Prologue 1 : Nishiyama Shûhei

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Ma mère était déjà partie au travail, quand je me suis levé. À peine avait-on emménagé à Tokyo pour son nouveau travail qu'on lui confiait déjà énormément de choses. J'espérais juste qu'on lui confiait cela à cause de ses compétences, et non parce que c'était une des rares femmes à atteindre ce poste et que ça déplaisait à ses collègues et ses supérieurs masculins.

Après avoir pris le petit-déjeuner qu'elle m'a préparé avant de partir et avoir nourri mon chat Kurô, je suis parti de l'appartement dans lequel nous avions emménagé avant le début de l'année scolaire. Très spacieux, à la hauteur de ce gagnait ma mère. J'ai eu un peu de mal de passer d'une maison spacieuse avec étage à cet appartement, au début, mais avec le temps...

Sur le chemin de la gare, alors que je lui envoyais un message à ma petite amie pour lui souhaiter une bonne journée, j'ai croisé quelques lycéennes portant l'uniforme de mon nouveau lycée. Je ne savais pas qui était le type qui s'était occupé de la confection de ces derniers, mais il avait clairement fait plus d'efforts sur le modèle féminin que masculin. Si j'étais plus âgé, de dos, on m'aurait presque pris pour un salaryman quelconque, avec ma veste et mon pantalon passe-partout. On semblait avoir prêté plus d'attention aux uniformes féminins ; un petit je-ne-sais-quoi que les faisaient remarquer de loin. Ou alors, c'était dû au fait que leurs vestes étaient bleu clair et celles des garçons, bleu foncé.

Le train était bondé et le wagon où j'étais presque remplis de filles de mon lycée. J'ai aperçu deux ou trois mecs portant le même uniforme que moi, quand même. Le trajet m'a paru durer une éternité, en plus d'être un calvaire. Tout du long, moi et les autres garçons, sans compter les deux ou trois hommes qui devaient avoir embarqué avant ces jeunes filles en fleur, durent mettre nos mains bien en évidence en l'air pour ne pas nous faire accuser d'attouchements, même par mégarde. Une fois ou deux, le train a été pris d'une secousse et une fille m'était rentré dedans. Elle s'est vite excusée mais je lui ai assuré que ce n'était rien.

Trois stations. Cet enfer a duré trois stations...

Arrivé à destination, un flot de lycéennes déferla hors du train. Moi et les autres garçons avons attendus que la dernière fille sorte pour suivre le mouvement. La journée commençait à peine et j'avais déjà eu mon lot de sensations fortes, personnellement. Pourtant, ça continuait avec l'épreuve des filles devant moi, sur l'escalier mécanique. Ai-je précisé qu'elles avaient toutes une jupe, le plus souvent assez courte, pour mettre en avant leurs jambes mais pas assez pour qu'on puisse dire que ce soit obscène ?

(Merde... Lève pas les yeux ! Lève pas les yeux !)

Une fois hors de la gare, j'ai marché une vingtaine de minutes avant d'apercevoir la grille de mon lycée. Le comité de discipline était là, à réprimander les élèves dont ils jugeaient que la tenue n'était pas aux normes, surtout les jupes des filles lorsqu'elles étaient trop courtes. L'une de ses membres semblait s'acharner sur les garçons. Après avoir passé la grille, elle m'a interpelé sur un ton peu amical et sans raison, disant que ma tenue n'était pas appropriée et d'arranger cela ou de quitter l'établissement. Je savais que c'était des conneries car je faisais toujours en sorte de porter mon uniforme impeccablement. Du moins, pour les premiers jours. Il était clair qu'elle cherchait juste une excuse pour que j'ai des ennuis. Quelques élèves ont observé la scène mais personne n'est intervenu, alors qu'il était clair que je n'étais pas du tout en tort. Évidemment. Je ne devais mon salut qu'à une autre membre du comité qui est venue en la sermonnant et en s'excusant. Visiblement, ce n'était pas la première fois qu'elle s'en prenait gratuitement à un élève...

La cérémonie de début d'année était d'un ennui... Des platitudes à dormir debout de la part d'un proviseur. Si seulement c'était le seul truc qui me gênait. Non, ce qui me gênait vraiment, c'était le regard des autres. Des autres filles. Très majoritaires dans cet établissement.

Oui, le lycée Hoshi que j'intégrais était, pendant des années, un lycée pour filles et était devenu mixte seulement l'année dernière. Je ne mettais pas en doute le fait qu'il était très bien côté en plus de ne pas être trop loin de chez moi en train, mais je ne pouvais m'empêcher de penser que je n'aurais pas dû laisser ma mère choisir seule mon nouvel établissement après le déménagement...

Les filles n'arrêtaient pas de me regarder et de chuchoter. Enfin, je n'étais pas le seul concerné. De ce que j'arrivais à voir, le peu de garçons présents semblaient être des cibles potentielles de ces messes basses. J'imaginais que peu importait l'endroit, les adolescentes restaient des adolescentes...

Après la cérémonie, chaque classe a rejoint sa salle. J'étais dans la classe 2-A. Avant de commencer notre première journée, la professeure principale, Mme Kotani, m'a introduit à ma nouvelle classe. Composée à presque entièrement de filles. Moi compris, il n'y avait que quatre garçons ici. Pendant ma courte présentation, je sentais leurs regards sur ma personne. Et ils n'étaient pas tous amicaux... J'imaginais qu'un nouveau venu dans un groupe déjà formé depuis l'an dernier, ça éveille l'intérêt, dans le bon comme dans le mauvais sens.

