Chapitre 12+1

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Conardus était couvert de poussière, le visage plâtreux et plein de toiles d’araignées. Il considéra le peignoir du vieux détritus. Putain, il devait laver cette daube ?
Heureusement, il avait pensé à reprendre la clé de sa navette spatiale. Une légère pression sur celle-ci, qui déclencha une brève sonnerie d’alarme et quelques clignotements orange, et l’engin s’approcha doucement du pavillon de Raymond. Intéressé, ce dernier jeta un œil curieux au travers des rideaux gris et regarda l’engin s’approcher sans le moindre bruit.

  • Dis-donc, Conardus, tu vas me garer cette merde dans le jardin, hein ? Que je sois pas emmerdavé avec ces cons de voisins qui râlent tout le temps.
  • Bien sûr, Maître. Ne vous inquiétez de rien. Je vais l’attacher à un poteau, lui donner son seau d’avoine et il restera tranquille comme tout.
  • Ca carbure à l’avoine, ton truc ?
  • Oui. Moins d’un demi-seau le parsec parcouru. Pas mal, non ?
  • Tu crois que je pourrais aller faire mes courses avec ton engin ?
  • Bien sûr ! Une armée de robots et d’humanoïdes est à votre disposition dans les soutes. Je vais vous présenter Conchita 27-D12 qui est en charge de l’intendance à bord. Elle est un peu trop moustachue à mon goût mais elle suivra ou anticipera chacune de vos volontés.
  • Ah ouais ? se demanda silencieusement Raymond, l’esprit déjà hanté de désirs lascifs…faudra que je la rencontre sans perdre de temps. J’suis en forme ces derniers jours !

Conardus pianota quelques instants sur son mini clavier fixé à son bras gauche et un robot apparut soudain. Sans bruit. Le robot repartit avec le peignoir vers le vaisseau spatial. Raymond restait paisiblement dans son vieux fauteuil, les burnes à l’air et le front pensif. Noble posture, que Rodin lui-même ne renierait pas.
Au bout de quelques minutes, le robot revint avec le peignoir propre, plié et sentant la lavande.
Conardus le présenta à son suzerain. L’autre l’endossa sans un mot de remerciement et en profita pour vider la bouteille de cognac qui attendait le coup de grâce. E.T. fouilla ses poches et en tira un petit objet rectangulaire et sombre. Une petite pression sur un bouton et la soucoupe, toujours garée dans le jardin clignota à trois reprises.
Le vieux s’approcha de la fenêtre :

