Chapitre 6 : Changements

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Serizawa Katayuki. Originaire de Yokohama. A été transféré au lycée Hoshi pour sa seconde année mais n’a pas pu être présent en avril, suite à des problèmes familiaux.

Du moins, c’était la version qu’on nous avait servi.

Serizawa, de par son look, donnait l’impression d’être un voyou qui faisait ce que bon lui semblait. Et c’était à moitié vrai. Il ne séchait pas les cours mais ne se pliait pas complètement au code vestimentaire de l’établissement. Il savait se montrer poli mais n’hésitez pas à être grossier et à faire savoir à son interlocuteur quand il le gavait. Par exemple, quand Masauchi lui a exposé la situation des garçons dans le lycée, il a coupé court à la conversation en disant qu’on n’avait pas à s’en faire pour lui, comme s’il n’était pas concerné. Autant dire que Masauchi, même s’il ne l’a pas montré sur l’instant, n’avait pas apprécié son attitude.

Comme pour moi, on demanda à Kinoshita d’aider Serizawa à s’intégrer à la classe. Évidemment, elle prit son rôle au sérieux et comme avec moi, elle se montrait serviable et tout ce qui allait avec. À une différence près : Serizawa flirtait ouvertement avec elle, même devant tout le monde. Ce qui était surprenant, c’était qu'elle, ça l’amusait. Mais elle l’éconduisait clairement à chaque tentative. Il n’insistait jamais vraiment sur l’instant mais semblait s’amuser à repasser à l'assaut plusieurs fois par jour. Et ça ne plaisait pas du tout aux groupies de Kinoshita, surtout à Aoyama.

Serizawa et Masauchi avaient un point en commun : ils étaient tous les deux des coureurs de jupons. La différence ? Serizawa était plus beau garçon (Source : les filles) et avait plus de charisme (Source : moi et Ueda). Dès que Serizawa croisait une fille qui lui plaisait, il flirtait un peu avec elle, avant de lui proposer un rendez-vous après les cours. Tout en spécifiant que ce n’était pas une sortie en amoureux. Au moins, il était honnête sur ce point… Jusqu’ici, on pourrait penser que, dans une certaine mesure, ça allait. Et ça aurait pu… s’il ne faisait pas ce genre de propositions à plusieurs filles en même temps ! Et le pire, c’était qu’il arrivait à souvent à ses fins ! Surtout que réussir cela à Hoshi, ça relevait presque du miracle !

-Que veux-tu ? Certaines filles se fichent pas mal qu’un mec ait une bonne personnalité ou non, du moment qu’il est beau, m’avait dit Ueda comme si c’était une vérité absolue. Ou riche.

Il y a un an, j’aurai pensé comme lui mais maintenant, je… Non, en fait. J’étais assez d’accord.

Un jour, après les cours et que le prof ait quitté la classe, il tenta une énième tentative avec Kinoshita. D’ailleurs, il me semblait que c’était la seule avec qui il insistait autant…

Bref. Aoyama, trouvant son attitude exaspérante, tenta de lui mettre un coup de pression, comme avec moi à la rentrée.

-Fiche-lui la paix ! Elle t’a dit qu’elle n’était pas intéressée ! Alors dégage !

-Hein ?

Une autre particularité de Serizawa : quand on l’énervait, il devenait assez… effrayant. Le genre de type que tu n’avais pas envie de croiser dans une rue, sans témoins… Tout le monde se rappelait de ce type qui l’avait bousculé dans le couloir et de comment il avait faillit lui casser la gueule, si moi et Masauchi ne l’avions pas retenu, cette fois-là.

-Hé, Aoyama…, dit-il en s’avançant vers elle avec un visage terrifiant. Depuis que je suis dans cette classe, je t’ai sur le dos. T’es soûlante…

-Ah ? Rien à foutre, je…

Tout s’est passé très vite. En ce qui parut une fraction de seconde, il saisit Aoyama par le coup et la plaqua sur un pupitre. Les autres filles poussèrent un cri à l’unisson, tandis qu’il était au-dessus d’Aoyama, en train de l’étrangler d’une main. Elle se débattait et tapait sur son bras mais lui ne voulait pas lâcher prise.

-SERIZAWA ! s’écria Kinoshita. Lâche-là tout de suite !

Mais il n’écoutait pas. Tout ce qui l’intéressait à cet instant, c’était la souffrance qu’il infligeait à Aoyama.

(Moi non plus, je ne l’aime pas. Mais quand même… )

Je me suis dirigé vers eux et je lui ai attrapé le poignet de la main qui étranglait Aoyama. Il a alors tourné sa tête dans ma direction et m’a lancé le regard le plus menaçant que j’ai pu voir de toute ma vie. Non, le second, plutôt.

-Lâche-là, Serizawa. Aoyama est du genre chiante, mais pas au point de mériter ça…

-Et si je refuse, tu vas faire quoi ?

Il refusait vraiment de lâcher prise et en plus de ça, il essayait de m’intimider. Aoyama, de son côté, commençait à pleurer de douleur. J’ai resserré ma poigne pour l’obliger à lâcher prise et lui lançais également un regard menaçant. Un regard que je pensais ne plus ressortir depuis l’incident de l’an dernier. Nous nous sommes fixés ainsi un moment, comme deux fauves sur le point de se jeter l’un sur l’autre. J’ai resserré de plus en plus, au point où je pensais que j’allais le lui péter, ce poignet.

