Chapitre 19

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  • Mais…c’est impossible, fit Raymond, la main sur le front.
  • Bah…regarde ! répondit René en se roulant une clope.
  • Mais il n’y a pas eu le moindre bruit cette nuit !
  • Qui te dit que c’est arrivé cette nuit, rétorqua René.
  • J’ai veillé tard cette nuit ! répondit Raymond, du tac-au-tac.
  • C’était peut-être arrivé juste après ? hasarda son ami.
  • Mais…et les autres ? bégaya-t-il. Ils n’auraient rien entendu non plus ?
  • Vous avez p’t être fait la bringue ensemble ! rigola René.

Chemin faisant, ils étaient arrivés au début de cette étrange et immense cicatrice. Raymond se plaça au centre du sillon et admira la perspective. Il se dit qu’il n’avait pas manqué de chance, pour une fois !
En effet, le sillon s’arrêtait à quelques dizaines de mètres seulement de sa maison. Une petite poussée supplémentaire du pilote automatique récalcitrant et il disparaissait avec la rue, les trottoirs et tout le toutim. Ça lui fit froid dans le dos !

  • Ben merde ! conclut-il.
  • Dis-moi, observa René, ça donne l’impression que t’en sais plus que tu veux bien dire, non ?

Comme s’il revenait sur terre après un long périple, Raymond considéra son pote d’un œil attentif.

  • Bon, René, faut que je te parle en privé !
  • Mouais…
  • Tu vois ce bordel ?
  • Mouais…
  • Eh bien je connais celui qu’à fait ça !
  • Pas possible ! bêla l’autre.
  • Arrête de braire comme un âne !
  • Raconte !

Raymond prit son pote par le coude et l’emmena à l’abri d’éventuelles oreilles indiscrètes. Ils allèrent au jardin public tout proche, lieu habituel de leurs fins de soirées, s’installèrent sur leur banc. Le plus sale. René crevait d’impatience. Raymond reprit son souffle, organisa ses pensées. Puis il débita toute l’histoire d’un trait, ne s’arrêtant pas aux exclamations de son ami qui n’en croyait pas ses oreilles.

***

Maintenant, René était au courant de tout. Il lui fallut quelques instants pour mettre les choses en ordre dans sa pauvre tête ! Ce qu’il venait d’apprendre était tout simplement incroyable.[1]
Oui, il lui fallut quelques bonnes poignées de broquilles pour tout piger, tout avaler, tout digérer, tout restituer. Pourtant, ce qui intriguait le plus René, c’était l’air mystérieux de son pote… Raymond semblait réfléchir intensément. Il préparait quelque chose, c’était presque sûr. Mais quoi ? Cette vieille carne ne lâchait rien !
En fait, ô adoré lecteur, je vais te confier à quoi pensait cette antique ganache…
C’est bien parce que c’est toi, sinon tu pourrais aller te faire voir chez plumeau !
Alors, le vieux Raymond, ce qu’il ambitionnait… c’était… de s’envoyer en l’air… avec l’extraterrestre et son pote René !
Et sans le vouloir, il commença à donner des indices de son vœux en devenir…il chantonnait cette excellente chanson de Dutronc à propos de ces cochonnes d’hôtesses de l’air…qui rêvaient d’avoir…d’avoir…les fesses en l’air, tralala !
Bien sûr, tu auras compris, ineffable intellect surpuissant que tu es, que le retraité ne voulait pas d’une partie de jambon avec ses comparses mais rêvait plutôt d’une virée aérienne ![2] D’ailleurs, Raymond venait de lâcher le morcif à René qui n’en crut pas ses oreilles (bien la peine de révéler un scoop de première pour se faire éventer dans la seconde qui suit, non ?)
Le vieux rêvait de faire un petit tour en galette interplanétaire avec Conardus aux commandes, bien sûr.
René ne se déclara pas particulièrement emballé. A vrai dire, ça lui foutait plutôt les méga chocottes. L’avait jamais aimé les plus lourds que l’air qui défient les lois de l’attraction. N’avait jamais rien compris à ceux qui vénéraient la majesté d’un vol de perdreaux (juste avant de se faire dignement shooter par une bande de chasseurs armés comme des tanks et chargés à la vodka-féroce…) ou aux cercles, avertisseurs de charogne, d’une volée de vautours affamés. Les fusées qu’il préférait étaient celles qu’il larguait à hauteur de son dargif et qui ne gênaient que les autres…
Mais Raymond insista avec tant de chaleur qu’il finit par consentir du bout des lèvres à un petit vol découverte gratos à condition de ne pas aller à plus de quelques mètres d’altitude et encore, pas trop vite et pas trop longtemps. Car son pote s’était véritablement enflammé pour cette idée loufoque ! Il lui parla avec tant d’ardeur que les mots finirent par percuter et Raymond, sentant venir l’ultime faiblesse de son pote, se fit plus insistant que jamais, dégotant des arguments qui auraient fait bander un assureur en mal de clients.

René céda donc.
Il regrettait déjà cette défaite. Parce qu’il connaissait trop bien son camarade de beuverie, il sentait que tout cela risquait de finir en eau de boudin. Mais il était déjà happé par la manche, traîné par son aviateur de pote qui fendait la foule à grandes enjambées pressées, à grands coups de coude écarteurs de foule, bêtement agglutinée autour du sillon creusé par le paysan spatial qui attendait, invisible, chez Raymond. Et ils arrivèrent bientôt devant la baraque indemne de ce dernier.

[1] Imagine, Emile, que l’on vienne t’informer que ton meilleur ami retient chez lui un mec venu d’on ne sait où, que ce dernier vient de faire une bourde qui va coûter des centaines de millions aux habitants d’une rue qui vient d’être dévastée, qu’il a pris une cuite carabinée toute la nuit, en patati et patata !

[2] Hein, z’aviez cru qu’il était pédé ! Hé, lui dites jamais ça ! Vous ne connaissez pas encore les colères du centenaire ? Il aurait vite fait de vous retourner une mornifle dans le baigneur et de vous envoyer ad patres avec pertes et fracas ! Alors, bon, ce que je vais vous bonnir, vous le gardez pour vous, vu ? De toute façon, si ça s’ébruite je sais que ça viendra de vous…alors faites gaffe ! Mais revenons plutôt à notre duo infernal…

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