6/8 — Brad

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De retour à mon appartement, je m’allongeai sur le canapé et essayai de dormir un peu. Avant de fermer les yeux, je remarquai — mieux vaut tard que jamais — à quel point le désordre régnait chez moi. De nombreuses taches sombres et inqualifiables jonchaient le parquet. Plusieurs coussins traînaient à terre, à côté d'une nappe en tissu roulée en boule et de cadavres de bouteilles, parsemés par-ci par-là. Des débris de verres se dissimulaient dans des recoins insoupçonnés — sous les chaises de la salle à manger ; sur le plan de travail de la cuisine ; devant la machine à café ; sous le radiateur du salon ; partout où je posai les yeux.

Je ne me souvenais pas du dernier jour où j’avais fait le ménage, ici, tant cela paraissait lointain. La poussière flottait en abondance, mise en valeur par le soleil qui avait sûrement décidé de m’interdire de dormir en jetant ses rayons à travers les persiennes entrouvertes. Si seulement Claudia pouvait passer et s’occuper de remettre tout en ordre. J'en avais bien besoin.

Claudia…

Ces derniers jours, je n’avais pas pensé à elle un seul instant. Pourtant, notre relation semblait aller bon train. Bien que nous eussions pris la décision de vivre séparément — le temps de prendre nos marques, du moins —, nous partagions de bons moments ensemble. Cette relation avait démarré peu de temps après ma rupture avec Jade. À dire vrai, elle avait débuté avant. Notre attirance fut sexuelle, en premier lieu. Je ne savais pas si la faire aboutir en une histoire plus sérieuse était une bonne idée. Il s’agissait peut-être moins d’une réelle envie, dictée par de vrais sentiments, que d’un besoin personnel de justifier mes errances passées. Je culpabilisais de mon attitude envers Jade. Je l’avais trompée ; je lui avais menti. Je ne voulais pas avoir abandonné notre couple pour « rien ».

« Aide-moi ! »

Toute pensée me ramenait à elle. À mes rêves. Au Rêveur dont je ne connaissais rien. À ses paroles venues de nulle part qui me tourmentaient inlassablement.

« Te souviens-tu de ce que tu as fait à Jade Lauren ? »

Après cette brève incursion dans mon esprit, Claudia repassa au second plan. Toute la place n’était réservée qu’à une seule personne : Jade. Pour ne plus penser à elle, il fallait que je la rencontre.

J’appelai Victor, afin de vérifier s’il était parvenu à la convaincrée me revoir, tel qu’il me l’avait promis.

« Ne sois pas si pressé, commenta-t-il. On n'en a parlé qu’hier soir et je n’ai pas pu en discuter directement avec Jade.

— Désolé d’insister, insistai-je tout de même, mais j’ai des choses importantes à lui dire. Il faudrait que je la rencontre au plus tôt.

— Des choses importantes ! s’exclama-t-il. Mais quel genre de choses ? N’oublie pas qu’il s’agit de ma sœur, alors n’en fais pas trop. Jade n'est pas au mieux, depuis votre séparation. Tu l’as quittée sans lui donner la moindre raison, et je me demande pourquoi tu t’intéresses à elle tout à coup. Surtout maintenant…

— Maintenant ? m’étonnai-je. De quoi tu parles ? Jade a des problèmes ? »

Il se tut un court laps de temps. Je compris qu’il se tramait quelque chose mais n’insistai pas. Si je voulais le savoir, je devais le découvrir par moi-même.

En bruit de fond, des klaxons et vrombrissements répétés nous empêchaient de continuer correctement notre discussion. Victor était probablement occupé dans l'une de ses courses automobiles, comme à son habitude. Je n'épiloguai pas sur la question, et repris :

« Juste un rendez-vous, Victor. Tu me l’as promis.

— J’en ai promis un, et un seul, confirma-t-il. Après ça, tu as intérêt à la laisser tranquille. »

Il raccrocha sans prévenir. Je n’étais pas plus avancé. Même si j'avais la conviction qu'il me cachait quelque chose.

Je n’avais pas reposé mon téléphone qu’il sonna aussitôt. Je décrochai.

« Oui, Victor, on a été coupés…

— Victor ? Que faisais-tu avec lui au téléphone, répondit une voix féminine que je reconnus très vite.

— Claudia, c’est toi ?

— Oui, c’est moi… »

Le ton de sa voix trahissait sa colère. Si je voulais survivre à ce début de conversation houleuse, il fallait rectifier le tir. Prendre des pincettes.

Elle continua, passablement énervée :

« Tiens, pendant que toi, tu discutais avec "Victor", figure-toi que j’étais avec sa sœur.

— Jade… ? »

J’avais prononcé un mot interdit. Tant pis pour les pincettes.

« Oui, "Jade" ! »

Je jurerais qu’elle avait mimé des guillemets avec ses doigts en prononçant son nom ; fâcheuse habitude.

« Tu sais, ton "ex" ? s'écria-t-elle. Celle avec qui tu as vécu "cinq ans" ! Celle avec qui tu as voulu faire "ta vie" ! Elle a complètement pété un câble, celle-là. Elle a menacé de me tuer si je te revoyais. Franchement, Brad, qu'est-ce que tu as pu trouver à une femme comme elle ? »

Bonne question à laquelle j'étais confronté ces deux dernières journées.

« Et, au fait, qde quoi parlais-tu avec "Victor" ? »

Toutes ces interrogations réactivèrent mon mal de crâne. Comment y échapper ?

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