Chapitre 9 : Tokyo et Paris

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Aéroport international de Narita, une heure avant le décollage.

Je n’avais pas pris l’avion depuis longtemps. Si mes souvenirs étaient bons, depuis au moins la seconde année du collège. Je me souviens d’avoir un peu eu peur, jusqu’à ce que l’avion ne quitte le sol et ne se mette à voler avec les nuages.

Ma mère avait réussi à s’éclipser un moment de son travail, pour nous déposer Yuna et moi à l’aéroport, ce soir-là. Pour Yuna, qui n’avait jamais quitté le Japon, c’était le début d’une grande aventure. Elle était excitée comme une puce ou une gamine de six ans. Au choix. Elle ne tenait pas en place et je devais lui demander de se calmer plus d’une fois. Je comprenais son enthousiasme mais un peu de tenue ne serait pas du luxe.

Nous venions de finir l’enregistrement et en attendant l’embarquement, Yuna et moi discutions de ce que nous ferions une fois en France. Comme prévu, nous avions réservé un logement AirBnB pour une semaine à Paris, ce qui nous revenait moins cher qu’une chambre à l’hôtel. Mais ce n’était quand même pas donné. Heureusement que ma mère s’était proposée pour payer une partie du loyer. Je lui ai promis de la rembourser, en me trouvant un petit boulot dès mon retour de voyage. De toute façon, j’y songeais déjà depuis un moment, histoire d’apprendre à être indépendant financièrement. Une fois à Paris, nous avions prévu des visites de lieux touristiques et autres, mais aussi une sortie ou deux avec Kinoshita et Aoyama, qui avaient aussi prévues de passer deux semaines en France. Pour la deuxième semaine d’ailleurs, après concertation, nous nous sommes dit tous les quatre qu’il serait sympa qu’on partage un logement loué dans la ville du Havre. Yuna était la plus emballée par l’idée et si ça lui faisait plaisir…

-J’ai hâte ! J’ai hâte ! J’ai hâte ! me disait-elle en sautillant presque sur son siège.

(Une gosse…)

Cela dit, je ne l’avais jamais vu aussi enthousiaste pour quelque chose. La voir comme ça m’aurait presque fait oublier la connerie qu’elle avait fait avant le début des vacances.

Presque…

J’en revenais toujours pas qu’elle avait promis un rendez-vous entre moi et celle contre qui elle avait perdu son petit duel ! Et sans me demander mon avis, par-dessus le marché ! Avec cette étrangère avec qui j’avais discuté brièvement ! Je n’avais jamais été aussi fâché contre elle, au point de l’avoir ignoré pendant au moins trois jours ! Mais je n’avais pas non plus le cœur à lui en vouloir éternellement, surtout avant notre voyage. La discussion sur cette situation dans laquelle elle m’avait fourré allait donc attendre, mais ne serait pas oublié…

Après une longue attente, nous avons enfin embarqué dans l’avion qui allait nous emmener à destination. Yuna avait pris les devants et, après que les hôtesses aient contrôlées nos billets lorsque nous sommes montés dans l’appareil, elle s’était mise à chercher nos places.

-Shûhei ! Dépêche-toi !

-Rien ne presse, Yuna… L’avion ne va pas partir sans nous…

-Tu te moques de moi ?

-Un peu…

Nous avons ris et nous avons finalement trouvé nos places, vers le milieu de l’appareil, dans l’allée centrale.

-Ah…, fit Yuna en s’arrêtant devant nos sièges.

-Quoi, « Ah… » ? … Ah.

Sur les quatre sièges de notre rangée, deux étaient occupés par Kinoshita et Aoyama. Je savais qu’elles partaient le même jour que nous mais je ne pensais pas que nous prendrions le même vol…

Yuna a insisté pour que je prenne le siège côté couloir tandis qu’elle prendrait celui d’à côté, qui était aussi voisin avec celui où Kinoshita était assise. Je me doutais bien de la raison de ce choix et j’ai choisi de ne pas faire de commentaire. De toute façon, c’était la place que je voulais. Et ce n’était peut-être qu’une impression, mais il m’a semblé que la disposition faisait quand même plaisir à Kinoshita.

