prendre comment ?

-Je vais lui faire essayer, soit ça passe, soit ça casse. Mais je prends le pari que ça passe. Tu pourras choper son lecteur et mettre de la musique dessus ? La musique m'a sauvé lorsque j'étais au collège, j'ai regretté de ne pas l'avoir lorsque j'étais harcelée, si elle adhère à ce monde, je pense que ça peut lui faire beaucoup de bien.

-Ok, je prends le pari. Tu veux faire ton essai ce soir ?

-Ouaip.

-Je lui piquerai son lecteur quand vous serez en train de danser"

Il ferma les yeux et posa son front contre le sien, la paume de sa main sur la joue de sa femme.

"Je t'aime tellement ma chérie

-Moi aussi mon amour."