-SERIZAWA ! NISHIYAMA !

Nous avons sursauté en même temps, surpris par cette voix aussi bien sonore que familière. Je ne savais pas que Kinoshita était capable de donner autant de la voix. Et puis, elle était un peu effrayante, quand elle se mettait en colère.

Serizawa lâcha finalement Aoyama et je l’ai lâché à mon tour. Il a ensuite pris ses affaires et est parti sans demander son reste. Personne n’a essayé l’arrêté. Et de toute façon, qui le pouvait ?

Les amies d’Aoyama accoururent pour savoir comment elle allait et Kinoshita lui conseilla d’aller à l’infirmerie. Elle se proposa même de l’y accompagner. Aoyama était, au début, réticente mais se laissa finalement convaincre. À la surprise générale, Kinoshita demanda aux autres membres de la classe de garder l’incident sous silence, sans attendre de réponse. Étrangement, je ne voyais personne lui désobéir…

L’incident clos, tout le monde alla alors à son club.

Petit aparté.

J’ai finalement intégré le club de littérature du lycée. Au grand dam de certaines des membres mais pour le plaisir de la présidente, qui semblait ravie d’avoir rattrapé sa bourde lors de ma première venue. Bon, j’étais encore le seul garçon du club mais elle espérait qu’avec ma présence, d’autres viendraient s’inscrire.

(J’ai des doutes, Présidente…)

L’ambiance n’était pas encore au top mais bon. Avec le temps, qui sait…

Fin de l’aparté.

En fin de journée, alors que j’étais sur le point de franchir le portail, quelqu’un m’interpella.

-Nishiyama !

En me retournant, je vis Aoyama qui me rattrapait. Elle avait de légères marques autour du cou, qu’elle cachait maladroitement avec le col de sa chemise. Mais quelque chose était différent. Elle ne fronçait pas les sourcils, comme à chaque fois qu’elle me voyait. Son expression était plus… neutre.

-Quoi ? ai-je lancé, en ne cachant pas mon irritation.

Elle fit la grimace un court instant.

-Ça va. Pas la peine d’être désagréable.

-Parce que tu étais de bonne compagnie avec moi, avant ?

-…Oui, vu comme ça, je comprends. Désolée.

(Wow… Aoyama qui s’excuse pour son attitude envers moi ? Un astéroïde va percuter la Terre ou quelque chose ?)

-Et aussi… je… je voulais te remercier, continua-t-elle, gênée. Pour tout à l’heure.

-Ah, ça…

-Ça n’a pas l’air de te toucher plus que ça…

-Tu les accepterais facilement, toi, les excuses d’une fille qui s’est comporté avec toi comme une connasse depuis le début de l’année ?

Elle était sur le point de répliquer mais se ravisa, prenant conscience de mes paroles. Elle baissa un peu la tête :

-Ouais… Désolée… Mais… Te voir être si proche Saya aussi vite…

-Vois ça avec Kinoshita. C’est elle qui force pour se lier d’amitié avec moi.

-Ça n’a pas l’air de te déranger plus que ça…

-Comparé à ce qu’à fait Yuna avec moi, l’an dernier…

-Comment ça ?

-Pourquoi je te le raconterais ?

-Je suis curieuse, maintenant. Non, en fait, je suis curieuse depuis que j’ai rencontré ta copine… Je comprends pas ce qu’elle te trouve… Physiquement, du moins.

-Paraît que je me débrouille, au lit…

J’ai mis quelques secondes avant de me rendre compte de ce que je venais de dire et j’ai regretté de suite mes paroles. Aoyama, quant à elle, était rouge. D’embarrassement ou de colère, c’était dur à dire.

-Oublie ce que je viens de dire ! ai-je aussitôt dit.

-Nishiyama… T’es un pervers !

-Je ne te permets de me traiter de « pervers » !

Elle et moi nous sommes regardés en chiens de faïence un instant, puis elle m’a dépassé et alors que je pensais qu’elle était sur le point de partir pour rentrer chez elle, elle s’arrêta net puis se retourna vers moi :

-Je te paye un truc à boire. J’aime pas être redevable envers quelqu’un…

-Seulement à boire ? Radine.

-La ferme et viens avec moi !

Son ton autoritaire, sur l’instant, m’a rappelé Yuna. Et bien sûr, comme un idiot, je l’ai suivi…

Elle m’a finalement traîné dans un karaoké et a payé pour deux heures, sans compter les boissons et les petits trucs à grignoter.

(Je ne peux plus la traiter de radine, là…)

Avant de commencer à chanter, elle envoya un message à Kinoshita pour lui proposer de venir nous rejoindre. Cette dernière lui répondit qu’elle avait des choses à faire avant au lycée et qu’elle viendrait plus tard. De mon côté, Yuna m’avait envoyé un message pour me demander comment s’était passé ma journée. Je lui ai tout raconté, y compris que Aoyama m’avait invité pour un karaoké pour me remercier de l’avoir aidé contre Serizawa.

Gare à toi si tu me trompes ! (lol)

Qu’elle disait. J’ai roulé des yeux.

Pas drôle…

Que j’ai dit.

-À qui parles-tu, sur ton téléphone ?

-À Yuna.

-Oh… Tu lui dis que tu es avec une autre fille ?