Les autres passagers commençaient à remplir l’appareil et à s’installer sur leurs sièges, tandis que Yuna discutait un peu avec Kinoshita, au sujet du vol :

-On va voler pendant combien de temps ? lui demanda Yuna.

-On en a pour douze heures et cinquante minutes de vol. On devrait arriver à Paris vers les neuf heures.

-Presque treize heures de vol ! s’écria Aoyama. Tu ne m’avais pas dit ça !

-Tu n’as jamais demandé non plus. Tu étais tellement contente d’aller en France avec moi que tu te fichais de tout le reste…

Aoyama baissa la tête, ne pouvant contredire ce qu’avait dit Kinoshita.

-Qu’est-ce qu’on va bien pouvoir faire, en attendant ? demanda Yuna. Pour des voyages en train, je sais quoi faire mais en avion…

-Avec les films et les jeux sur les écrans dans les sièges, tu devrais avoir de quoi faire.

-Oh ! On peut regarder des films dans l’avion ?

-Sur ceux qui font de longs trajets, oui. C’est vraiment la première fois que tu prends l’avion ?

-La première fois que je quitte le Japon, surtout ! Pour aller en France et à Paris, en plus ! J’ai hâte de me promener sur les Champs Élysées, main dans la main avec Shûhei !

Kinoshita lui sourit mais un sourire forcé, avant de me regarder et de me demander :

-Tu ne lui as pas dit, pour les rues de Paris ?

-Elle ne me croirait pas, si je lui disais, ai-je dit. Mieux vaut qu’elle le voie de ses yeux.

-C’est cruel, Nishiyama…

-Qu’est-ce qui est le plus cruel ? Que ce soit moi qui brise ses illusions ou qu’elle les brise elle-même ?

Kinoshita a alors poussé un long soupir de lassitude et n’insista pas.

-De quoi vous parlez ? demandèrent en chœur Aoyama et Yuna.

J’ai regardé Kinoshita et ai froncé les sourcils : elle non plus n’avait rien dit à Aoyama au sujet des rues de Paris et elle osait me faire la leçon ! D’ailleurs, elle voyait bien que je la jugeais puisqu’elle avait détourné son regard du mien pour ne pas qu’ils se croisent…

Finalement, après une bonne attente, le commandant de bord, via les haut-parleurs, nous informa que nous étions sur le point de décoller et nous intima à rejoindre nos places et à attacher nos ceintures. L’avion roulait lentement sur la piste de décollage quand Yuna m’a subitement attrapé la main.

-Qu’est-ce qu’il y a ? lui ai-je demandé.

-Shûhei… J’ai un peu peur.

-Quoi ? Mais tu étais encore toute excitée, il n’y a même pas cinq minutes.

-Oui mais là, j’ai peur… Et la peur, c’est pas toujours logique !

(…Que voulez-vous répondre à cette vérité ?)

J’ai tenté de la rassurer un peu en lui caressant la main et Kinoshita était venue en renfort en lui tenant l’autre, tout en lui expliquant qu’elle n’avait rien à craindre. Ça ne s’est pas vraiment arrangé quand l’avion a accéléré et tremblé quand il a commencé à s’envoler. Elle a même poussé de petits cris bizarres, sans doute pour tenter de se rassurer par elle-même. C’était… à la fois gênant et mignon à entendre. Finalement, une fois que nous étions en plein ciel, Yuna s’est finalement calmé. Mais elle n’a pas lâché nos mains pour autant. Du moins, pas tout de suite…

10 heures et 48 minutes avant d’atterrir à Paris – Aéroport Charles de Gaulle.