  • Tu viens de faire quoi, là ?
  • Je viens de brancher l’alarme. On ne sait jamais ce qui peut arriver dans ces zones pourries. Tu comprends ?
  • Parce que tu crois vraiment qu’un couillon pourrait en vouloir à ta chignole interplanétaire ? se moqua l’ancêtre.
  • Tu n’imagines pas le nombre de fois où j’ai trouvé des petits cons en train de vouloir me barber mes jantes en inox !
  • Tu veux rire ?
  • Non, je te promets ! Les Zonards se baladent toujours en bande et, dès qu’ils repèrent un vaisseau spatial en stationnement dans une petite banlieue cosmique tranquille, ils tentent de tout te piquer. Il faudra vraiment faire quelque chose un jour pour stopper ces délinquants !
  • Tu veux dire que, dans l’espace, il y a des petits merdeux qui se promènent de planète en planète pour foutre le bordel comme sur la Terre ?
  • C’est quoi la Terre ? demanda l’étranger.
  • Ben, c’est la planète sur laquelle tu te trouves, eh, patate !
  • Ah oui ! C’est comme ça que vous appelez votre planète, j’avais oublié. Nous on l’appelle ZX2.
  • Drôle de nom !
  • C’est pas plus con que Terre, tu crois pas ? rétorqua-t-il en haussant les épaules.
  • Et qu’est-ce que t’es venu faire sur ZX2 ? relança Raymond.
  • Rien. En fait, je suis tombé en panne d’émetteur et mon ordinateur de bord était planté. Alors, je me suis approché de la surface, à la recherche d’un coin peinard pour réparer mais j’ai entendu tes cris.
  • Ah ouais ?
  • Ouais ! J’ai cru que t’étais un de mes potes dont je suis sans nouvelles depuis des années.
  • Un pote perdu dans l’espace ?
  • Affirmatif, mon général. Tu gueulais aussi fort que lui et je ne connaissais qu’un mec dans la galaxie avec un tel cornet à injures !
  • Pas banal ton truc, renifla Raymond. Et que comptes-tu faire maintenant ?
  • Ben, je dois réparer mon taxi, prévenir ma base que je serais en retard et puis rentrer chez moi. J’vais en profiter pour faire un rapport de plus sur ta planète. La routine quoi !
  • Tu ne vas pas prévenir tes supérieurs que tu as trouvé une planète avec de la vie dessus ? De la vie intelligente, de surcroît, avec laquelle tu peux discuter ?
  • Pfui ! Y a longtemps qu’on vous observe et, franchement, on n’en a rien à foutre de vous !
  • Tu veux dire quoi, là…Tu crois que parce que vous êtes capab’es de traverser l’univers vous êtes plus marles que nous, c’est ça ?
  • Ben….ouaip ! répondit l’inter-sidéré après quelques secondes de réflexion amusée. Vous êtes des boulets, surtout dans cette région de la planète.
  • Qu’était-ce que t’en sais, eh fond de bidet !
  • Je peux te dire que le secteur où nous sommes s’appelle France, dans une région que vous appelez connement Ile de France, alors qu’il n’y a aucune mer autour….faut-y pas être cons pour donner des noms pareils, hein ?
  • C’est pas moi qui ai choisi ce blaze, alors on fait avec, vu ?
  • Pour sûr, camarade ! Vous vivez dans ce que vous appelez des villes, avec toutes les merdes qui vont avec ; transport incroyablement lents, bruyants, puants, etc.
  • Tu trouves ?
  • Un peu, mon neveu ! Vous passez votre vie à travailler comme des esclaves pour le bien-être de quelques pégreleux qui vous rançonnent sans vergogne.
  • Ca…c’est bien vrai !
  • Et en plus, vous ne faites rien contre ça ! Oh si ! Une fois, dans ce pays à la con, vous avez pris le taureau par les cornes et vous avez ratiboisé la plupart de ces esclavagistes.
  • Sûr ! A la baïonnette et à la bascule à Charlot ! Pas de cadeau ! Alors méfie-toi…se gargarisa le vieil homme.
  • Ouaip…en attendant, vous faites rien contre ceux qui les remplacent et qui se goinfrent comme des empaffés en se foutant bien de vos gueules de caves ! A bien réfléchir, je pense que j’aurais pas du me poser içi.
  • Bah pourquoi ?
  • Parce que la réputation de ton pays est intersidérale !
  • A ce point, demanda Raymond, fier comme un paon.
  • Juré ! Tu peux demander au dernier des pécores des champs perdus de la constellation des Néréides s’il connaît la France !
  • Et alors ?
  • Et alors ? Eh ben, il pètera de rire pendant des heures avant de pouvoir en placer une ! Vous et vos exceptions nationales ! 35 heures de travail. Droit de grève. La connerie profonde de la plupart d’entre vous est tellement connue dans les étoiles qu’on menace nos mômes de les envoyer içi s’ils bossent pas à l’école !
  • Ça devrait leur plaire, pourtant.
  • Tu parles ! Tu verrais comment qu’ils se mettent au boulot, les chiares ! Votre Einstein restera toujours un débile profond face à leurs connaissances.
  • C’est ça…la France de De Gaulle t’aurait foutu sur la gueule que tu ferais moins le fier, j’te le dis, moi ! renfrogna l’ancêtre, plein de rancune nationaliste.
  • Tu veux parler du dernier clown qui vous a convaincu d’aller vous faire trouer la paillasse ?
  • Ouaip, comme tu dis !
  • Vous avez vos idées, hein ? J’veux pas y redire mais, bon, hein ?
  • Dis-donc, astronaute de mes fesses…
  • Oui, petit singe velu ?
  • Si t’es si balaise que tu le dis…comment ça se fait que t’as pas encore réparé ta guimbarde à la noix ? persifla Raymond.

L’interpellé se prit ça dans les gencives et préféra ne pas répondre. Raymond sifflotait, mine de rien mais bien content de sa boutade.
Vive la France !

  • Bon, viens quand même écluser un pot avec moi, face de macaque, proposa Raymond qui jouait l’abstinence la plus totale depuis plus de dix minutes.
  • Yessss ! se réjouit l’esclave.
  • Je t’préviens, j’en ai de la bonne et de la raide…tu supporteras ? demanda Raymond d’un air supérieur.
  • Envoies toujours, Maître, se contenta de répondre l’autre d’un ton goguenard.

Raymond en déduisit illico qu’il avait affaire à un mec qui en connaissait un rayon sur la matière…

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