Chapitre 21 : Alteanne

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Après m’être assoupie au cinéma, Jagger m’a réveillée, car le film venait tout juste de s’achever.

Sur le chemin, je n’ai pas prononcé un seul mot ni même adressé la parole à Jagger qui jette plusieurs coups d’œil dans ma direction.

À la suite de ce souvenir qui a détruit une bonne partie de mon enfance et un morceau de moi-même, je peux affirmer que la collision que j’ai eue avec ma mère n’a rien d’un accident classique qu’on voit tous les jours, sur les réseaux sociaux ou bien aux informations.

Cette scène se répète en boucle dans ma tête, je me remémore une dernière fois les paroles de mon paternel avant de mourir à mes côtés.

« Sois forte. Je suis désolée. Je t’aime, Alteanne. Tu ne seras jamais seule, je serai toujours près de toi, mon cœur. »

Se pourrait-il que cet acte ait été prémédité ? Je comprendrais si ma mère n’était pas aussi paniquée en conduisant la voiture et que l’autre chauffeur n’a pas eu l’intelligence d’allumer les phrases de son véhicule.

Elle avait peut-être des ennemis et n’avait jamais rien dit à personne. Elle semblait toujours sûre d’elle puis elle était gentille, bien qu’elle essayait constamment de contrôler ma vie.

Je me maudis d’avoir été capricieuse et insolente, ce jour-là.

De retour à la villa, je retire mes chaussures et les balance nonchalamment sur le seuil de la porte d’entrée. Jagger me stoppe dans mon élan, inquiet que je sois silencieuse.

— Alteanne, est-ce que tu vas bien ? Tu n’as rien dit depuis que nous avons quitté le cinéma.

— Tu ne devrais pas t’en faire pour autant. J’étais en train d’assimiler des bribes de mes souvenirs.

Son souffle s’exhale entre ses lèvres, il me pousse violemment jusqu’à ce que mon dos heurte le mur derrière moi et cueille mon menton pour me forcer à le regarder droit dans les yeux.

Un autre homme apparaît dans mon champ de vision, différent du Jagger que je connais. À la fois prédateur et déterminé, il ne cesse de me fixer de ses prunelles mi-verte et mi-noisette.

— Arrête de te faire du mal, ce n’est pas de ta faute, me dit-il en dégageant rapidement l’une de mes mèches de cheveux pour mieux m’analyser.

— Si je n’avais pas fait une comédie pour te voir à cette fête et pour te dire au revoir une dernière fois, elle serait toujours en vie.

— Le plus important, c’est que tu as survécu, me réplique-t-il en plantant son attention sombre dans le mien. Des événements catastrophiques, il y en a tous les jours, Alteanne ! On n’est pas à l’abri de tout, ça peut arriver à tout le monde.

Il ne comprend pas où je veux en venir…

— Des accrochages oui, des drames certes, mais pas l’accident de ma mère qui était autrefois qu’un simple incident, c’est autre chose. Je me suis souvenue de ce passage et je peux t’affirmer que c’est bien pire qu’on peut s’imaginer.

Il regarde de gauche à droite avant de susurrer aux creux de mon oreille.

— Je ne pense pas que ta mère avait des soucis. Du moins, si c’est le cas, elle n’en a jamais fait part. Et je vois mal Maria Miller avoir des ennemis, mais si ce que tu me dis est bel et bien vrai, alors elle a caché son jeu.

Je rétorque et hausse les épaules.

— Tu ne te rends pas compte, mais j’ai eu des problèmes tout au long de ma vie, entre la drogue, l’alcool et d’autres trucs qui sont néfastes. Mais j’ai la nette impression que pour le coup de l’hôtel, cela m’a été destiné.

— Ne raconte pas de connerie et d’ailleurs pour demander de l’aide à ce Chase, c’est que tu étais désespérée. Je précise que le Park Lane, la chambre était attribué à Alberto Suan, le plus riche de toute la planète, c’est sûr qu’il a des concurrents qui n’hésitent pas à anéantir sa famille par jalousie. Le monde des gens fortunés et celui des démunis, c’est le même. Ce n’est pas parce que tu es célèbre, que t’as pas de soucis ni de problèmes.

Je n’ai pas eu le temps de protester que Jagger épouse mes lèvres pour que je me taise.

Ce baiser est différent des autres qu’il a pu me donner. J’essaye de résister à cette attraction qui se déploie dans tout mon être.