Les hôtesses de l’air venaient de récupérer les plateaux repas et j’avais une envie pressante. En allant aux toilettes, l’avion passa par une petite zone de turbulence qui le secoua légèrement et la surprise faillit me faire perdre l’équilibre.

(J’avais oublié ça…)

Heureusement, il n’y a pas eu de problèmes pendant ma petite affaire.

Quand je suis ressorti, je suis tombé nez-à-nez avec Yuna, qui me souriait.

-Tu as besoin d’utiliser les toilettes ? ai-je demandé.

-Non.

(Mais pourquoi elle… Non !)

-Yuna, non !

-Quoi ?

-On ne fera pas l'amour dans les toilettes de l’avion !

-Quoi ?! Gros pervers ! Je voulais juste un câlin et un bisou !

-Oh…

-Obsédé, va…

Sans transition, elle me prit dans ses bras et me donna un chaleureux câlin.

-Tu n’as plus peur, on dirait.

-Oui. Grâce à mon Shûhei et à Kinoshita. Maintenant, je suis parée pour apprécier ce vol jusqu’au bout !

Une petite turbulence secoua légèrement l’appareil et ce fut suffisant pour qu’elle se serre contre moi, de peur. « Parée » était peut-être prématuré.

-On retourne à nos places ?

Je me suis contenté de son hochement de tête comme réponse et nous sommes retournés à nos places ensemble.

10 heures avant d’atterrir à Paris – Aéroport Charles de Gaulle.

Nous avons échangé nos places. Yuna était plus sereine mais aussi fatiguée et je voulais qu’elle puisse dormir tranquillement. Elle a donc pris ma place côté couloir et j’ai pris la sienne. Aoyama regardait un film de son côté, tandis que moi et Kinoshita regardions le même du nôtre. Elle avait sa tête posée délicatement sur mon épaule et non pas que c’était déplaisant, mais je craignais un peu la réaction de Yuna si elle nous voyait ainsi. J’ai jeté un œil discret dans sa direction et elle dormait déjà profondément. Kinoshita est donc resté ainsi sur mon épaule tout le long du film. Par moment, je la sentais me toucher maladroitement (ou timidement) la main. Et j’espérais que c’était juste mon imagination. Pourtant, je ne savais pas pourquoi, je n’ai pas fait grand-chose pour lui faire comprendre qu’elle devait arrêter…

Soudain, un frisson désagréable m’a parcouru l’échine et j’ai senti une aura meurtrière planer au-dessus de moi. J’ai alors croisé le regard d’Aoyama, qui avait l’envie non dissimulée de m’étrangler. Et j’en devinais sans peine la raison.

Peu avant la fin du film, Kinoshita finit par s’endormir et avec douceur, je la fis se redresser sur son siège.

-Je vois que tu profites…, me lança-t-elle avec un ton glacial.

-Je n’ai rien fait !

-Ben voyons…

-Tu préférerais que je la laisse dormir contre moi ?

Aoyama m’a lancé un drôle de regard et n’a pas répondu, préférant même faire mine de vouloir dormir. Pour ma part, je commençais aussi à piquer du nez mais de l’autre côté, dormir dans un siège d’avion ne m’enchantais pas du tout. La dernière fois, je me souviens m’être réveillé complètement courbaturé et pas vraiment reposé. D’un autre côté, d’après ma montre, on en avait encore pour au moins une dizaine d’heures de vol et je me voyais mal faire une nuit blanche devant des films. Tant pis pour les courbatures, j’ai décidé de dormir aussi…

8 heures et 52 minutes avant d’atterrir à Paris – Aéroport Charles de Gaulle.

Je me suis réveillé en sursaut. J’ai rêvé de cette étrangère, Amy Jones, de ce futur rendez-vous que j’allais avoir avec elle (à cause de Yuna) à la fin de l’été, de ce qu’on faisait ensemble… Et ce qu’on faisait ensemble, c’était…

Je me suis frotté les yeux assez forts, pour bien me réveiller. Yuna dormait encore ainsi que Kinoshita. Aoyama n’était plus dans son siège. Je supposais qu’elle était partie aux toilettes.