-Tu aimerais, toi, que ton copain sorte avec une autre fille sans te le dire, même s’ils sont justes amis ?

-… Pas faux.

Elle choisit enfin une première chanson et se mit à chanter. Elle ne se débrouillait pas trop mal et se laissait emporter par la musique, au point de se déhancher un peu. Pas que ça me déplaisait, en réalité…

Je me suis donné une baffe mentale pour avoir eu ce genre de pensée alors que j’avais Yuna !

-Pervers !

J’ai sursauté brutalement, pensant que Yuna avait accourut ici en pressentant que quelque chose allait se produire. Mais non, ce n’était qu’Aoyama… Qui se comportait un peu comme Yuna, quand cette dernière était en colère.

-Tu crois que je t’ai pas vu, me mater pendant que je chantai ? m’a-t-il avec un froideur glacial.

-Pas ma faute si tu remues du cul en chantant et dansant…

Elle me regarda comme si je l’avais surprise en train de se changer ou quelque chose comme ça, avant de me filer le micro de force et de m’ordonner de chanter quelque chose pour m’excuser. J’ai obéi sans trop rechigné. Je n’étais pas spécialement bon chanteur et mon répertoire de chansons que je maîtrisais n’était pas très gros, ce qui donnait des munitions à Aoyama pour se moquer un peu de moi. Un peu.

Nous avons enchaîné les chansons pendant une bonne heure, lorsque Kinoshita nous a rejoint. Bien entendu, Aoyama ne s’est pas gênée pour lui faire un compte rendu de tout ce que nous avions fait jusqu’ici, ce qui ne manqua pas d’amuser notre chère déléguée. Kinoshita eut à peine le temps de poser son sac que son amie lui fila le micro pour qu’elle chante. Elle ne se fit pas prier et se lança. Sa voix était cristalline et elle dégageait une sorte de prestance en chantant. L’inverse d’Aoyama, en somme.

Nous allions finir par atteindre les deux heures pour lesquelles Aoyama allait payer, mais elle appela la réception avec le téléphone présent dans la pièce et demanda qu’on nous rajoute une heure.

(Elle a encore la force de chanter ?)

Aoyama se remit à chanter et danser, tandis que Kinoshita s’asseyait près de moi et buvait son jus de fruit, tout en regardant son amie s’amuser.

-Au fait, Nishiyama. Merci pour l’avoir aidé, plutôt.

-Mouais… Serizawa est allé trop loin mais bon, Aoyama l’avait un peu cherché aussi.

-Saeko a son caractère mais je ne crois pas que quiconque mérite de se faire étrangler comme ça.

-Sans doute…

-En tout cas, je constate que vous avez fait la paix.

-Tu trouves ? Pas sûr.

-Je ne pense pas qu’elle t’aurait invité au karaoké, sinon.

-Hm.

Pendant ce temps, Aoyama était dans son petit monde et je la regardais se déhancher.

(J’ai l’impression qu’elle a oublié que nous étions là…)

J’arrêtai de la mater (par respect pour Yuna et un peu pour Aoyama), surtout que Kinoshita était à côté de moi. Juste à temps, d’ailleurs. Elle venait de terminer.

Nous avons profité de cette dernière heure puis nous sommes partis.

-J’espère que tu t’es amusé car ça n’arrivera plus ! déclara Aoyama, une fois dehors.

-Oui, oui… Si tu veux.

-Et si tu en parles à qui que ce soit, je viens t’arracher les yeux !

-Vu comment je t’ai maîtrisé la dernière fois, j’ai des doutes…

Sur le chemin de la gare, Aoyama et moi nous sommes charriés tout du long, jusqu’à ce que nous rentrions dans le train. La séparation, lorsqu’elle descendit à son arrêt, fut étonnement normal, comme lorsque deux camarades de classes normaux se séparaient, en attendant de se revoir le lendemain en cours.

Kinoshita et moi sommes rentrés ensemble. Sur le chemin, j’ai informé Yuna que la séance karaoké s’est déroulé sans accros et j’ai signalé le comportement plus sympathique d’Aoyama à mon égard et qui me faisait froid dans le dos. En guise de réponse, elle m’a envoyé un sticker représentant une mascotte qui m’était inconnu en train de rire.

-Tu discutes avec Nanahara ?

-Oui.

-Oh.

-Quoi ?

-Rien. Je me dis juste que tu as de la chance d’avoir quelqu’un comme elle…

-Ouais…

(C’est moi ou elle était un peu triste en me disant cela ?)

Avant de rentrer dans notre immeuble, mon téléphone s’est mis à sonner et j’ai vu le numéro de Yuna s’afficher.

(Pourquoi elle m’appelle ?)

J’ai décroché.

-Allô ?

-Shûhei chérie ! Comment tu vas ?

-Je viens de t’écrire. Tu sais comment je vais. Pourquoi tu m’appelles ?

-Je voulais entendre la voix de mon copain ! J’ai le droit, non !

(C’était donc ça…)

-Oui, c’est vrai. Mais je peux te rappeler dans cinq minutes ? Je suis pas encore chez moi.

-Tu es encore dehors ?

-On vient d’arriver à notre immeuble, Kinoshita et moi.

-Je vois…

-Tu vas pas me faire une crise de jalousie, j’espère…

-Maaaais ! Elle passe plus de temps avec toi que moi… C’est pas juste…

(Elle… n’a pas tort.)

