Chapitre 2 : Mépris de liberté

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Ardolon avait été sauvé par un village voisin de ritos. Les mois qui passèrent furent parmi les plus trépidants de ses printemps juvéniles parce qu'il s'était trouvé un objectif passionnant. Celui d'être un "expert de la visée" si brillant que ses sentiments ne pourraient qu'être réciproques. Il pensait en permanence à celle qui l'avait sauvé, que s'il était assez doué, peut-être qu'elle l'aimerait.
Nonobstant ses rêves, une vie bien plus prosaïque défila au rythme des saisons. Même s'il pensait sans cesse à elle, son quotidien était parmi les siens et bien loin de sa bien-aimée. Ardolon ne revit guère la belle piaf et lorsqu'il apprit que sa tribu itinérante ne reviendrait peut-être jamais, il rechuta dans l'amertume.

« Tu es trop jeune pour partir ; car il n'y a pas de vents favorables à qui ne sait pas où se rendre ! »

Mais que pouvait faire la sagesse d'un père face à la détresse d'un rêve dissous ? Prohiber sa folie serait stérile car la folie, peut-être, était de répéter la même mégarde en croyant qu'elle trouverait un résultat différente. À sa dernière fugue, le rito avait presque subi une mort fulgurante... Cependant les interdits ne l'empêcheraient pas de risquer sa vie bêtement. Il devait apprendre. D'ailleurs, son fils n'avait pas l'étoffe - ni la volonté - d'être un meneur décent. Mais si la fortune le guidait, peut-être qu'il reviendrait avec un semblant d'autorité ou du moins en ressortirait assez responsable pour apprendre à diriger.

« Soit. Tes ailes ont toujours été trop éprises de liberté pour rester avec nous. Peut-être que tu as juste besoin d'une motivation pour apprécier notre vie en société, tonna la voix altière du chef, non, d'un père sévère quoiqu'inquiet. J'ai foi en ton retour parmi nous, car après tout, là où croît le péril s'épanouissent aussi les combatifs. Or tu es un battant, car tu es mon fils. »

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Il avait tenu trente-six heures et si par miracle un refuge lui avait permis de dormir sereinement, tel n'était plus le cas maintenant. Tandis qu'il massait l'une de ses ailes, Ardolon lâcha un juron. Son carquois était vide et même ses réserves de nourriture s'amenui... N'était plus qu'un souvenir. L'endurance lui manquait tant qu'il ne sentait pas même la fatigue l'emmitonner de ses sarments léthargiques.
Craquements.
Le jeune piaf sursauta, manqua se vautrer et encocha, à son arc... Pas de flèche.

« Tu es si stupide que je peine à te distinguer des bokoblins... Espères-tu vraiment survivre ? »

Dans le silence vespéral, Ardolon pouvait entendre la voix mais aussi le dépit dans celle-ci. Pire, il lui était impossible de localiser l'origine de la menace.

« Je te propose un petit jeu... Si tu parviens à me toucher, je t'offre mon aide. Mais si jamais tu t'endors avant, tu risques de ne plus avoir grand-chose sur toi à ton réveil ! »


Comment osait-il ? ! Le rito s'empourpra de colère, pourtant il ne tenta pas de s'envoler. Vulnérable, affaibli et incapable d'identifier l'ennemi, il devait réfléchir.
Lorsqu'une lame frôla sa joue, il comprit qu'il devait réfléchir très vite.


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(Juste après le départ d'Ardolon, dans la maison familiale...)


« Mes services ne comprennent pas la garde d'enfants.
- Alors fais-en ton esclave, je m'en moque. Il doit apprendre et s'il faut pour cela qu'il frôle la mort, alors qu'il en soit ainsi.
- Je refuse. C'est trop compliqué. Il pourrait s'enfuir et mourir seul, ou même se montrer trop fragile, ou... »

Un glatissement assourdissant interrompit la négociation.

« Mon aîné est déjà décédé. »

La liberté est parfois un fardeau que certains ne peuvent pas supporter. Peut-être que son fils aîné n'était pas un piaf à l'esprit aussi convenable qu'au physique athlétique... Mais l'intelligence suprême est de survivre et cet unique épreuve de la nature était celle que devrait réussir Ardolon. Bien qu'il redoutait cet échec plus que tout au monde, son père s'en remettrait.
Bien plus, en tout cas, que de l'observer, jour après jour, se vautrer dans la médiocrité.


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Un glatissement assourdissant interrompit la négociation.

« J'espère que tu es à la hauteur de tes prétentions !
- Comment ? ! »

Tempérant sa colère, Ardolon se focalisa entièrement sur son ouïe. Pour l'instant, l'étranger n'avait pas bougé - il l'aurait entendu, dans la quiétude virginale de la nuit. Mais au fur et à mesure qu'il se concentrait, divers soubresauts parcouraient la forêt dans laquelle il se trouvait. Les spectres de son esprit, pareille à la mélodie d'un rêve, se tahissaient en mille bruits hostiles et pervers qui se mêlaient aux périls de la nature. Ces chimères n'étaient pas qu'une machination de son imagination : d'avides prunelles luisaient et présageaient qu'il ferait peut-être un agréable repas.

Quelles étaient les probabilités qu'il ne triomphât d'un seul d'entre eux ? Faible, très faible à cause de son état et de son équipement. Mais quelque chose, dans cet impossible rapport de force, l'excitait au plus haut point. Ses bras étaient puissants mais il ne pouvait pas risquer l'affrontement ; pourtant il s'empara d'une pierre et, comme si l'enfer ne s'éveillait pas tout autour de lui, il marchait aléatoirement entre les arbres. Des phallanges malfaisantes commençaient à s'étirer vers lui, prolongement cauchemardesque des branchages oblong.


À cet instant précis, il entendit un bruit différent. Il s'élança vers lui, faisant fi des risques et de la mort qui se tordait dans un atroce ballet. Alors il le vit... L'inconnu qui escomptait le surprendre descendit de son abri feuillu, évitant la charge fulgurante. Mais c'était sans compter l'agilité du rito qui pivota sur lui-même dans les airs, esquivant une potentielle. Avant même de retomber, il réussit à lancer sa pierre vers l'étranger.

« Argh... Bon sang qu'est-ce que tu... ? ! »

Scandalisé et indigné, l'étranger comprit que le piaf avait jeté ses dernières forces dans ce coup désespéré : le corps évanoui du rito s'était échoué près d'une falaise... Mais avant de s'endormir, il avait touché d'une pierre l'étranger.

Pourquoi avoir accepté la corvée de protéger un mioche ? Cet imbécile avait profité de la tentative du mercenaire de le sauver ce qui l'irritait bien plus que sa blessure, artificielle. Après s'être promis de se venger contre le piaf, l'étranger se prépara au combat. Quelques bêtes s'étaient réveillées dans les bois, prêtes à protéger leur territoire ; elles feraient des adversaires faibles sur qui passer ses nerfs !

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