Paris

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Pendant le trajet, seuls quelques grognements sauvages, d’épisodiques soupirs d’exaspération et le regard mauvais de mon compagnon de voyage avaient indiqué qu’il était toujours bien en vie tellement le silence se faisait pesant en sa présence. Il semblait faire si peu de cas de moi qu’il paraissait avoir oublié que je l’accompagnais et nos échanges tendus précédents. L’espèce de fauve m’ignorait peut-être, tant mieux, après tout !

Arrivés à gare de l’Est, il reprit la démarche d’une personne ordinaire, son visage perdit de sa gravité, ses yeux s’adoucirent et tout son corps se détendit. Pourtant, il ne se dépêcha pas pour sortir du train et nous étions désormais les derniers à ne pas être encore descendus. Je ne comprenais pas son hésitation. En l’observant encore une fois avant de l’abandonner à lui-même, je remarquai le mouvement prolongé de ses épaules qui marquait le rythme de sa respiration, comme s’il cherchait à la contenir.

Il y avait aussi son geste énigmatique de la main, que j’avais interprété comme une sorte d’excitation et d’agacement faute de m’en expliquer vraiment la raison. Lorsque mon compagnon de voyage décida enfin de reprendre la route, il laissa échapper un « Quelle plaie cette ville » dont je ne saisissais pas l’origine. Nous avons continué le trajet en métro jusqu’à l’hôtel d’où l’on pouvait voir la cathédrale Notre-Dame juste en face et dont les chambres étaient joliment soignées.

La pause rafraichissante mais de courte durée suffit pour me purifier des ondes négatives d’un certain individu. L’étape suivante était la maison de la Radio où aurait lieu l’émission à laquelle participaient Reus et Okoro. Je pressentais déjà que le déroulement de celle-ci ne me plairait pas tant le sujet était une porte ouverte à toute sorte d’abus, mais je ne pouvais qu’observer la scène se dérouler devant moi et les réponses des intervenants.

Puisque nous avions de l’avance, le personnel de la chaîne nous a autorisés rester autour des plateaux de télévision à condition de nous faire discrets. L’atmosphère était laborieuse bien que machinale par moments. Je ne retrouvais pas la même ambiance qu’à Strasbourg, où le travail se faisait librement et les gens étaient autonomes… en dehors de moi, bien sûr. Je ne voyais pas les yeux des employés se détourner de leurs écrans et peu d’interactions animaient les espaces de travail.

Quand l’heure du débat se fit plus proche, on vint chercher Garry pour préparer les micros et le maquillage. Je préparai pour ma part de quoi écrire et noter les faits marquants de l’émission, même si mon compagnon de voyage m’avait clairement dit qu’il ne croyait pas en ma capacité de faire même une tâche si simple. Il ajouta aussi un « Qu’est-ce que je déteste Paris » sorti de nulle part comme pour mieux marquer son mécontentement.

L’apparition, à l’autre bout du plateau, d’une jeune femme à la peau sombre dans une tenue rouge foncé complétée d’un foulard de la même couleur annonça les derniers préparatifs. Lara Okoro, la terrible adversaire de ce débat qui faisait trembler tant de monde autour d’elle pour avoir défendu la cause des plus démunis. Elle était accompagnée d’une équipe de collaborateurs attentionnés qui lui portaient une profonde admiration, si bien qu’au moment de les quitter pour prendre place sur le plateau, on sentait déjà qu’elle leur manquait. Face à cette démonstration d’affection, le représentant maudit du Dernier n’avait que moi pour comité de soutien et je ne considérais pas en faire partie. Première défaite pour lui avant même le début des hostilités.

Était-ce pour cette raison, par jalousie ou simple fourberie qu’il commença aussitôt à faire dans la provocation ? À peine s’était-elle installée que déjà il arborait une grimace méprisante à son égard et lui dit : « Faites attention, je ne suis pas un de vos amis extrémistes à qui vous pouvez mentir impunément. » La destinataire de l’attaque réagit aussitôt d’un air grave : « Vos méthodes ne m’impressionnent pas. » Ce à quoi elle se vit répondre : « Les vôtres non plus. »

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