Kinoshita, qui entendait une partie de la conversation malgré elle, ricana dans son coin alors l’ascenseur montait.

-Yuna. Tu es libre, ce week-end ?

-Hein ? Heu… Oui. Pourquoi ?

-Je pensais qu’on pourrait se voir.

-Bien sûr ! Un rendez-vous avec mon Shûhei, c’est toujours…

-Non. Je pensais que tu pourrais venir passer le week-end chez moi.

Il y eut un silence de la part de Yuna, qui ne fut briser que par la sonnerie de l’ascenseur pour annoncer que nous étions arrivés à mon étage.

-VRAIMENT !?

Elle avait crié si fort que j’ai eu l’impression que mon tympan explosait, ce qui fit rire Kinoshita pendant qu’elle maintenait les portes ouvertes pour moi.

-Je te le proposerais pas si j’étais pas sérieux. Et ne crie pas comme ça !

-Mais… tu es sûr ? Je veux dire, je vais pas déranger ou…

-Ma mère me tanne pour savoir quand est-ce que tu viendras nous rendre visite, donc elle sera d’accord. Et puis, Kurô sera sans doute content de te voir.

-Hiii ! Mon petit Kurô ! Moi aussi, je serais contente de le revoir ! C’est d’accord ! Ce week-end… Maintenant que j’y pense, ce sera le premier qu’on passe ensemble.

-C’est vrai. On ne se voyait qu’en cours, l’an dernier, ou qu’en rendez-vous… Ah, merde ! Les portes ! Pardon, Kinoshita ! Yuna, je te rappelle après !

-Ok !

J’ai raccroché puis j’ai remercié Kinoshita d’avoir maintenue les portes ouvertes pour moi et nous nous sommes dit au revoir. Une fois à la maison, j’ai donné vite fait à manger à Kurô avant de moi-même grignoter un peu, pour enfin rappeler Yuna. Nous avons discuté un bon moment, ce soir-là, en pensant au week-end à venir…

Des choses changèrent.

En revenant en cours le lendemain, en me voyant, Aoyama m’a dit « Bonjour » sur un ton presque amical. Ce qui choqua presque toute la classe, moi y compris. Mettez-vous à leur place et à la mienne : jusqu’ici, on s’entendait comme chien et chat et là, d’un coup, elle me disait bonjour comme si on était potes… Non, plutôt des connaissances. Mais c’était déjà beaucoup ! Passé le choc, ils ont dû se dire que mon intervention d’hier avait peut-être joué un rôle dans son attitude d’aujourd’hui.

Serizawa est arrivé juste après. Personne n’osait le regarder ni lui adresser la parole. Sauf, je vous le donne dans le mille, Kinoshita. Elle le réprimanda sur ce qu’il avait fait hier et le prévint qu’elle n’avait rien dit aux professeurs pour cette fois, mais qu’il n’aurait pas d’autres chances. L’intéressé s’est contenté de répondre « oui » de manière peu convaincante. Il a été également forcé à présenter ses excuses à Aoyama, même si on se doutait bien que ce n’était pas vraiment sincère. Mais, sans doute pour le bien du groupe, ils en restèrent là.

Mais le sujet Serizawa n’était pas clos. En-dehors de notre classe, en plus de sa réputation de tombeur-dragueur, des élèves rapportaient l’avoir vu traîner le soir après les cours avec des élèves de lycées différents. Du genre louche. Autant des filles que des garçons. Le sujet semblait savoir qu’on murmurait dans son dos mais il s’en fichait. De plus, ce genre de rumeur avait tendance à dégrader l’image de la cible. Ce qui n’était pas entièrement vrai. Certes, beaucoup de monde l’évitait mais le côté rebelle (ou appelez ça comme vous voulez) trouvait preneur chez certaines de ses conquêtes (temporaires) féminines.

-C’est vrai que certaines filles aiment bien les bad boys. Mais lui, ça reste un con que je peux pas encadrer !

C’était durant la pause déjeuner du jeudi.

Je mangeais avec Masauchi et sa bande en classe, ce qui arrivait occasionnellement. De temps en temps, Kinoshita mangeait aussi avec nous et Aoyama s’était incrusté comme ça, comme si de rien n’était. Les garçons étaient méfiants que celle qui s’évertuait à leur pourrir leur vie scolaire partage un repas avec eux. Qui pourrait leur jeter la pierre ? Surtout que la tension était bien palpable entre elle et Masauchi. On sentait qu’elle essayait d’être plus gentille, mais son mauvais caractère envers les garçons n’allait pas disparaître comme ça, par magie…

Non. Il serait plus juste de dire que cette animosité était maintenant exclusivement tournée vers Serizawa. L’un comme l’autre se tuaient du regard à chaque fois qu’ils se croisaient. Et ils se croisaient souvent ! Il n’y eut pas de nouvelles altercations entre eux, mais on sentait qu’à tout instant, ça pouvait exploser. Même si un armistice avait été signé entre Aoyama et les garçons, une vraie Guerre Froide était en cours dans la classe 1-A, l’opposant elle à Serizawa.

(Je vais pas me plaindre de ne plus l’avoir sur le dos, mais est-ce qu’on a vraiment gagné au change ?)

En tout cas, l’ambiance en classe n’était pas au top, en ce moment.