On m'a installé sur un pupitre juste derrière la déléguée. Elle se démarquait énormément des autres élèves : sa jupe était plus longue que celles des autres, lui arrivant en-dessous du genou, ses cheveux descendaient jusqu'à ses hanches et portait un serre-tête d'un blanc pur. Elle était peu maquillée et sa posture droite me faisait penser à l'archétype de fille de bonne famille dans les mangas et animés. Son nom : Kinoshita Saya.

Mme Kotani lui avait demandé de m'aider à m'intégrer à la classe et elle a accepté sans broncher. Bizarrement, j'ai ressenti de l'animosité dans mon dos à l'entente de la requête du professeur...

Si tôt cela fait, Mme Kotani a annoncé un contrôle surprise pour voir si les élèves ne s'étaient pas relâchés durant les vacances. Quand j'ai eu le sujet entre les mains, je me suis estimé chanceux d'être un élève studieux : le niveau n'avait rien à voir avec mon précédent lycée. Sans mentir, j'ai un peu galéré avec les dernières questions mais dans l'ensemble, j'estimais m'en être plutôt bien tiré. Je verrais bien les résultats demain. En-dehors de ça, la matinée s'est bien passée.

À midi, Kinoshita est venue me demander si tout allait bien pour moi, si je m'en étais sorti avec le contrôle surprise. Je lui disais que ça allait, quand nous avons été interrompus par ses amies qui vinrent lui dirent qu'ils allaient acheter quelque chose à manger en classe et lui demander si elle venait. Kinoshita déclina l'offre, prétextant qu'elle devait remplir la tâche confiée par Kotani. Les filles parurent un peu déçues mais semblaient comprendre. Elle m'invita alors à manger ensemble au réfectoire pour pouvoir discuter. Apparemment, elle voulait en savoir un peu plus sur moi, avant de me faire faire un tour rapide de l'établissement.

(Elle prend son rôle au sérieux, j'ai l'impression...)

Je n'ai rien dit de plus par rapport à ma présentation aux autres, ce matin. Elle ne s'est pas montrée non plus insistante et m'a écouté sans dire un mot, à part des « Je vois ».

Après un déjeuner presque silencieux, elle m'a fait faire le tour de l'établissement, qui était bien plus grand que mon ancien lycée. Elle en a profité pour me faire faire aussi le tour des différents clubs. J'envisageais de peut-être rejoindre le club de littérature, comme l'an dernier...

(Ah... Ce qu'il peut me manquer, ce fauteuil dans mon ancien club...)

La visite s'est terminée au gymnase et à la présentation des clubs de sports.

J'ai marqué un arrêt devant le club de basket. Voir ces filles jouer sur le parquet...

-Nishiyama... Ce n'est pas bien de regarder les filles comme tu le fais, m'a dit Kinoshita de but-en-blanc.

-Quoi ? Non, rien à voir ! me suis-je défendu. C'est juste qu'elles me rappellent celles du club de mon ancien lycée...

-Tu regardais les filles de ton ancien lycée jouer...

-À t'entendre, on dirait que je faisais quelque chose de sale...

-C'est le cas ?

-Non ! J'y allais surtout voir ma petite amie jouer !

-Oh, je vois.

Elle n'a rien dit d'autre après cela.

(Je me demande si l'équipe de Hoshi est réputée... Je demanderais à Yuna.)

En fin de journée, alors que j'entrai sur le quai de la gare, j'ai aperçu la déléguée. Nous nous sommes salués de nouveau puis sommes montés dans le même train, dans le même wagon.

Nous sommes restés ensemble jusqu'à mon arrêt. Enfin, notre arrêt, visiblement...

Nous avons quitté la gare en même temps.

Nous avons pris la même direction...

(C'est moi ou...)

-Nishiyama. Je ne pensais pas que tu étais ce genre de garçon. À suivre une jeune fille que tu viens de rencontrer..., a-t-elle dit avec le plus grand des calmes.

-N'importe quoi ! me suis-je emporté. J'habite par-là !

Son regard disait qu'elle ne me croyait pas complètement. Et ses soupçons ne firent que s'accroître lorsque nous nous sommes arrêtés devant mon immeuble. Elle a alors pressé le pas pour taper le digicode et entrer la première, pensant sans doute se débarrasser du stalker qu'elle semblait penser que j'étais.

Sa tête quand elle m'a vu taper le digicode à mon tour n'avait pas prix et encore plus celle qu'elle a faite quand je suis passé à côté d'elle pour appeler l'ascenseur. Je suis monté en premier et ai laissé les portes ouvertes pour elle.

-Bon, tu montes ou tu attends ?

Elle me lançait un regard plein de méfiance mais entra tout de même dans la cabine. Je lui ai demandé où elle descendait. Elle vivait apparemment à l'étage au-dessus du mien. Durant toute l'ascension, nous sommes restés silencieux.

Arrivé à mon étage, je suis sorti de la cabine et je lui ai dit au revoir et souhaité bonne soirée. Par politesse, elle m'a souhaité la même chose.

Une fois chez moi, je suis allé dans ma chambre m'écrouler sur le lit, éreinté. Kurô est venu m'accueillir en me miaulant dessus. Je l'ai caressé et me suis dit que j'allais prendre ma douche après m'être fait à dîner, comme ma mère allait rentrer tard.

Pendant que je cuisinais, je pensais à ma petite amie et me suis dit que ça faisait deux ou trois jours que je ne lui avais pas donné de nouvelles. Et aussi, je me suis dit qu'elle devait être pas mal occupé aussi de son côté, avec sa rentrée.

Je me suis promis de lui envoyer un message avant de me coucher. Je ne lui avouerais sans doute jamais mais j'aimais passer du temps à lui parler, alors qu'avant qu'on ne soit ensemble, je détestais perdre mon temps avec ça.

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