Je le repousse, mais en vain, Jagger écrase tout son poids sur mon corps que, même, je peux sentir les pulsations de son cœur qui s’affolent au contact de mes mains sur son torse.

Une pluie de frissons aussi douce que des plumes s’invite entre nos respirations hachées et saccadées. Je tressaille légèrement avant de briser ce moment entre nous.

Je décide de me libérer de lui, pour mon bien-être. Il n’a pas retiré l’engagement qu’il a fait avec sa copine donc on va éviter de faire une connerie, car je sais que si je dépasse les limites, je vais le regretter.

— Putain ! Depuis que nous sommes petits, tu me rends dingue !

Je place mes deux mains sur ses joues et lui lance un sourire désolé.

— Nous deux, c’est impossible. Retiens bien ça, déclaré-je en m’installant sur le canapé alors que Jagger me suit à la trace.

Il s’allonge près de moi et me prend dans ses bras. Je le laisse faire, mais je crois qu’il va souffrir en courant après moi.

J’ai du mal à aimer un autre homme depuis que Caleb m’a trahie. Comme une personne qui n’a jamais eu de cœur. Cette femme qui ne pleure jamais lors des situations dramatiques ou chaotiques, elle reste ferme avec ses sentiments puis ne montre jamais ses faiblesses.

Je suis un peu du même type qu’elle.

— Ne joue pas trop avec moi, tu risques de te prendre violemment un mur.

— Je tente. Si cela ne marche pas, j’irai vers une autre nana.

Je fais volte-face et lui donne un coup de coude dans son abdomen.

— Je vois que madame n’a pas du tout apprécié. Jalouse ?

— Mais tu n’es qu’un connard ! Ça ne m’étonne pas que les filles préfèrent ton fric à toi.

— Je pourrai te décrocher la lune, Alteanne, réplique-t-il avec un rictus en coin.

Je ne peux contenir le fou rire qui s’échappe de ma bouche.

— Je suis le genre de femme qui peut se la conquérir toute seule.

— Mmmh, j’ai affaire avec une tigresse qui ne se laissera jamais dompter aussi facilement.

— Prenons exemple : tu veux construire ta tour d’ivoire. Mais comme matériel, tu as du carton, tu verras que par la suite, ton élément majeur est trop fragile pour créer un avenir résistant. Moi, j’ai des bases solides parce que je sais rebondir dans la vie, je n’ai plus besoin de ma famille pour réussir.

— En gros, tu viens de me dire que je suis un incapable et mou ? dit-il en resserrant son emprise sur moi.

Je me retourne vers lui tandis que Rainbow se met entre nous, il ronronne puis lèche la joue de Jagger avant de le mordiller.

— Lui aussi est d’accord avec moi.

— Attends que je me venge sur vous deux.

Je secoue la tête, amusée par la situation.

Vas-y, on verra de qui de nous deux va gagner.

Après avoir désinfecté la plaie de Jagger, ce dernier croit que Rainbow va lui refiler une bactérie ou un virus. Dès que les hommes ont un bobo, ils pensent qu’ils vont mourir ou alors ils veulent juste qu’on prenne soin d’eux, comme si l’on devenait subitement leur maman.

Cet homme est en manque d’attention, c’est sûr qu’avec Bethanie, comme copine, il ne doit pas connaître ses petits plaisirs de couple.

Ça doit être vraiment platonique, sans goût.

Heureusement qu’avec mon ex, je savais prendre les devants pour éviter l’ennui.

— Monsieur va mieux ?

Soudain, la porte du local s’ouvre à la volée et nous découvrons Andrew et Cameron — tous les deux — en sous-vêtements.

— On vous dérange peut-être ? requiert Jagger avec un large sourire qui se forme sur son visage.

Mon père regarde ailleurs alors que Cameron gratte sa tête, très gênée.

— Qu’est-ce que vous foutez dans la salle de bain, vous deux ? nous demande Andrew, perplexe.

— Mon infirmière personnelle m’a soigné, car son chat m’a mordu, rétorque Jagger, enthousiaste.

— Je t’ai à l’œil, petit con ! le menace-t-il en lui pointant du doigt avant de faire sortir Cameron de la pièce.

Jagger l’ignore et niche sa tête contre mon cou pour qu’Andrew se mette en rogne.

— Alteanne ne vient pas pleurer quand Jagger te fera souffrir à cause de la popularité qu’il a envers les femmes.