On était jeudi.

Avant le premier cours de la journée, Mme Kôtani a demandé à la classe d’élire un délégué parmi les garçons. La chose se faisait déjà chez les premières années, qui comptaient plus de garçons dans les classes par rapport aux deuxièmes années, et je comprenais que l’établissement veuille normaliser la chose. Mais bon, dans notre classe, qui serait assez débile pour accepter de devenir-

-Professeur ! Je propose Nishiyama comme délégué pour les garçons !

(QUOI !?)

Je me retournais sur mon siège pour voir qui était l’abruti(e) qui avait proposé cette idée à la c-

(MASAUCHI ! L’enflure !)

Des murmures s’élevèrent dans la classe puis Kinoshita prit la parole :

-Professeur, je suis d’accord avec Masauchi. Nishiyama est sérieux, travailleur et il a la confiance de la plupart de ses camarades, alors qu’il n’est là que depuis avril.

-Hé ! Attendez ! Je…

-Bien, c’est bientôt l’heure du premier cours. Nous allons vite voter, dans ce cas, annonça Mme Kôtani. Que ceux et celles qui sont pour que Nishiyama soit délégué, levez la main !

-ATTENDEZ ! J’ai quand même mon mot à…

Rien à faire ! Les votes à mains levées se firent en un éclair. À vue de nez, j’estimais que les deux tiers de la classe étaient pour mon élection à ce poste. J’étais surpris qu’autant de filles me soutienne. Kinoshita, pas trop, mais la grande surprise, autant pour moi que pour certaines, était qu’Aoyama avait aussi voté en ma faveur. Du côté des mecs, je me doutais bien qu’ils avaient tous pris mon parti sauf…

(Hé ! Sérieusement ?)

Quand mon regard s’est tourné vers Serizawa, ce dernier avait également voté pour moi. Mais pour lui, je n’étais pas sûr qu’il me voulait vraiment à ce poste ou s’il voulait qu’on en finisse rapidement avec ça.

Bref. Contre mon avis, j’ai été élu délégué de classe pour les garçons, étant ainsi le binôme de Kinoshita.

(… Attends. Ça veut dire qu’en plus de mes activités de club, j’ai aussi le travail de délégué à faire, maintenant ! Donc encore moins de temps libre ! BOOOOOOOOOOOOORDEL !!!)

Quand j’ai raconté tout ça à Yuna, le soir-même, elle n’a pas pu s’empêcher de rire à gorge déployée, à l’autre bout du fil.

-HAHAHAHAHAHAHA !! Shûhei, délégué ! HAHAHAHAHAHA !

-C’est pas drôle ! Tu ne te rends pas compte de la masse de travail supplémentaire que ça va me faire ! Le soir, en rentrant chez moi, je vais être épuisé !

-HAHAHAHAHAHAHA ! Pardon, Shûhei ! Mais c’est juste que… HAHAHA ! J’arrive pas à t’imaginer en délégué ! HAHAHAHAHAHA !!!

-Ravi d’entendre que ça t’amuse…

-HAHAHA ! Pardon, pardon…

-Tu te rends compte que ça implique que je vais passer encore plus de temps avec Kinoshita, non ?

Silence.

(Ah. J’aurais peut-être pas dû dire…)

-Shûhei ! Démissionne !

-Et qui va assurer ça à ma place ?! D’accord, je me plains mais en y réfléchissant, aucun des autres mecs de ma classe n’a ce qu’il faut pour jouer le rôle… Masauchi n’inspire pas assez confiance aux filles, Ueda se fiche de presque tout et Yagi… Non, Yagi ne supporterait pas la pression. Quant à Serizawa, c’est même pas la peine d’y penser…

-Donc, par élimination, il ne reste que toi.

-Oui.

-…Shûhei, tu serais pas un peu masochiste ?

-…Quand j’y repense, peut-être un peu.

-Oho…

-Tu t’imagines pas en train de jouer les dominatrices avec moi, j'espère...

-B…Bien sûr que non !

(Ben voyons…)

-Au fait, tu sais ce que tu aimerais faire, quand tu seras ici ?

-Allons, Shûhei ! Tu sais très bien ce que j’aimerais faire avec toi…

-… Non mais, à part ça ! Idiote ! Perverse !

Nous avons ris et avons parler de nos plans pour ce week-end.

Vendredi.

J’avais sous-estimé la charge de travail d’un délégué : les salutations du matin, la gestion du ménage après les cours, la médiation entres les professeurs et les élèves de la classe et pleins d’autres choses… Et Kinoshita faisait ça toute seule depuis l’an dernier ? Respect, Kinoshita !

-Merci beaucoup. Mais tu sais, c’est juste une question d’organisation et d’habitude. Tu y arriveras. Je t’y aiderai.

(Kinoshita, my lifesaver !)

En rentrant chez moi, j’étais mort de fatigue. Mais plus que tout, j’avais envie de me détendre ; de me changer les idées. J’ai d’abord pensé à me voir un film ou lire un bon bouquin. Puis j’ai repensé au fait que, depuis que j’étais à Tokyo, je n’avais jamais pris le temps d’explorer un peu son monde la nuit. Quand j’étais dans ma ville natale, je sortais souvent le soir jusqu’à tard. Surtout à la fin du collège… Ma « période délinquant », comme j’aimais à l’appeler. Je le faisais moins par la suite, pour ne plus trop inquiéter ma mère et à cause d’un certain incident. Mais je ne me suis jamais baladé de nuit dans Tokyo et de ce qu’on disait, ce n’était pas du tout la même chose que de jour.