(D’ailleurs, j’ai besoin d’y retourner aussi…)

En prenant garde de ne pas réveiller Yuna, je me suis dirigé vers les toilettes Un nouveau passage dans une zone de turbulence a fait trembler l’appareil. J’ai un titubé devant la porte des toilettes, qui s’est ouverte au même moment, et j’ai manqué de tomber sur la personne qui en sortait, qui n’était autre qu’Aoyama. En me voyant, elle a sursauté en poussant un petit cri aigue, avant de me donner un coup sur la poitrine.

-Idiot ! Me fais pas peur comme ça !

-C’est pas ma faute ! C’est…

De nouvelles turbulences ont secoués l’avion et j’ai encore titubé ! Aoyama, par réflexe à mon avis, m’a attrapé par le col de mon t-shirt pour m’empêcher de tomber tête la première contre la paroi.

-Merci.

-Je t’en prie…

Alors que je m’étais redressé, j’ai remarqué qu’elle tenait toujours fermement mon col.

-Aoyama…

-Quoi ?

-Ta main…

Lorsqu’elle vit qu’elle me tenait toujours, elle a immédiatement enlevé sa main en rougissant un peu puis a déclaré partir devant et était retourné à son siège. De mon côté, j’ai enfin pu aller me soulager aux toilettes. Et fort heureusement pour moi, j’avais anticipé de nouvelles turbulences.

(Un peu plus et j’en foutais partout…)

J’ai ensuite regagné ma place. Une fois ma ceinture rattachée, Yuna s’est mise à gigoter sur son siège et a posé sa tête sur mon épaule, sans se réveiller. J’ai doucement caressé sa joue et discrètement, j’ai embrassé son front. J’ai jeté un œil rapide à Aoyama, qui s’était déjà rendormi, puis j’ai tenté de faire de même…

2 heures et 30 minutes avant d’atterrir à Paris – Aéroport Charles de Gaulle.

Nous nous sommes réveillés à peu près en même temps. Les hôtesses de l’air nous ont servis une petite collation qui devait sans doute faire office de petit-déjeuner.

Comme je m’en doutais, je me suis réveillé avec des courbatures et seulement reposé qu’à moitié.

-Ne t’en fais pas, Shûhei. Tu pourras bientôt dormir dans un lit dans quelques heures. Avec moi, me murmura Yuna.

(…Je ne dois surtout pas sous-estimer la force érotique de ma copine…)

L’avion avait commencé sa descente et l’excitation de Yuna était revenue au galop. La voir toute souriante à l’idée de poser le pied sur le sol d’un pays étranger avait un côté amusant.

Quand l’avion s’est posé sur la piste d’atterrissage, celui a un peu tremblé, ce qui a étonné et effrayé Yuna un court instant. Une hôtesse a alors annoncé que nous avions bien atterri à Paris, à l’aéroport Charles de Gaulle, ainsi que l’heure local et la température extérieure. Quand l’avion s’est finalement arrêté et que les premiers passagers commençaient à récupérer leurs bagages à main avant de sortir, j’ai dit à Yuna de bien vérifier qu’elle n’avait rien oublié.

L’excitation de Yuna était redevenue intenable alors que nous allions juste rejoindre les deux autres, pour récupérer nos valises ensemble. Je ne m’avançais pas trop en pensant qu’elle était pressée de visiter enfin l’une, si ce n’était LA ville la plus fantasmée du monde. Mais avant cela, il nous fallait le plus important : l’argent. Donc, une fois nos bagages récupérés, nous sommes allés à un bureau de change pour troquer nos yens contre des euros. Ça m’embêtait de transporter autant de liquidités comme ça, surtout en repensant à ce que n’avait pas arrêté de me dire Kinoshita avant le départ : « La France, ce n’est pas aussi sécurisé que le Japon ! Fais attention à tes affaires quand tu te balades, surtout dans les transports en commun ! Surtout le métro ! ».

