Intermède 2 : Rencontre avec Sparclige

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« Tu m'as eu par surprise, mais en temps normal, je suis le plus robuste au combat !
- Bof tu parles beaucoup... Qu'est-ce qui te fait croire ça ?
- Ma petite soeur disait toujours "Valgor, y a pas plus fort !"
- Ah ! Pas étonnant qu'elle soit aussi naïve avec toi comme modèle.
- Comment ? ! Oh toi, je...
- Alors déjà, tu avais promis que tu m'appellerais "chef", et ensuite... Que dirais-tu que j'arrête de me moquer de toi SI tu arrives à battre un autre rito balèze ?
- Ah ! Trop facile. Je fais ça quand tu veux, où tu veux. »

Les deux piafs avaient marché de nombreux jours et une sorte d'honneur féodal, suite à leur combat, avait tissé un lien bien particulier entre eux. Leurs chamailleries étaient devenues incessantes toutefois Ardolon, avec une meilleure répartie, était parvenu à en tirer le meilleur parti. Son nouvel ami ne semblait pas même avoir compris qu'il allait à nouveau se faire exploiter.
Leur arrivée dans un petit village augurait un repos bien mérité. Ces derniers jours, ils avaient réalisé tous les desiderata des voyageurs qu'ils rencontraient pour se fournir en matériaux mais ils en avaient accumulé tellement que cela les ralentissait. Dans ce hameau, ils pourraient vendre leur petite cargaison et s'offrir nourriture et sommeil avant de poursuivre leur vagabondage. Cette promesse d'hospitalité les rasséréna et ils furent abordés au moment même où ils se demandaient qui pourrait bien leur prendre tout cet équipement.

« Quel plaisir de voir un semblable si loin de chez soi ! Ne voudriez-vous pas jouer à un petit jeu simple ?
- Et bien voilà, annonça fièrement Ardolon en se tournant vers Valgor.
- Voilà quoi ?
- Et bien, ton défi ! Il nous propose un jeu. Tu le bats et je tiens ma promesse.
- Mais... Il va être triste si je le frappe, non ?
- Non mais... Le jeu ! Tu dois le battre au jeu !
- Oh... C'est pas...
- Hey, tu veux être un perdant toute ta vie ? »
Plusieurs minutes plus tard, le rito put finalement présenter son défi. C'était un jeu somme toutes très simple : il y avait une bille qu'il plaçait dans l'un des trois gobelets et, après les avoir mélangés, il "suffisait" de retrouver la bille. Derrière le maître du jeu demeuraient de nombreux articles et s'ils parvenaient à gagner une fois, les voyageurs pouvaient en choisir un. En contrepartie, ils devaient miser une chose qu'ils possédaient. Valgor eut un large sourire aux perspectives de butin qui s'offraient soudain à lui.
Ardolon, quant à lui, eut une hésitation... Comment le rito avait-il pu réunir autant d'objets variés ? !

« Alors... Je mélange... En attendant, si nous discutions ? Vous savez, j'ai voyagé moi aussi? Mon nom est Sparclige.
- Enchan...
- Voilà ! Vous pouvez choisir.
- Pardon ?
- Choisissez le gobelet ! Alors ? Droite ? Gauche ? Ou centre ?
- Facile, la bille est à droite.
- Celui-ci ? Voyons... Ooooooh, quel dommage, c'est raté ! Bon, je pensais que vous aviez des yeux plus perçants mais c'est pas grave, j'irai moins vite la prochaine fois ! »

Valgor fronça les sourcils dans une profonde expression d'incompréhension. Pourquoi la bille n'était-elle pas à droite ? Il tendit sèchement l'objet que Sparclige venait de gagner. Il n'avait pas choisi sa mise mais n'en était pas moins ravi comme un prince. Et ce triste spectacle se reproduit trois fois. Heureusement, un autre client se présenta avant qu'il ne put retenter sa chance. Le rito suivit attentivement la bille et anticipait qu'elle se cachait sous le gobelait au centre... Mais l'inconnu désigna la droite. Par une mystérieuse farce de la fortune, il eut effectivement raison ! Quelle était cette sorcellerie ?

« Je mise mon arc pour...
- Demain.
- Hein ? Quoi "demain" ? !
- Nous reviendrons demain. Sparclige, je te remercie pour ta distraction.
- Oh je vous en prie, revenez quand vous voulez. »

Tout en s'éloignant, Ardolon dut subir les foudres de son ami. Pourquoi l'avoir arrêté alors que... Le jeune piaf souriait ? Décontenancé par son assurance, Valgor écouta la stratégie de son petit chef. Avec le peu de provisions qu'il leur restait, ils avaient encore de quoi se payer une nuit et un repas... Convenable, bien loin du festin qu'ils espéraient. Après tout, quelqu'un avait dilapidé leurs ressources...
Mais au petit matin, ils pourraient peut-être se refaire. Ardolon savait combien cette expression était une prophétie auto-destructrice mais il ne caressait pas le vain espoir de contrecarrer l'infortune. Ce jeu n'impliquait ni hasard ni adresse et s'il n'avait pas encore comprit la magie à l'oeuvre, il s'était promis qu'il ne repartirait pas sans racheter, à tout le moins, leur amour-propre.

