Eclipse

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L'ascenseur de mon immeuble se trouve être en panne aujourd'hui. Je monte les escaliers. En atteignant le second étage, je remarque la porte entrebâillée des Kriegermann. Je toque doucement et hésite avant d'entrer, de peur qu'il se soit passé quelque chose de grave.

Mais c'est un accueil joyeux que Moïra me réserve. Le cadran à peine passé, elle se jette sur moi et m'embrasse à pleine bouche.

— J'ai eu envie de toi dès mon réveil, me chuchote-t-elle les bras autour de mon cou.

— Ne me dis pas que c'est toi qui as mis l'ascenseur en panne exprès ? demandé-je interloqué.

— Non, ou non, je ne te le dis pas, en rit-elle.

Elle me tire par le manteau et m'emmène dans la chambre. Amusé, je me laisse ainsi guider, sans opposer de résistance.

Une heure après, sous les draps en lin blanc, j'examine la chambre matrimoniale des Kriegerman. Sombre, ombragée de noir et de blanc, où repose à même le sol un tapis en velours rouge qui revêt le pied du lit. D'ailleurs, c'est bien la seule pièce qui n'est pas décorée de babioles inutiles. J'installe un oreiller afin qu'il soit positionné dans mon dos et me renseigne dans la foulée sur la réaction de son mari s'il nous voyait allongés et dévêtus dans le lit conjugal.

— Je pense qu'il nous torturerait, certifie Madame Kriegerman.

— Tu devrais discuter avec ton époux. Lui parler de tes ressentiments vis à vis de ses absences, lui décrété-je en m'installant contre la tête de lit.

— C'est bizarre. Au fond, j'espérais que tu puisses être jaloux de mon mari.

— Non. Ça n'arrivera jamais, maintiens-je.

— Et pourquoi ? s'étonne-t-elle en se tournant vers moi, le drap recouvrant sa poitrine.

— Pour la simple raison que je ne suis pas de nature jalouse, confessé-je.

— Qu'une autre personne puisse me toucher et me procurer du plaisir ne te rend pas jaloux ?

— Tu ne m'appartiens pas, Moïra. D'ailleurs, ni ton corps, ni ton esprit. C'est ta propriété. Pourquoi vouloir les posséder ?

— Mais tu étais bien jaloux si un homme abordait ta femme ?

— C'est différent. S'il lui manquait de respect, je réglais le problème mais qu'un homme puisse flatter mon épouse, la complimenter... Non. Je ne m'y opposais pas. Je me disais simplement la chance que j'avais de pouvoir partager ma vie avec une femme aussi ravissante et charismatique.

— Es-tu polygame ? dit-elle en finissant par un petit rire.

— Non, conscient qu'on ne peut pas désirer une seule personne toute sa vie, lui dis-je en lui caressant la joue de l'index.

— Et aimer ?

— Sûrement, réponds-je en retirant mon doigt de son visage.

— Tu étais amoureux de ta femme, rassure-moi ?

— Penses-tu qu'on puisse se marier, rester fidèle et partager douze ans de sa vie avec une personne qu'on n'aime pas ? lui lancé-je en haussant les sourcils.

— Je ne sais pas... pour moi l'amour et la jalousie ne peuvent pas être dissociés.

— C'est ton manque de confiance en toi ou en celui de ton mari qui te donne cette impression.

— La preuve, je suis au lit avec un autre homme, affirme-t-elle en se mettant sur le ventre, le regard coupable.

Je jette un œil à ma montre.

— Je suis désolé, Moïra, j'ai un avion à prendre et mes valises ne sont pas finies, lui expliqué-je en me rhabillant.

— Très bien, dit-elle vivement. Merci d'avoir accepté une nouvelle fois mon invitation.

— Je n'ai pas trop eu le choix.

— Menteur ! Tu aurais pu, clame-t-elle avec un sourire charmeur.

— Oui. Mais je n’en avais pas envie, certifié-je en me penchant pour l'embrasser avant de partir.

Londres,

Aéroport Heathrow,

Lancé derrière les autres passagers de l'avion, je longe le couloir. Mon coeur bat d'impatience de retrouver mes amis après une journée réussie. Tout d'abord, la certitude que je captive encore l'attention de Charlie et enfin, ma fin de matinée avec Moïra. Clôturer une telle journée avec une soirée certainement inoubliable avec eux, me donne l'impression de revivre la rentrée des classes après un long été ennuyeux. Il y a bien longtemps que je n'ai pas passé un jour aussi enrichissant et dépourvu de tristesse ou de mélancolie. Je sors à la porte 5 et je distingue la silhouette de Paul qui m'attend devant l'entrée du Terminale avec de grands signes de la main.

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