Il était enfin temps de quitter l’aéroport et de rejoindre enfin notre logement. À peine avions-nous quitté l’intérieur et son magnifique air conditionné que nous avons été assaillit par la chaleur estivale française. Et je pouvais dire qu’elle rivalisait facilement avec celle du Japon ! Je ne pensais pas qu’il faisait si chaud dans ce pays, en été ! En consultant son téléphone pour avoir un point sur la météo, Kinoshita nous expliqua qu’ils annonçaient une possible vague de canicule dans les jours à venir. Merveilleux pour quelqu’un comme moi qui n’aimait pas la chaleur…

Nous nous sommes donc séparés ici, chaque couple prenant un taxi différent. Kinoshita nous demanda si on arriverait à nous débrouiller et je lui ai assuré que oui. Elle nous a quand même dit de la contacter si nous avions besoin d’aide. Chose qu’on lui été reconnaissante.

Après que le chauffeur du taxi m’ait aidé à charger les valises dans son coffre, j’ai rejoint Yuna sur la banquette arrière. Le chauffeur s’est vite installé derrière son volant et s’est ensuite tourné vers nous :

-So… Where are you going ? nous a-t-il demandé avec un très fort accent.

Dans un français assez approximatif, je lui ai donné l’adresse de notre logement.

-Oh ! Vous parlez français ?

-Juste un peu, ai-je honnêtement répondu. J’ai pas pratiqué depuis longtemps.

-Oh, vous vous en sortez pas trop mal, je trouve. Et votre petite-amie ?

-Non, elle le parle pas.

Notre chauffeur a alors démarré et s’est mis en route. Pendant le trajet, il discutait un peu avec moi, paraissait sympathique. Pendant ce temps, Yuna admirait le paysage urbain parisien. Vraiment, elle m’émerveillait pour un rien comme une enfant. Cela dit, je ne pouvais pas vraiment lui en vouloir… Son premier voyage hors du Japon, après tout. En France, à Paris. Je doutais qu’une Japonaise normale ne soit pas toute excitée, à sa place. Et puis, elle était mignonne à voir. Ses yeux étaient remplis d’étoiles lorsqu’elle a aperçu de loin la Tour Eiffel et m’a demandé si on pourrait y aller. Je lui ai dit qu’aujourd’hui, ce serait difficile (pour moi, parce que je ne m’en sentais pas la force après ma nuit) mais je lui ai promis qu’on ferait ça demain.

Le taxi s’est garé devant l’immeuble où se trouvait l’appartement que nous avions réservé, dans le quatorzième arrondissement de la ville. J’ai aussi constaté un point commun entre les taxis d’ici et ceux du Japon : c’était pas donné !

Une fois les clefs récupérées, nous sommes montés jusqu’à l’appartement. J’ai été soulagé de constater, une fois la porte franchie, que l’intérieur ressemblaient aux photos sur le site. Yuna en a vite fait le tour, avant d’aller admirer la vue par une fenêtre du salon.

-Ah ! C’est un super endroit ! Hein, Shûhei ? On a fait un bon choix, avec cette location !

-Oui, ai-je répondu après avoir déposé nos valises dans la chambre que nous allions partager.

-Alors, mon Shûhei ! Que fait-on pour notre premier jour ?

À la vue de l’heure, je lui ai proposé qu’on aille manger dans un restaurant pour ce midi et qu’on aille ensuite se balader l’après-midi. Programme qu’elle valida d’un pouce en l’air. Toutefois, elle tenait à se laver avant de sortir où que ce soit et à vrai dire, moi aussi.

