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Eila était la première à rentrer de l'école, son collège n'étant qu'à deux petites centaines de mètres de la maison. C'était déjà ça : elle arrivait pile pour les cours, repartait direct, il n'y avait qu'aux récréations et intercours qu'elle cotôyait ses harceleurs. Alors ils la suivaient dans son téléphone, sur les réseaux sociaux, à chaque moment de la journée. Elle ne les voyait pas, mais ça ne s'arrêtait jamais vraiment.

Elle ouvrit la porte de l'entrée, située au niveau inférieur de la maison, Fluffy l'attendait juste derrière et l'accueillie avec tout l'enthousiasme et l'amour que seul un chien peut avoir. Elle s'accroupit et serra fort sa chienne, ses parents étaient allés chercher Fluffy deux mois après la mort de leur dernier chien, elle n'avait aucun souvenir du précédent, elle était beaucoup trop jeune, mais elle comprenait ses parents, lorsqu'ils disaient ne pouvoir vivre sans un chien.

Elle monta dans la cuisine pour un en-cas, sortit le nécessaire des placards et s'installa à table. Fluffy l'accompagna et s'assit, attentive, juste à son côté. Elle regarda l'heure, 17h15, sa mère rentrait dans une heure, son père dans une heure et demi, depuis quelques jours, alors qu'Eila n'arrivait plus à supporter son nouveau collège, elle s'était souvent dit que cet espace de temps serait celui qu'elle devrait utiliser pour que tout s'arrête. Mais comment ?

Elle se voyait mal bricoler de quoi se pendre, elle aurait trop peur de devenir un légume si elle se ratait en avalant des médicaments, il faudrait s'ouvrir les veines, assez pour pouvoir partir en une heure, avant que sa mère rentre. Elle regarda le couteau qu'elle avait pris pour couper sa pomme, repensa à la photo qu'elle a posté il y a quatre jours, la lame de cutter est certainement ce qu'il y aurait de plus efficace.

Elle sentit une patte posée sur sa cuisse, Fluffy la regardait avec la langue pendue.

"Tu t'en fou de ma peine, ce que tu voudrais c'est un bout de tartine hein ?"

Fluffy déglitu et tira à nouveau la langue, heureuse et naïve. Eila sourit

"Heureusement que t'es là toi"

Elle l'embrassa sur le museau et sa chienne lui rendit en lapant son visage. Elle imagina sa chienne, tourner en rond à sa mort, peut-être se laissant mourrir à cause de son absence. Fluffy et elle ont grandi ensemble, dormi ensemble, aujourd'hui encore, Fluffy dort sur sa descente de lit, c'était certes le chien de la famille, mais pour Eila c'était SA chienne, elles avaient une relation spéciale.

Eila ne pouvait pas partir et prendre le risque que sa chienne se laisse mourir, mais elle ne se voyait pas non plus continuer à supporter tout ça. Est-ce que c'était comme ça dans tous les établissements publics ? Et si ça devait continuer au lycée ? En étude supérieure ?

Cette perspective lui donnait le vertige, il faudra qu'à un moment elle trouve un moyen pour en parler à ses parents, mais comment faire en sorte qu'ils ne se sentent pas plus coupable ? La fin de l'école primaire a été sûrement plus angoissante pour eux que pour elle et elle sentait leur dileme. Les discussions à ce sujet avait été nombreuses, bien avant la fin de son école primaire et encore bien plus durant les vacances estivales entre cette période de changement.

Cependant, toutes les copines d'Eila partait en collège public, il y avait trois camarades qui continuaient sur ce type d'enseignement, mais ce n'étaient pas des amis, et l'idée de suivre des connaissances en internat et de ne plus avoir sa chienne avec elle toute la semaine lui était insupportable.

Depuis, ses parents s'en voulaient de lui avoir donné la chance de connaître ce type d'enseignement, alors leur faire comprendre qu'elle n'était pas heureuse dans ce qui devra être la suite de sa vie scolaire, ce n'était pas envisageable. Et pourtant...

Eila rangea son goûter. Elle descendit à l'entrée, appela sa chienne, lui enfila son collier et partit prendre l'air, ton téléphone dans la poche de son blouson, elle allait lire la quantité de monstruosité que ses camarades lui avait certainement écrite durant ces trois quarts d'heures de tranquilité.

C'était le rituel durant la promenade de Fluffy.

Si sa chienne savait parler, elle lui aurait dit d'éteindre son téléphone, et de le jeter le plus loin possible.

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