J’ai jeté un coup d’œil à ma montre. Tout juste 19h30. Et ma mère allait encore rentrer tard. Si c’était pour juste une ou deux heures, pourquoi pas ? J’ai pris une rapide douche avant de me changer et suis parti à la découverte de Tokyo de nuit.

Je suis d'abord allé explorer Shibuya de nuit et en effet, l’ambiance n’était pas du tout la même que de jour. Peut-être était-ce le fait que les gens quittaient le travail pour aller boire ou s’amuser entre amis ? Après cela, j’ai essentiellement traîné, allant d’un quartier à un autre, sans but. Enfin, si l’objectif était juste de me changer les idées et parfois, une balade suffisait amplement. Mais connaître un peu mieux Tokyo de nuit n’était pas une si mauvaise chose. Cela me permettrait de faire des plans pour sortir avec Yuna, le soir. On pourrait en profiter pendant les vacances d’été…

Les vacances d’été ! J’avais oublié ! J’avais oublié de parler à Yuna de la proposition de ma mère ! L’abruti que j’étais ! Enfin, demain, il serait encore temps. Je lui en parlerai quand elle sera…

Sans faire exprès, je m’étais cogné contre quelqu’un en marchant.

-Ah, désolé ! ai-je aussitôt dit.

-Huh ? T’es sérieux ! Tu crois t’en tirer avec des excuses !

Il jouait le menaçant mais… ce n’était pas du tout crédible, vu que je le dépassais facilement d’une tête. Et puis, j’en étais presque sûr, mais il devait être un peu moins âgé que moi.

-Connard ! Tu m’as pété le bras ! T’as intérêt à prendre tes responsabilités, maintenant. Aboule ton fric ou je te fracasse !

D’accord, petit, jeune et con ! Il accumulait !

-C’est ça, ouais… Allez, bonne soirée.

Sur ces mots, j’étais sur le point de partir quand ce gamin m’a saisi par le col, se fichant de l’agitation qu’il créait autour de lui.

-Hein ? Tu crois pouvoir te défiler, connard ?

Ce gamin me tapait sur les nerfs. Mais vraiment… Moi qui voulais juste me balader un peu pour me détendre et voilà qu’il venait me pourrir la soirée ! Je lui ai attrapé le poignet et l’ai forcé à me lâcher avec une telle aisance… En forçant encore un peu, j’étais pratiquement sûr de pouvoir le péter le poignet. En fait, j’en avais carrément envie…

-Il semblerait que tu n’aies plus besoin de ta main…

L’insolence et le semblant d’assurance dont il avait fait preuve précédemment s’était bien vite envolé, pour dévoiler sa vraie nature : un gosse qui venait de se rendre compte qu’il venait de s’attaquer à plus fort que lui.

Pétage du poignet dans trois… deux… un… !

-Ah. Nishiyama ?

Ce fut alors que je vis se démarquer de la foule Serizawa, entouré de toute une bande de mecs et de filles. Il me fixa puis vit le gamin et s’approcha de lui… pour lui donner une tape sur le crâne.

-Hideyoshi, crétin ! Qu’est-ce que tu fous, encore !

-AIE ! Mais Yuki ! Ce type m’a bousculé ! Comment tu veux que je me fasse respecter si…

-Crétin ! Une chance que je sois là ! Sans quoi, il t’aurait démoli.

-Hein ? Dis pas de conneries ! Aucune chance qu’un type comme lui…

-Oh, si. Il en est capable. N’est-ce pas, délégué Nishiyama ?

Les autres lui demandaient d’où Serizawa me connaissait et il expliqua que nous étions dans la même classe et que j’avais été élu délégué depuis hier.

-Ah, mais surtout, on ne dirait pas comme ça mais ce type peut être une bête…

-Serizawa… Si tu pouvais éviter de dire n’importe quoi, ai-je dit en poussant le gamin dans sa direction.

-Tu trouves que j’exagère ? Non, je pense pas. Je l’ai bien senti quand j’ai voulu donner une leçon à Aoyama.

-L’étrangler était exagéré, surtout.

-Oh ? Pourtant, j’ai entendu dire qu’à la rentrée, elle et toi en étiez venu aux mains, non ?

-Aoyama était chiante alors je l’ai dégagé de mon chemin. Je ne l’ai pas blessé.

-Mais tu aurais pu, hein ?

Je n’ai pas répondu. Il était clair que Serizawa voulait confirmation qu’en appuyant sur les bons boutons, j’allais montrer un aspect de ma personnalité qu’il bouillait d’envie de voir. Comme si j’allais tomber dans le panneau ! Mais bon, à en juger par son regard, il avait compris qu’il n’arriverait à rien avec ses provocations, qu’elles soient déguisées ou non.

-Ah, j’y pense. Nishiyama, on allait se faire un karaoké. Tu veux venir ?