Pendant qu’elle était sous la douche, j’ai regardé sur le Net via mon ordinateur portable, dans le salon, où nous pourrions manger. Ce n’était pas le choix qui manquait et j’hésitais vraiment. J’ai alors eu l’idée de demander conseil à Kinoshita et lui ai envoyé un message. Elle ne tarda pas à me répondre, en me conseillant un restaurant du nom de Chez Momo, dans le neuvième arrondissement. Quand j’ai voulu en savoir plus sur ce resto, j’ai constaté que les prix étaient quand même un peu élevés mais la grande majorité des avis s’accordaient à dire qu’on en avait pour son argent.

(C’est réglé, alors !)

-Shûhei ! J’ai fini ! La salle de bain est libre !

-Ok. Mer…

Mon cerveau a buggé un court instant en la voyant dans le salon, complètement nue, en train de s’essuyer les cheveux avec sa serviette.

-Quoi ? m’a-t-elle demandé.

-Non, rien… Juste que je pensais que tu aurais enfilé quelque chose…

Elle s’est mise à rougir puis m’a sorti :

-On est pas au Japon… Je voulais essayer quelques trucs… Surtout avec toi…

-Ah… D’accord.

Elle a ensuite filé dans la chambre pour s’habiller, tandis que j’allais prendre une douche revigorante. J’aurais préféré prendre un bain mais le temps manquait…

(Heureusement qu’on a pu trouver un appartement avec baignoire.)

Une fois lavé et habillé, nous avons quitté l’appartement pour enfin commencer notre exploration de Paris. Et particulièrement de son métro. La vraie aventure commença après que j’ai acheté des tickets et que nous marchions pour rejoindre le quai. Les souvenirs sont remontés, pour ma part, et Yuna vécut sa première désillusion quand l’odeur d’urine lui envahit le nez. Et ne parlons pas de son air surpris quand elle vit les déchets qui traînaient par endroit. Fort heureusement, il n’y eut pas d’incidents particuliers dans le wagon du métro. La première fois que je suis venue à Paris, je me souvenais qu’une fille de mon âge avait tenté de me voler mon portefeuille dans un wagon bondé et que ma mère l’avait surprise juste à temps, avant qu’elle ne prenne la fuite à la station suivante.

-Shûhei… C’était normal, l’odeur, dedans ? me demanda Yuna lorsque nous sommes ressortit dans la rue.

-Pas tout le temps, d’après mes souvenirs. Mais ça arrive.

-Et les déchets ?

-Aussi ?

-Et personne ne nettoie ?!

-Je suppose que si mais bon, vu que ça revient souvent, selon Kinoshita.

-Et ça gêne personne ?

-La plupart, je suppose. Mais d’après Kinoshita, il y en a aussi qui s’en fiche et abusent.

L’air choqué de Yuna était compréhensible mais aussi un peu amusant à voir. Je lui alors promis qu’elle oublierait tout ça devant un bon repas.

C’était la première fois qu’elle et moi mangions du couscous et dire que nous nous sommes régalés était facilement à deux galaxies de la vérité. La semoule était à tomber par terre, la viande d’agneau était forte mais fondante en bouche et la sauce était riche mais succulente. Voir Yuna manger avec autant d’appétit m’amusait aussi, elle qui se souciait beaucoup de sa ligne mais à cet instant, sa ligne, elle en avait rien à faire ! Elle s’est même permise de prendre un dessert, là où moi, je devais déclarer forfait. Au Japon, aussitôt après avoir fini de manger, nous serions partis de suite mais là, nous avions un peu de mal à bouger après un si bon et copieux repas. Et puis, nous profitions aussi de l’ambiance particulière du lieu.

Après avoir réglé l’addition, nous sommes partis nous balader un peu en ville. Nous sommes allés voir la basilique du Sacré-Cœur à Montmartre, que Yuna s’est empressé d’immortaliser en la mitraillant de photos avec son téléphone, dont certaines finir sur ses réseaux sociaux.