Je hoche la tête.

— Tu sais à qui tu ressembles, papa ?

— Vas-y, dis-moi, Alteanne !

— À maman ! Toujours à fouiller dans ma vie et essayer d’avoir le contrôle sur les autres. Je me souviens vaguement de la dernière discussion que vous avez eue avant qu’elle ne disparaisse. Je suis comme elle, têtue. Donc, tu devrais t’occuper de tes feux de l’amour avec Cameron au lieu de moi. Dans trois mois, je vais avoir vingt ans, je suis assez grande pour prendre des décisions.

— Ta propre fille s’imagine que je suis un gros con qui pense que je ne vaux rien dans ce monde.

— Elle n'a pas vraiment tort, Jagger.

***

Nageant dans la piscine, mes muscles se détendent petit à petit et je grimpe sur le matelas gonflable qui flotte sur l’eau. Je m’allonge sur celui-ci puis souffle un bon coup.

Les bras dépliés de chaque côté, mon regard se fige instantanément vers les étoiles, illuminant le ciel obscur. L’astre lunaire accompagne le scintillement des boules de feux qui brillent de toute leur splendeur sur l’étendue de la ville.

C’est tellement apaisant que je m’endormirai bien sous les constellations.

Un petit truc que j’aimerais faire, un jour. Je ne me suis jamais assoupie en dehors de ma maison, un peu trop craintive de la nature.

Je frotte mon visage avec la paume de mes mains et essaye d’oublier tous les soucis que ma vie engendre en ce moment.

Mon corps sursaute face à la tête qui vient de sortir du liquide turquoise avec un masque posé sur cette dernière. Cameron explose de rire, l’enlève d’une main, me rejoint à la hâte puis me prend dans ses bras.

— Alors, les vacances avec tes parents ?

— Pas génial, mais Andrew est venu me chercher. C’était la première fois que je l’avais vu en train de pleurer. Andrew est là pour tout le monde qu’il s’est — lui-même — perdu sur son propre chemin.

J’arque un sourcil, intriguée.

Est-ce que ce président-directeur général serait sensible ? Je suis sa fille et pourtant, je l’ai toujours connu froid et impénétrable. Je découvre une nouvelle facette de lui, pas celle qu’il avait avec ma mère, autrefois.

Je soupire de soulagement et enroule mes bras autour de la taille de Cameron et la serre contre moi.

— Merci de faire partie de ma vie, Cam. Pour mon père, c’est de sa faute ! Il ne prend pas soin de lui, mais en général les autres passent en premier. Il devrait même organiser son emploi du temps, un peu plus de vacances ou quelques jours de repos, ça lui fera du bien !

— C’est moi qui devrais te remercier, tu as toujours été là quand j’en avais le plus besoin. Eh oui, il devrait. Mais là, ça te dit qu’on se fasse un barbecue, j’ai la dalle !

— Attends, il est 23 h !

— Je sais. Mais j’ai une grosse envie de manger de la viande grillée et nous sommes deux à avoir faim, dit-elle en posant sa main sur mon ventre.

Mes yeux limpides s’écarquillent en analysant le bidon de ma meilleure amie.

Oh bordel de merde ! Je vais avoir un demi-frère ou une demi-sœur !

— Ça ne chôme pas chez vous.

— Arrête, je stresse vraiment ! Je ne sais pas m’occuper d’un bébé. Mais au lieu de parler de moi, ça avance Jagger et toi ?

Étonnée, je lui tire une grimace avant de lui répondre :

— Je ne suis pas en couple avec lui et il ne m’intéresse pas, en plus, il me court après !

Elle me sourit tendrement alors que j’aboie comme une lionne enragée.

— Tu devrais lui laisser une chance, il a changé depuis la dernière fois.

— Même pas en rêve ! Sa bimbo est encore avec lui.

— Donc s’il était célibataire, tu te serais engagée avec lui ?

Peut-être ou peut-être pas. Je suis la seule qui détient la clé de ce choix.

Quand ce n’est pas Jagger qui s’y met, c’est au tour de Cameron de reprendre la relève. Ils ont quoi, ce soir ? J’ai la nette impression qu’on essaye de me caser avec un mec qui officiellement n’est pas libre. On va éviter les conneries, j’en ai trop fait dans la vie !

— On se le fait ce barbecue, tu m’as donné envie d’en manger !

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