Chapitre 18 : Alteanne

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Le reste de la journée a défilé à une vitesse folle. J’ai passé toute mon après-midi à traîner dans les rayons du magasin, indécise. Mais j’ai pensé à Rainbow en premier.

Mon téléphone sonne. Je le sors de mon sac à main et regarde le destinataire. Caleb.

— Qu’est-ce qu’il me veut encore celui-là ? dis-je en contemplant la villa qui n’est plus très loin.

Je décroche et mets en arrière la mèche de cheveux qui me cache la vue des ruelles de Cambridge.

— J’ai vraiment besoin d’avoir une discussion avec toi…

Comme si c’était une évidence, il ose m’appeler quand il est bourré.

— Je t’écoute.

Il me raconte toujours et inlassablement le même refrain depuis des mois : tel que

« Alteanne, je t’aime », « Alteanne, tu me manques » ou bien « Alteanne, t’es toute ma vie ».

La fille qui aurait pardonné, c’était mon moi d’avant, mais lorsque que j’ai su qu’il se tapait pas mal de meufs derrière mon dos, j’ai fini par perdre patience et me suis éloignée sans qu’il s’en aperçoive. Maintenant, il n’y a plus rien. Ce lien s’est brisé en éclats.

Au lieu de l’écouter, je regarde le paysage qui s’offre à moi et respire l’air frais en oubliant l’interlocuteur qui est sur le bord de pleurer toutes les larmes de son corps.

L’alcool peut nous rendre tellement faibles et la fierté disparaît.

La tromperie est un choix, pas une erreur humaine.

Après qu’il a terminé de faire son petit numéro, je lui réponds à mon tour en prononçant ses cinq mots qui me brûlent tant les lèvres.

— Toi et moi : c’est fini, répliqué-je en franchissant le portail de la maison.

Je déboule l’allée, raccroche au nez de Caleb et range mon téléphone avant d’apercevoir mon grand frère présent avec un verre à la main. Je laisse les sacs glisser de mes mains sur les graviers et me rue vers Jayden pour lui sauter au cou.

— Je t’ai manqué, petite sœur.

— 8 mois, presque sans qu’on ne puisse se voir, lui déclaré-je en enroulant mes bras autour de sa taille.

Je pose ma tête contre son épaule.

— J’ai dû voyager un peu partout dans le monde pour le boulot.

Il me serre de plus en plus fort contre lui et me susurre quelques mots au creux de mon oreille :

— On devrait rejoindre les autres qui sont dans le jardin, ils commencent à allumer le barbecue et je t’ai offert un quelque chose pour me faire pardonner, j’espère qu’il te plaira.

Je hoche la tête, bien que je sois sceptique pour le présent qu’il a acheté. Il ne m’a jamais sorti ce coup-là : j’espère qu’il te plaira. Alors qu’il connaît très bien mes goûts.

Nous faisons le grand tour et nous tombons nez à nez sur la famille Suan réunis autour de table en train de discuter contrairement à Jagger et Beryn qui se sont mis à l’écart du reste.

Je m’installe près de mon père alors qu’il essaye d’offrir à manger à Rainbow, mais ce dernier fait des manières bizarres.

La viande est pourrie pour qu’il ait des haut-le-cœur ?

J’attrape le bout du steak haché entre les doigts et le lui tends. Ce dernier le sent, le croque, le mastique puis il m’en redemande.

— C’est un petit con ton chat ! s’écrit Andrew en lui assénant une pichenette au coin de son museau. Il a fait le coup avec tout le monde, sauf avec toi.

Je me marre en voyant que Rainbow préfère que ce soit sa maîtresse qui lui donne de la nourriture au lieu des inconnus. La paume de ma main caresse son pelage de couleur crème.

Tandis que Jayden pose le carton sur la table. Je hausse un sourcil, incrédule, et me précipite pour retirer le couvercle. Je découvre un magnifique pendentif en forme de cœur doré, disposé sur du coton. Bien que je ne sois pas une adepte des bijoux, j’ai le sourire s’affichant progressivement sur mon visage.

Alors c’était pour ça qu’il doutait que ce cadeau me fasse plaisir ou non. Je n’ai jamais rejeté les choses que mon frère m’offre, ils ont tous une valeur sentimentale.

Lorsque j’ouvre le cœur pour regarder ce qu’il y a à l’intérieur, je décèle qu’il ne s’agit pas d’un simple don. Cependant, j’essaye de retenir tant bien que mal cette larme qui décide de rouler toute seule sur ma joue.

D’une main absente, j’essuie les perles salées qui s’échappent de mes yeux.