Durant notre errance dans la ville, nous avons atterris dans le treizième arrondissement où nous avons pu un peu admirer la Seine. Mais la plus belle découverte de la journée (enfin, du point de vue de Yuna), ce fut ce manga café. Sans m’attendre, elle se précipita à l’intérieur et s’émerveilla de leur collection de mangas traduit en français. Bien sûr, elle ne comprenait rien de ce qui était écrit dans certains mais pour d’autres qu’elle connaissait, comme Kuroko no Basket, elle arrivait, de mémoire, à replacer certaines répliques.

(Si seulement tu pouvais utiliser ta mémoire pour tes études…)

Après quelques achats, nous sommes ressortis. Yuna était toute contente d’avoir mis la main sur des exemplaires des œuvres qu’elle aimait tant dans une langue différente de la sienne. En revanche, son air surpris après m’avoir demandé combien lui avait coûté son achat avec la conversion en yens était hilarant. Elle ne s’attendait pas à ce qu’un manga coûte si cher, par rapport au prix japonais.

Nous nous sommes posés dans un café pour boire et grignoter un petit quelque chose. Yuna a voulu faire un selfie avec moi, pour le poster sur ses réseaux. J’ai au début refusé mais face à son insistance (énervante), j’ai fini par céder. Par contre, je ne lui ai accordé qu’une photo, pas plus. Je n’aimais pas m’afficher sur les réseaux sociaux et je voulais que ça continue. J’ai quand même louché sur son téléphone pour voir sa publication : elle était restée soft en écrivant au-dessus de la photo « Moi et mon amoureux, ensemble, à Paris ».

J’avoue avoir un peu rougi.

La nuit commençait à tomber et bien qu’il fût tôt, nous avions décidé qu’il était temps de rentrer. Et puis, mine de rien, le vol nous avait un peu épuisé.

Comme il n’y avait rien à manger dans l’appartement, nous avons cherché quelque chose à emporter pour manger là-bas. Je me suis souvenu que Kinoshita m’avait conseillé d’essayer le kébab, quand on serait en France. Yuna approuva ma proposition et par chance, il y avait un restaurant pas très loin de là où on logeait. Et il faisait de la vente à emporter ! Par contre, nous étions perplexes quand nous avons vu le sandwich accompagné de frites avec les sauces dans une barquette… Chacun d’entre nous n’était pas sûr de pouvoir finir tout ça, après le déjeuner copieux de ce midi.

De retour à l’appartement, nous avons mangé tout en regardant un film sur Netflix (j’avais réussi à brancher mon ordinateur au téléviseur avec mon propre câble HDMI que j’avais ramené, sur conseil de Kinoshita. Décidément, cette fille pensait à tout !). Après cela, Yuna et moi avons pris une douche. Ensemble.

Juste une douche.

Vraiment.

Nous nous sommes changés pour une tenue plus décontractée : débardeur et short court pour elle. T-shirt et short pour moi. Le lit était confortable et les oreillers, moelleux. Avant de dormir, nous étions plongés dans nos lectures respectives : moi, un roman que j’avais entamé avant qu’on ne parte et elle, les mangas qu’elle avait achetés un peu plutôt. Même si elle ne comprenait rien au français. J’avais même dû faire le traducteur, par moment…

Elle s’est endormie la première, tout en me serrant dans ses bras. J’étais encore dans ma lecture, lorsque j’ai reçu un message de Kinoshita, qui me demandait comment s’était passé notre journée. Je lui ai dit que tout s’était bien passé et que Yuna s’amusait beaucoup. Elle m’a répondu que c’était une bonne chose puis elle m’a envoyé un lien menant à une vidéo YouTube, avant de me souhaiter une bonne nuit. Curieux, j’ai suivi le lien et suis tombé sur un clip, dont le titre m’a fait sourire tellement il correspondait bien à ce nous vivions en ce moment.

Je l’ai regardé puis, sentant la fatigue me rattraper, j’ai posé mon livre et mon téléphone avant d’éteindre la lumière… et de blottir celle que j’aimais contre moi, pour conclure notre premier jour à Paris.

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