Chapitre 14 : Jagger

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Je vais sûrement le regretter, mais je n’en ai strictement rien à foutre.

Je viens de tout plaquer pour plusieurs raisons…

J’ai renoncé à mon poste de capitaine. Mais le hockey sur glace n’est pas le sport auquel j’ai envie de pratiquer toute ma vie. Cela reste juste une simple passion, rien de plus. J’ai des grandes responsabilités à gérer qui sont bien plus importantes. Et puis, je suis toujours en mesure de choisir une autre activité au campus, ce n’est pas comme si j’étais tout bonnement perdu.

J’ai sauté dans le premier avion qui partait en direction de Londres.

Ma ville natale, celle où je suis né bien que j’ai passé mon enfance au Minnesota dans un hameau qui se prénommait Green Hills. Enfin, on l’avait appelé comme ça, car il n’y avait que très peu d’habitants là-bas. Une quarantaine de villageois, si ce n’était pas moins.

D’une main absente, je tire sur ma chemise blanche qui me colle à la peau.

Je déteste porter des costards qui me compressent les muscles. Ils ont pris du volume avec les entraînements intensifs avec mon ancienne équipe. Mais je n’ai pas le choix à Londres, je dois être un minimum présentable !

Je grommelle vers la jeune femme qui a laissé son gosse chialer durant la totalité du trajet.

Par la suite, l’hôtesse de l’air nous informe que dans quelques minutes l’appareil va atterrir sur le territoire anglais.

Enfin !

Soulagé, je soupire et m’empare de la petite valise.

À travers le hublot, je constate que l’obscurité de la nuit étoilée m’indique qu’il est assez tard pour rejoindre le manoir de ma famille.

J’envoie rapidement un message à mon pote pour le prévenir que je suis de retour.

En descendant de l’engin, je balance mollement mon sac sur le dos, traverse la passerelle et décide de faire la route à pied jusque chez Elven, qui n’habite pas très loin de l’aéroport. Elven est un gars qui passe le plus clair de son temps à traîner dans les boîtes de nuit et dans les bars. Il est aussi un très bon ami depuis que mes parents ont divorcé.

Alors que je parviens à franchir le portail d’Elven, celui-ci surgit de nulle part et se rue à ma rencontre, le nez et la bouche ensanglantés.

— Mec, qu’est-ce que t’as foutu ? T’es tombé sur plus fort que toi ? éclaté-je de rire.

Il ne répond pas, et préfère ouvrir la porte de la maison pour courir jusqu’au salon.

Des perles salées dévalent le long de ses joues rouges et ses mains agrippent le rebord du meuble, il gémit de douleur lorsqu’il pose la compresse imbibée d’alcool sur ses lèvres.

Je m’installe sur une chaise, laisse glisser mon sac sur le sol et regarde mon ami qui est dans un sale état.

— J’avoue, j’ai rencontré un ninja dans le bistro. La meuf, elle m’a éclaté la gueule, dit-il en pansant ses plaies. Putain d’Américaine !

Les Américains ont le sang chaud, aussi.

— Une gonzesse t’a vraiment fracassé ? Tu voulais la violer ou quoi ?

— On a discuté et j’ai cru que le feeling était réciproque pour passer aux choses sérieuses et c’est là qu’elle m’a foutu son poing et m’a fait bouffer le comptoir.

Je me marre. Alors lui, il n’en loupe pas une ! Elven est comme moi, on n’aime pas quand les filles nous résistent. C’est excitant même quand elles nous fuient.

— Tu sais où elle habite ?

— Non, mais elle réside à l’hôtel Park Lane.

J’acquiesce d’un bref signe du menton et décide d’aller à l’auberge luxueuse.

Je ne vais pas laisser mon pote comme ça. C’est un jeu d’enfant ! Ma famille détient cette entreprise commerciale et ma mère est elle-même la gérante de Park Lane.

Je n’ai plus qu’à m’y rendre et de régler ce problème.

Après avoir fini ma cigarette, j’entre dans l’établissement avec Elven et je me précipite vers la réception, avec un faux sourire placardé sur mon visage.

— Bonsoir, monsieur Sullivan. Que puis-je faire pour vous ?

Je regarde mon ami et lui demande des détails sur la jeune femme qui l’a massacré.

— Une blonde assez grande avec des yeux vert émeraude et elle avait un chat.

Sa description me rappelle cette petite conne qui doit dormir paisiblement dans le manoir familial.

Pourquoi pensé-je à elle ? Pourquoi vient-elle encore me hanter ?

Ai-je du mal digéré le fait qu’elle m’a repoussé bien qu’elle soit une copine d’enfance ?

Faudrait-il la considérer comme une amie déjà ? Juste en me collant à elle, elle arrive même à me faire bander… Ouais, mauvais timing !

— Il y a bien une femme qui a réservé dans la soirée, après je ne pourrais en dire plus. Comme vous le savez monsieur Sullivan, nos clients restent confidentiels à cause des paparazzis.

— Pourrais-je avoir le numéro de chambre ?

Elle me regarde éberluée mais n'amorce aucun mouvement pour satisfaire ma demande. Je sens que je vais m'énerver puis une idée me percute.