Revoir sa mère sur une photo qui vous enlace tendrement dans ses bras, alors qu’elle n’est plus là, ça fait toujours aussi mal. Mais au moins, je sais qu'elle m'aimait plus que tout.

Mon frère attrape le collier et me le met autour du cou en faisant attention de ne pas casser l’attache, car il est tout petit.

Je respire, inspire bruyamment puis déverse le liquide jaunâtre dans mon gobelet avec une goutte de coca pour aromatiser la boisson avant que Samuel et Monica ne s’occupent à faire griller la viande et quelques charcuteries pour Beryn.

— Merci, Jayden. J’adore beaucoup.

Il me sourit en retour tandis que je l’admire à travers le cristallin de mon verre tout en buvant de l’alcool. Je n’ai pas saisi ce qu’il vient de se produire, mais mon regard se pose sur les deux silhouettes qui font bande à part, loin du monde. Je jette une œillade à Jagger et à Beryn, qui discutent depuis quelque temps. Flûte vide, je la remplis une nouvelle fois, attrape une chaise puis rejoins Jagger et sa petite sœur, sortant une cigarette de la poche de ma veste que j’allume lorsque je me rapproche près d’eux. Mais les deux me font comprendre que ma présence les dérange beaucoup et que mon arrivée ne les enchante pas.

C’est bon, j’ai capté !

Je reviens vers Andrew, qui voit que je m’ennuie de cette soirée, mais ne décroche pas un mot.

Il n’y a que Jayden, qui me parle, bien que sa conversation vire avec Andrew, bavardant du boulot, car c’est son chauffeur.

Je me relève puis me dirige dans la villa, mais Andrew m’interpelle.

— Tu comptes aller où comme ça ?

— Dans la maison, je vais aller regarder un film vu que cette fête s’annonce très déprimante et je n’ai pas envie d’être hypocrite, alors que je suis quelqu’un de franc.

J’ai surtout l’impression d’être seule, qu’on est obligé de m’adresser la parole uniquement parce que je suis la fille d’Andrew, sans plus. Je ne suis pas du même monde qu’eux. Autant quitter cette sphère qui me rend mal à l’aise. Les débats, cela ne m’intéresse pas plus que ça.

Plus tard dans la soirée, Kendrick est venu me rejoindre, car, lui aussi, il était agacé par les discours de politiques de Samuel et de Monica.

Tête posée contre son épaule, je lance un deuxième film et ferme les yeux en soupirant.

Une main se réfugie promptement dans mes cheveux qui descend progressivement sur ma nuque. Une pluie de frissons fait trembler tout mon être qui est chamboulé après ce contact doux, mais étrange. Cela ne me dérange pas, au contraire. J’aime bien.

Sur un petit nuage, je savoure ce moment. Je me sens tellement apaisée.

Au moment où mes yeux sont clos, je les rouvre, car j’ai ressenti une bouche s’écraser sur mes lèvres. Je presse mes lèvres pour lui rendre ce baiser et découvre que Kendrick s’est changé en Jagger juste avant que l’irritante sonnerie de mon téléphone ne décide d’achever ce cauchemar.

Brusquement, je me réveille et regarde autour de moi en frottant mes yeux du bout de mes doigts. Comment ai-je pu rêver de ce mec sachant que, lui et moi, nous ne sommes que des collègues de longue date.

Non pas ami, je le déteste depuis le premier jour où il m’a insultée de pute.

Le soleil chatoie de toute sa splendeur à travers les baies vitrées, je me redresse du canapé et constate que je me suis endormie avec les vêtements de la veille, mais quelqu’un a eu l’initiative de déposer une couverture sur moi. Une fois, assise sur le divan, je m’aperçois que le film a été mis sur pause. Je m’empare de la télécommande et l’éteins avant qu’une voix ne me fasse sursauter.

— Tu as passé une bonne nuit ? me demande Andrew. Café, thé ou jus d’orange ?

— Bonjour papa. Tu peux me laisser émerger s’il te plaît, dis-je en bâillant.

Bon sang ce cauchemar !

Il hausse les épaules et répond :

— Ton comportement m’a vraiment déçu, hier soir. Tu ne seras jamais une femme d’affaires.

Je lui darde une œillade meurtrière et me lève en étirant les muscles.

— Tant mieux ! Je ne suis pas une adepte de la politique et de tous ses trucs, moi. Et de plus, j’étais mise de côté par tout le monde. Tu croyais que j’allais rester sagement assise sur une chaise pendant que vous passiez une belle soirée ? Même pas en rêve ! J’étais de trop, ça s’est vu et je n’ai toujours pas digéré le coup que tu m’as fait l’autre jour donc tu m’excuseras.