La proposition était pour le moins surprenante. Surtout pour les membres de son groupe qui ne s’y attendaient pas, au vu de leurs réactions. Mais étonnement, ils ne dirent pas un mot. Pas même ce gamin d’Hideyoshi, qui montrait clairement qu’il ne voulait pas de moi pour aller s’amuser. J’ai regardé l’heure sur ma montre. Je pouvais encore me permettre de traîner un peu. J’ai donc accepté son invitation. Et puis, en tant que délégué nouvellement élu, mieux connaître ses camarades pour pouvoir les gérer ensuite faisait partie de mon rôle. Source : Kinoshita.

Je l’ai donc suivi, avec son groupe dans un karaoké.

En regardant de plus près, les mecs étaient du genre à jouer les durs mais devant un micro, ils se prenaient pour des stars de la chanson qui chantaient trop fort et paraissaient plus inoffensifs. Au point où Serizawa les rappelait plus d’une fois à l’ordre avec autorité, mais aussi un fond de menace dans le ton. Quant aux filles… Quand elles ne chantaient pas, elles s’amusaient à flirter avec Serizawa. Et lui répondait à leurs avances soit en les embrassant soit en les tripotant. J’avais déjà vu ce genre de scènes avant, mais le mec dans cette situation était un étudiant beau gosse ou un vieux qui avait du fric. Jamais un lycéen.

-Alors, Nishiyama ? Tu t’amuses ? m’avait demandé Serizawa entre deux flirts avec ses groupies.

-Si on veut. Je ne suis pas très karaoké, d’ordinaire.

-Ah bon ? Pourquoi tu es venu, alors ?

-À ton avis ? Pour la bouffe et les boissons.

-Hé ! J’espère que tu comptes payer ta part !

-Tu me prends pour qui ?

-Hum… Un chevalier servant ?

-D’où tu sors ça, encore ?

-Oh ? Donc, tu ne protégeais pas ces filles, la première fois qu’on s’est rencontré.

Curieuses, les filles le questionnèrent sur ça et il se mit à tout leur raconter. Comme je m’y attendait, la partie où il entrait en jeu était ce qui les intéressait le plus. Bien vite, je suis retombé dans l’inintérêt à leurs yeux. J’en ai profité pour m’éclipser aux toilettes pour me rafraîchir.

Alors que je fixais le miroir, je fis le point sur ce que j’avais appris sur Serizawa via mes observations. D’abord, ses capacités sociales étaient très bonnes, s’il avait réussi s’entourer et à s’imposer vite en alpha d’une bande. Ensuite, ses capacités de séductions étaient, il fallait le reconnaître, pas mal développé pour plaire à autant de filles et en même temps. Enfin, je ne pouvais pas dire avec certitude si c’était ses capacités d’analyse ou son instinct… Mais je le sentais et je pense que lui aussi. Nous savions. Nous savions que l’autre n’était pas à prendre à la légère, si nous nous laissions emporter. Conclusion : ce n’était pas forcément un mauvais bougre mais par prudence, il valait mieux garder un œil sur lui.

(Je préviendrais Kinoshita plus tard…)

En sortant des toilettes, je suis tombé sur l’une des filles du groupe de Serizawa. Elle m’avait marqué de par son look. Comme les autres, elle s’habillait à la mode mais avec une touche, disons, plus provocante, comme porter très court la jupe ou avoir un décolleté bien ouvert. Je ne savais pas où poser les yeux, honnêtement. Niveau coiffure, elle portait de nombreuses barrettes fantaisistes et s’était teintes quelques mèches de cheveux en blond.

-Yo, m’a-t-elle dit en toute innocence.

-Yo… Tu n’es pas avec les autres ?

-J’avais envie de prendre un peu l’air.

(Mouais… « Prendre l’air »)

Aussitôt, l’image de mon amie, Yuzu, une gyaru à l’attitude provocatrice par moment, me vint en tête. Les deux filles avaient ça en commun. Quoiqu’elle… Non, elle, à l’inverse de Yuzu, avait clairement moins froid aux yeux pour mettre ses atouts en valeur.

Elle s’approcha de moi et instinctivement, j’ai reculé. Toutefois, le couloir où nous nous trouvions n’était pas bien grand et je me suis retrouvé vite dos au mur. Littéralement.

-Pourquoi tu recules ? me demanda-t-elle en rigolant un peu.

-L’intuition.

-Hihi. Hmm, quand je te regarde de plus près, je trouve que tu as un certain charme… Clairement moins beau que Serizawa mais du charme quand même.

-Merci… Je suppose ?

Elle me collait à présent et ne voulait clairement pas me laisser partir. Qu’elle était sérieuse ou pas, elle me mettait mal à l’aise.

-Nishiyama, c’est ça ? Tu as une petite amie ?

En me demandant ça, tout en pressant sa poitrine contre moi, elle me caressait les hanches. J’en connaissais, des techniques agressives de séduction, mais là, c’était d’un tout autre niveau !

(Plus clair dans les intentions, tu meurs !)

-Ouais, j’ai une petite amie ! ai-je dit rapidement. Alors si tu pouvais t’éloigner…

-Oh, dommage. Sinon, j’aurais proposé que je devienne la tienne…

-Je pense pas que ça aurait marché…

-Pourquoi ?

-Tu as l’air volage…

-Héhé.

(Elle ne nie pas, en plus...)

Mais même après lui avoir dit que j’avais quelqu’un, il a continué de me coller. Son parfum était agréable, sa peau était douce et ses lèvres avait l’air…

(Non, non, non ! Résiste à la tentation !)

