Chapitre 18

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Raymond reposa le combiné. Immobile quelques secondes, il se retourna et fit face à Conardus.

  • Dis-donc, mon gars… commença-t-il d’un ton innocent.
  • Ouaip ! J’t’écoute, répondit l’autre.
  • Quand t’es arrivé hier…t’aurais pas un peu raté la piste d’atterrissage, des fois ?
  • Impossib’ ! Y avait des balises tous les vingt-cinq mètres ! Même des feux tricolores à chaque croisée de piste ! Et p’is je connais mon métier, s’t’ plaît…répondit l’extra-terrestre d’une voix suffisante.
  • Et y avait des grands traits blancs à chaque carrefour, je parie ?
  • Exaguette !
  • Et quand les feux étaient rouges dans une direction, ils étaient verts pour la perpendiculaire ?
  • Ouaip ! Mais des fois ils clignotaient tous en orange. Un peu imprudent, non ? Imagine une bordée de croiseurs interstellaires qui se croiseraient en même temps aux mêmes carrefours ! s’esclaffe l’alien, sûr de son fait.
  • Bon, je commence à piger…
  • Pigé quoi ?
  • Et tu t’es garé loin de chez moi, l’artiste ?
  • J’sais pas trop ! Ma clope venait de tomber sur ma combinaison et je me battais avec le pilote automatique qui voulait pas me rendre les commandes ! J’ai pas fait trop attention. Pourquoi tu me demandes tout ça ?
  • Ben…disons que je pense que t’as pas sorti les trains d’atterrissage…que t’as refait les devantures de pas mal de mes voisins… et que t’as bien fait de t’être payé l’option furtif cause que ça va jaser pas mal dans le secteur, je sens…conclut Raymond en reniflant d’un coup sec.

Le vieil homme se vêtit rapidement, René devrait faire vite malgré la foule. En effet, la sonnette hurla que quelqu’un voulait entrer. C’était René. Raymond lui sauta dessus, ne lui laissant pas le temps de pénétrer dans le vieux pavillon. Un peu bousculé, René protesta et manqua dégringoler les marches de ce satané perron[1]

  • On boit pas un café avant d’aller ? s’inquiéta René.
  • Pas le temps, mon pote ! J’ai du sérieux sur le feu ! rétorqua Raymond, l’air important.
  • Tellement pressé de tester une nouvelle taverne ?
  • Non, mon pote.
  • Bah quoi, alors ? Raconte, tu m’inquiètes ! T’as gagné au loto ?
  • En quelque sorte, mon gars, en quelque sorte !
  • On part en voyage alors ?
  • Peut-être bien…mais je veux d’abord savoir pourquoi tout ce bazar ce matin.
  • Ça, je peux te dire ! fit René en se passant les doigts sous ses bretelles.
  • Raconte !
  • Eh ben, tu prends l’avenue Duglandu, depuis le boulevard des Couillons Frits jusqu’à chez toi…
  • Ouais ? patienta Raymond.
  • Eh ben…terrain vague !
  • Comment ça « terrain vague » ? s’exclama le vieux.
  • Ben…terrain vague ! Mais propre, hein ! Plus de murs, plus de devantures de magasins, plus de trottoirs, plus de bitume ! Pas un papier gras par terre !
  • Mais c’est impossible !
  • Faut croire que si ! Sinon on est tous bons pour la camisole !

Ils sortirent de la maison et tentèrent de se frayer un chemin parmi les spectateurs. René continuait de donner des détails, fier d’en savoir plus que son ami. D’une voix posée mais un peu haletante car son pote cavalait à la vitesse d’un pétrolier poursuivi par une horde d’écolos vindicatifs, suite à un dégazage intempestif sur des côtes bretonnes, un jour de grand vent.
Ils fendaient la foule à grands coups de coude, indifférents aux imprécations de quelque mal embouché. Contournèrent les maigres barrages policiers, pas assez nombreux pour dissuader la foule. Ainsi, au terme d’une cavalcade de quelques minutes, ils parvinrent au bord d’un long, profond et parfaitement propre sillon, creusé sur l’ancienne chaussée !
Le sillon était parfait. Incurvé en son centre, il se prolongeait sur plusieurs centaines de mètres. Tout ce qui existait avant semblait s’être volatilisé. Plus la moindre trace de route, les trottoirs avaient disparu ! Les barrières des pavillons aussi. Il y avait même quelques maisons amputées de leur devanture. Mais tout cela était propre, net, comme découpé au laser ! Il n’y avait aucun gravas ! Les pelouses s’arrêtaient nettement au début du sillon !

[1] J’espère que tu auras noté l’importance capitale de ce perron, début quasi systématique d’une foultitude d’aventures ! Même moi je viens juste de réaliser. C’est dingue, ça !

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