— Tu iras loin avec ce caractère de merde, ma fille. Au moins, tu tiens de ta mère, tu n’as pas froid aux yeux quand tu t’adresses à quelqu’un surtout que j’ai eu vent de ton altercation avec Alberto au Midsummer House.

Je le laisse en plan, me dirige dans le jardin et m’installe sur la dernière chaise de libre à côté de Jagger qui me sourit. Je détourne aussitôt le regard, attrape la cafetière et déverse le liquide dans la tasse en essayant d’oublier.

— Ce matin, je suis avec les Stars, tu viendras me voir ?

— Pourquoi voudrais-tu que je vienne ?

— Parce que j’ai envie que tu sois présente.

Est-ce que je suis encore dans ce mauvais rêve ? C’est bien la première fois que Jagger me demande d’assister à l’un de ses entraînements.

— Dis-moi, tu te sens bien ?

— Ouais parfaitement, chérie.

Je grogne.

— Arrête avec ce surnom ridicule.

— Quoi, ça te fait penser à ton ex ?

— T’es vraiment qu’un abruti, Jagger ! Ça te sert à quoi de parler de Caleb ? T’es jaloux ou quoi ?

— Loin de là, mais je n’oublierais jamais ce que tu m’as annoncé dans le passé. Finalement, t’es comme toutes les nanas. Tu n’es pas aussi différente qu’elles, me balance-t-il froidement avant de sortir de table, furieux.

Il s’est levé du mauvais pied ?

Sa famille qui me foudroie d’un regard noir.

Ne comprenant pas la situation, je hausse les épaules et bois d’une traite le jus d’orange que Kendrick vient de me servir. Je le remercie. Ensuite, je marche en direction de la salle de bain, croisant Jagger qui n’est pas comme d’habitude.

Aujourd’hui, il n’est pas dans son état normal.

***

Je finis de me préparer, prends mon sac pour aller en cours et Andrew me rappelle que j’ai le permis donc je suis capable de conduire. Sauf qu’il a oublié que je n’ai pas de caisse, car je trouve que les derniers cris sont bien trop chers même si je détiens une grosse somme d’argent sur moi. Je ne suis pas une fille matérialiste, je sais encore me servir de mes deux jambes pour marcher.

Il me jette nonchalamment les clés de son bolide que je rattrape dans la foulée et m’ordonne de l’emmener à l’université pour juger si je suis apte à avoir une voiture.

Nous sortons en direction de sa bagnole et nous entrons dedans.

Les mains moites, je m’agrippe au volant comme s’il allait s’évaporer d’une minute à l’autre. J’entends le passager qui racle plusieurs fois sa gorge, c’est véritablement stressant. Andrew a vraiment la faculté pour me mettre mal à l’aise.

— C’est bon, tu arrêtes ! m’écrié-je en m’attachant et par la suite, j’introduis la clé dans son emplacement pour démarrer le moteur.

— Vous les femmes, vous avez le don pour gueuler.

— Attends, tu es en train de te foutre de moi, toi ? Tu es peut-être mon père, mais tu me stresses là.

— J’avais un chat coincé dans la gorge, dit-il en grattant une seconde fois son gosier.

Je soupire et monte à fond le son de l’autoradio au maximum pour ne plus l’entendre, mais les musiques me désespèrent encore plus. On dirait qu’on a atterri dans les années soixante-dix ou quatre-vingt. Andrew écoute ces vieilleries.

Aussitôt, je l’éteins et me concentre sur la route en appuyant sur l’accélérateur et l’embrayage pour éviter de caler.

Lorsque nous arrivons à la fac, je me gare sur le parking et souffle un grand coup en lâchant le volant.

— Mmmh, tu conduis bien. J’ai juste un truc à te déclarer : le guidon ne va pas se volatiliser, arrête d’être crispé comme ça, rétorque-t-il en éclatant de rire. Je te souhaite une bonne journée, ma fille.

— Merci, papa. On va essayer que cette journée se passe à merveille. Mais j’en doute fort.

— Fais-toi respecter, ne te laisse pas marcher sur les pieds. Défonce-les ou tue-les. Ouais non, mauvaise idée après je serais encore dans la merde à cause de toi.

Je secoue la tête puis décide d’aller à la patinoire pour voir l’équipe des Stars, s’entraîner. Du moins, visualiser ce qui cloche chez eux. Avec le temps, je suis sûre qu’ils arriveront à s’améliorer et à gagner leur tout premier match, enfin peut-être.

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