J’étais de nature fidèle et c’était ma fierté. Pas question de trahir la confiance de Yuna.

Comme elle ne voulait pas arrêter de me coller, j’ai pris les devants, lui ai attrapé les épaules et l’ai décollé de moi.

-Arrête. Je suis pas intéressé !

Malgré tout, elle continuait de me sourire puis posa sa main sur la mienne.

-D’accord.

Je la lâchais aussitôt après et nous sommes retourné ensemble avec les autres. Si seulement ça s’était arrêté là… Le reste du temps, alors que les filles se battaient presque pour avoir l’attention de Serizawa, celle-ci restait avec moi et tentait de discuter un peu. Mais après son rentre-dedans de tout à l’heure, difficile pour moi de faire ami-ami avec elle. Mais elle ne lâchait rien !

-Tu aurais pu commencer par ton nom, lui ai-je fait remarquer.

-Ah, désolée. D’habitude, les mecs se fichent de savoir comment je m’appelle.

(…No comment)

-Et ? Tu t’appelles comment ?

-Kanzaki Saki. Facile à retenir, non ?

-Ouais…

-Alors… Tu as une petite amie. Ça se passe bien, entre vous ?

-Très.

-Vous êtes ensemble depuis longtemps ?

-Un an.

-Vous avez déjà couché ensemble ?

-Ça te regarde pas.

-Pas drôle…

-C’est pas mon but.

-Dommage. Tu serais plus sympa et tu t’amuserais plus.

-Pas vraiment mon but, dans la vie. Et j’ai mes propres moyens, pour m’amuser.

-Comme quoi ?

-On t’a jamais dit que tu parlais beaucoup ?

-Si. Et il n’y a qu’un moyen pour me faire taire…

-Et je peux savoir co-

Sans prévenir, elle vint m’embrasser. Pas le baiser sur les lèvres classique mais celui où on fourrait la langue dans la bouche de l’autre. Elle a tourné sa langue dans ma bouche une fois, deux fois… avant que je ne recule d’un coup pour mettre une bonne distance entre elle et moi. Je la voyais se lécher les lèvres, avec un air satisfait et amusé. Elle me donnait l’impression de se délecter de mon goût.

Je culpabilisais un peu mais je ne pouvais pas m’empêcher d’être un peu excité en la voyant faire. Saleté d’hormones qui embrouillait ma raison !

Et ce fut à ce moment-là que j’ai décidé qu’il était temps de partir.

Kanzaki semblait déçue et a tenté de me retenir un peu plus longtemps, sans succès. Elle m’a demandé mes coordonnées pour rester en contact mais je lui ai fait comprendre que ce n’était pas possible. Encore une fois, la déception était bien visible sur son visage. J’ai salué vite fait Serizawa et ai vite fait jouer mon rôle de délégué en lui demandant de ne pas créer de problèmes. En guise de réponse, il s’est contenté d’un vague mouvement de la main. On allait dire que j’allais m’en contenter pour cette fois, vu la situation…

Dans le train en route pour chez moi, j’ai repensé à ce baiser que m’avait donné Kanzaki. C’était la pire ! Faire ça alors que je lui avais dit que j’avais déjà quelqu’un ! Et elle avait osé me demander mes coordonnées, après ça !

(Putain de merde !)

Mais ce qui me mettait le plus en rogne, c’était le fait que je n’avais pas détesté ce baiser… Je me sentais vraiment mal et j’avais l’impression d’avoir trahi Yuna, alors que ce n’était pas moi le fautif. Est-ce que j’allais en parler avec ma copine ? La réponse était évidente !

Une fois chez moi, j’ai appelé Yuna pour discuter un peu et lui dire ce qui s’était passé. Bien entendu, elle n’était pas contente de savoir qu’une autre fille m’avait embrassé, surtout pour s’amuser, mais elle avait bien compris que cela s’était fait contre mon gré. Et puis, j’avais repoussé Kanzaki, aussi. Ce n’était pas rien.

-Désolé. Je l’avais vraiment pas vu venir…

-Ne t’excuse pas ! C’est sa faute, à elle, cette traînée !

-Wow…

-Quoi ?

-Non, c’est juste que c’est rare de t’entendre être si vulgaire.

-Une autre fille a embrassé mon mec ! J’ai le droit !

-Oui…

-Elle était jolie ?

-On pourrait parler d’autre chose qu’elle, s’il te plaît ?

-Oui, tu as raison… Ça doit pas être agréable pour toi et moi, ça m’énerve encore plus !

-Merci…

-Dès demain, je ferais tout pour que tu l’oublies !

-Oh ? Et tu comptes t’y prendre comment ?

-Devine…

J’ai rigolé. Décidemment, j’avais vraiment de la chance d’avoir une petite amie comme elle…

-Shûhei. Je voulais te demander quelque chose d’un peu… gênant.

-Quoi ? Tu me fais un peu peur, là…

-En… En fait, j’ai entendu d’autres filles dire qu’elles le faisaient aussi avec leur copain et…

-Et ? Vas-y, continue…

-Est-ce que… ça te dirait qu’on essaye de le faire… par téléphone ?

-Faire quoi, par téléphone ?

-M’oblige pas à le dire, s’il te plaît…

-Mais quoi, à la fin !

-… « Ça »…

-Quoi, « ça » ?

-

-…Oh. « Ça ».

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