La rosée parfumait l'horizon alors que son chapeau s'oblongeait de l'aube aux doigts d'or. La matinée s'annonçait aussi satinée que le sommeil d'Ardolon l'avait apaisé. Sa liesse, absconse selon Valgor, aurait parue bizarre si la piaf ne montrait pas autant d'assurance. Mais en l'état des choses, elle était juste absurde. Les remarques de son ami n'entamaient en rien sa félicité si incompréhensible.
Ils arrivèrent devant Sparclige qui, ayant suffisamment attendu, les accueillit d'un large sourire.

« Bien le bonjour, mes amis. Je craignais vous avoir vexé hier, mais je...
- Mon arc. Je mise mon arc.
- Euh... Oh, très bien ! L'arc alors... Bon, je mélange. »

Le jeune piaf vrilla ses yeux sur le visage du maître du jeu. Bien sûr, il ne vit rien. Alors, lorsque vint le moment de choisir un gobelet, il n'avait aucune idée d'où pourrait bien être a bille.

« Voilà ! Vous... Voyons, ne me fixez pas comme ça. Vous pouvez choisir !
- Vois-tu Sparclige, mon arc n'est pas d'une grande valeur...
- Oh mais ce n'est pas grave ! ... Ce qui compte, c'est de pouvoir jouer, n'est-ce pas ?
- Non, ce que je veux dire, c'est qu'il n'est pas très PRATIQUE. C'est vrai qu'il fait son office mais... Il est un peu LOURD, n'est-ce pas ?
- Ce... Ce n'est pas grave... Enfin, il a l'air de bien marcher. Il est efficace, n'est-ce pas ?
- C'est ça. Il est efficace. En fait, il est très efficace... Même quand la cible va très vite, je fais toujour mouche avec lui... »

Le monde n'était plus que deux paires d'yeux qui se jaugeaient. Valgor ne comprenait pas bien l'intérêt de leur discours (et quel moment mal choisi, d'ailleurs, alors que la bille était indubitablement sous le gobelet du centre...) Mais les deux piafs semblaient avoir suspendu le temps. Le silence se faisait si pesant que Valgor voulu le rompre en conseillant son ami, qui de toute évidence n'avait pas suivi les gobelets (ce qui était dommage, parce que bon, c'était le but du jeu, non ?)

« Bon, il serait grand temps de choisir parce que j'ai d'autres...
- JE CHOISIS LE CEEEEENTRE ! »

Ardolon hurla et fit s'abattre son arc avec tant de violence que tout son entourage en sursauta, cependant que l'impact fit sauter chaque gobelet et même Sparclige de sa chaise. Sitôt fut-il tombé à la renverse qu'un rire méphistophélitique résonna dans un écho qui alla crescendo, jusqu'à s'achever dans une esclaffade débridé. Le rito, déboussolé par sa chute, s'appuya sur la table ébréchée par le choc et se releva petit à petit.
Mais lorsque ses yeux arrivèrent au niveau de ses gobelets, il les écarquilla avec plus de peur que l'émoi provoqué dans tout le village.
Trois billes étaient sortis des trois gobelets.

Par une célérité que seule la panique pouvait conférer, l'escroc de rito tâcha de s'enfuir. Il prit son envol en un coup d'aile mais la flèche qu'Ardolon décocha siffla, en guise de préavis, à quelques centimètres du bec de Sparclige.

« En fait cet arc, il est vraiment très efficace... »

Vaincu et prêt à payer pour son escroquerie, Sparclige se rendit. Les villageois, rendus prospère par ses tromperies, ne l'entendaient pas de cette oreille mais face à la menace de Valgor et aux flèches d'Ardolon, ils consentirent silencieusement à la vindicte des étrangers. Un premier affirma tout d'abord avoir été forcé à aider le rito. Un autre que l'escroquerie était impardonnable. Et bien vite, les quelques âmes qui peuplaient le campement se firent le tranchant de la morale avec une probité discutable. Tant pour quitter cet atmosphère accusatrice que pour poursuivre leur nouveau collègue, ils s'envolèrent tous les trois dans les airs comme un trio de ritos.

« Il vaut mieux fuir ou ils auront ta peau ! ... Mais ne crois pas que tu sois tiré d'affaire, tu travailles pour moi désormais. Je suis ton chef en quelque sorte !
- Comment ? Mais jamais je ne...
- Valgor, n'oublie pas ma promesse... S'il fuit et que tu le rattrapes, c'est toi que j'appellerai mon patron.
- Oh, mais ça sera avec plaisir !

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