Un choix difficile

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 J'attrapai le combiné d'une main tremblante, hésitante. Je savais que je prenais...que nous prenions un énorme risque à lui dévoiler ainsi la vérité, et cela même si c'était notre amie. La douce main d'Emilie vint se poser sur la mienne. Je la regardai, elle me lança un "vas-y" du regard et je décrochai enfin le téléphone et composai le numéro que j'avais trouvé dans un annuaire sur le web.

"Bon...bonjour, dis-je d'une voix tremblante et nerveuse

  •  Bonjour, me répondit une voix que je ne connaissais pas; qui est à l'appareil ?
  • Nox, je suis un ami de Justine, elle est là ? demandai-je avec l'espoir qu'elle me réponde non et qu'on en finisse avec ce calvaire.
  • Nox ? répondit la voix, semblant étonnée.
  • Oui, est-elle là ?
  • Euh non pas pour le moment. Mais vous êtes bien Nox ? Le Nox ?
  • Oui, pourquoi ? commençai-je à m'inquiéter, sûrement pour rien comme d'habitude.
  • Elle ne parle que de vous, depuis des semaines elle vous cherche. Quand je vais lui dire...; répondit la voix qui semblait soudainement plus joyeuse.
  • Dites lui juste qu'on aimerait lui parler et la rencontrer dans un café. Disons vers sept heures à celui sur la grande place ?
  • Ok, je lui transmettrai le message, dit la voix toujours enjouée.
  • Merci à vous, au revoir et bonne journée."

Je raccrochai, soulagé de ne pas avoir eu affaire à elle car même si c'était mon amie je ne voulais pas tout lui dévoiler au téléphone et convenir d'un rendez-vous allait me permettre de réfléchir à ce que je pourrais lui dire. J'étais paniqué. Emilie passa une main dans mes cheveux comme pour y chasser les pensées noires, ce qui je dois l'admettre marchait très bien. 

Nous attendîmes donc le moment fatidique où j'allais devoir me livrer avec un mélange paradoxal d'impatience et d'appréhension, tremblant de tout notre être, sentant la peur nous envahir au fur et à mesure que le temps filait. Je tournais en rond, nerveux. J'étais perdu dans mes réflexions et je n'écoutais même plus ce qu'il se passait autour de moi.

Puis mon téléphone vibra à six heures et demi, me signalant qu'il était temps de se mettre en route. Je pris mon manteau, mon écharpe et mon bonnet et je demandai à Emilie d'en faire de même car le soleil brûlait encore à l'horizon. Je rassemblai mon courage et attrapai la poignée de la porte d'entrée pour la tourner dans un grincement sourd comme sonnerait le glas d'une mort imminente. Nous prîmes l'ascenseur et sortîmes, direction le café.

A ma grande stupeur, Justine était déjà là. Je baissai les yeux, incapable de la regarder en face après m'être enfui comme un affreux bandit. Je lui balançai un petit bonjour discret et je crus un moment qu'elle allait me gifler mais elle n'en fit rien, au contraire, elle me prit dans ses bras. Je la sentis tremblante et à ses paroles chevrotantes, je sus qu'elle pleurait. Je la serrai donc fort contre moi, lui tapotant la tête et lui disant que tout allait aller maintenant. Je lui souris et elle me le rendit, séchant ses larmes d'un revers de la main. Nous entrâmes tous les trois dans le café.

"Con...content de te revoir, dis-je d'une voix timide, sans oser encore la regarder; désolé.

  •  Désolé de quoi ? D'être parti ? De ne pas avoir donné de nouvelles ? Nous pensions tous que tu avais été enlevé ou pire que tu étais mort !

 Je pouvais sentir dans sa voix, toute la colère, la peur et l'inquiétude qu'elle avait du ressentir durant tout ce temps où j'étais parti, même si je n'avais jamais été vraiment loin vu que l'on vivait, comme je l'appris, dans la même ville.

Elle reprit...

  •  Pourquoi es-tu parti sans rien dire ? Explique moi au moins, que je comprenne, me demanda-t-elle.
  • C'est difficile à expliquer, lui répondis-je, toujours tête baissée.
  • Oh, voyons, parle...Dis moi qu'as-tu pu faire au point de ne pas pouvoir en parler, dit-elle impatiente

 Je réfléchis à un moyen de lui dire que j'étais devenu un putain de vampire et que c'était pour cette triste et effrayante raison que j'étais parti sans rien dire à personne. Puis je finis par trouver les mots.

  •  Tu te souviens quand vous m'aviez retrouvé dans cette caverne, dans le coma ? demandai-je.
  • Oui, c'était Alain qui t'avait retrouvé, tu étais couvert de sang, répondit Justine dont on sentait encore une pointe de mépris dans la voix.
  • Et bien, ce jour-là j'avais été mordu par un ours.
  • Un ours ? dit-elle choquée.
  • Oui un ours, répétai-je.
  • D'accord, mais ça n'explique pas pourquoi tu t'es enfui un mois plus tard.
  • C'est là que j'arrive à la partie la plus difficile de l'histoire...

 Je ravalai ma salive, la boule au ventre, je tournai sept fois ma langue dans la bouche avant de reprendre avec hésitation.

  •  Quand je suis revenu à moi, j'avais changé à un point que tu ne peux même pas imaginer.
  • Changé comment ? demanda-t-elle, curieuse d'en connaître d'avantage
  • Je ne sais pas comment te le dire...Le...Le mieux c'est que je te montre, dis-je d'une voix hésitante. Mais je te préviens tu risques d'avoir peur et tu ne me verras plus jamais de la même façon après ça. Tu es prête ?
  • Oui, je crois, répondit-elle d'une voix qui laissait penser le contraire.

 Je pris une profonde inspiration, fermai les yeux puis visualisai mes canines s'allonger. Elles ressemblaient maintenant à des crocs brillant sous la flamme de la bougie qui éclairait la table.

Justine haleta de surprise, tomba de sa chaise et recula rapidement, les yeux écarquillés de stupeur et de frayeur. Aaaaaaah ! hurla-telle. Tout le monde se retourna et je dus vite cacher mes canines derrière mes lèvres tremblantes. 

  •  Je t'en pris, calme toi, ce n'est que moi, toujours le même moi, dis-je maintenant incertain que lui avoir dit la vérité eut été la meilleur chose à faire. Elle était tétanisée et je ne pouvais pas l'en blâmer.
  • Non, non, ne t'approche pas de moi, tu es un monstre, hurla-t-elle. Elle se précipita vers la sortie et je ne pus l'en retenir."

 Je fus choqué de sa réaction quoique compréhensif car moi-même je ne savais pas comment j'aurais réagi. Je regardai autour de moi, les clients du café nous fixaient toujours du regard, comme si l'on était deux bêtes curieuses. Je fis signe à mon amie de partir, lui emboîtant le pas. Nous attendîmes d'être assez loin et hors de vue, puis nous nous transformâmes et volâmes jusque chez moi.

Justine, elle, avait couru jusqu'au commissariat le plus proche et s'apprêta à entrer dans le bâtiment. Elle dirigea sa main frémissante vers la poignée puis retint son geste. Nox était son ami depuis maintenant cinq ans et même s'il était un monstre, était-ce de sa faute ? Pouvait-elle vraiment le livrer comme ça aux autorités ? Comme si ces années d'amitié n'avaient été que du vent. Une larme lui coula le long de la joue. Elle ferma les yeux un instant, plongée dans ses pensées. Au bout d'un moment, elle lâcha enfin la poignée et fit demi-tour. Finalement elle n'allait pas le vendre à la police, lui, son meilleur ami. 

  

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