— Si vous répondez à ma requête, je n'annoncerai pas à ma mère votre affront à mon égard ! la menace-je d'un ton sérieux et autoritaire. À moins que vous ne préfériez vous retrouver dans la rue. Un coup de fil de ma part et c'est la porte. C'est ce que vous voulez ?

Elle ne va pas me faire chier longtemps, celle-là !

Ses mains se mettent à trembler et elle vérifie sur son ordinateur avant d’écarquiller les yeux.

— Je… je suis désolé. Je ne peux rien vous dire, monsieur Sullivan.

Agacé, je ne lui donne pas le temps de souffler que je m’empare de son appareil pour consulter les réservations. Je hausse le sourcil, intrigué.

La dernière suite a été réservée au nom de la famille Suan, sauf qu’Alberto prévient toujours de sa venue et quand il débarque à Londres : tout le monde parle de lui comme si c’était le bon Dieu, mais, là, ce n’est pas le cas. Je n’ai pas entendu une vague d’hystérie des jeunes femmes assises sur le canapé du hall. Elles se seraient trémousser, car il détient des trillions de dollars à son actif.

Je mémorise le numéro de la piaule et prends l’ascenseur. Une fois sortie de la cage, je me rends devant la chambre et remarque que la porte est entrouverte.

Je pousse le battant et jette un œil dedans. De ma grosse voix, j’annonce mon entrée, mais personne ne se manifeste.

Je fouille un peu dans les pièces et discerne rapidement qu’une bouteille de Whisky vide et une boîte de médocs jonchent sur le plan de travail.

— Hé, Jagger ! Tu vois ce que je t’avais dit pour le matou ? Il miaulait devant une salle fermée à clé.

Mes prunelles tombent sur le pelage blanc crème de l’animal.

Il ressemble trop au petit chat d’Alteanne pour que ça soit une simple coïncidence.

Je me rue comme un malade et tambourine là où Elven a trouvé Rainbow. Il me semble qu’il se nomme de cette manière. Tout ceci est vraiment étrange, j'ai l’impression que quelque chose se trame à Londres. Pourquoi est-elle ici ? Enfin si c’est elle bien-sûr.

— Alteanne !!! dis-je sans me rendre compte que c’est elle que je vois dans mon esprit et non une autre personne.

Aucune réponse….

Par pitié, faîte qu'il ne s'agit pas d'elle ! Je ne me le pardonnerai jamais, si c'est le cas.

— Mec, je vais devoir défoncer la porte.

— Pourquoi ?

Je ne réponds pas et après une cinquième tentative de ma part, le bâti cède. Je pénètre dans les sanitaires, déboule jusqu’à la baignoire et demande à Elven de téléphoner aux pompiers. De mon côté, je sors le corps de l’eau pour le placer sur le carrelage.

Je commence à effectuer un massage cardiaque en disposant mes mains autour de sa poitrine comme à l’entraînement militaire que j’ai dû pratiquer pendant une année.

Ne meurs pas, idiote ! Je ne te laisserai pas partir aussi facilement.

Après dix minutes de bouche-à-bouche, Alteanne reprend connaissance, suffoque et recrache la flotte.

C'est à ce moment-là que l'ambulance arrive sur les lieux et remarque que la jeune fille vomit le liquide qu’elle a ingurgité.

— Encore une gosse de riche qui voulait se suicider.

— Je ne vous le permets pas, répliqué d’un ton agressif.

— Est-ce votre petite amie ?

Non.

— Oui.

Pourquoi ai-je répondu ça ?

De toute façon, ils n’ont pas à savoir si c’est ma copine ou non. À cet instant, je me sens stupide.

C’est peut-être à cause de moi qu’elle est dans cet état !

Après neuf ans de séparation, je me suis comporté comme un connard avec elle.

Pourquoi lui fais-je payer toutes ces années ? J’en sais foutrement rien !

Mais plus de peur que de mal. Elle est toujours en vie.

Nous sommes quittes désormais.

Quand nous n’étions que des gosses, c’est elle qui m’a sauvé lors de la noyade à la plage, j’ai voulu faire mon intéressant pour qu’elle me remarque.

Par contre, la mer ne m’avait pas fait de cadeau, elle.

J'irai la voir à l’hôpital.

Le lendemain matin, je me suis rendu au manoir. J’ai été surpris d’apprendre que ma famille était partie se promener alors qu’ils ne font jamais de balade.

Il s’est passé quoi après mon absence ? Ce n’est pas dans leur habitude…

Je marche en direction du salon et découvre qu’Andrew est assis sur le canapé accompagné de Karen suspendue à son bras.

Lorsque Karen m’aperçoit, elle sourit nerveusement et s’éloigne d’Andrew.

— Bonjour, Jagger, me déclare-t-elle froidement.

— Tu n’es pas censé être à Cambridge et à l’université, toi ?

Je réplique.

— Non, comme tu peux le voir, très cher oncle.

— Donc pourquoi es-tu venu ici ? me questionne Andrew, agacé.

À croire que je lui ai niqué son cou.

— Je voulais savoir comment allaient mes grands-parents.

— Ce n’est rien, Jagger. Andrew est en colère depuis hier, car une fille du peuple s’est invitée d’elle-même au manoir. On se sentait vraiment étouffé quand elle était présente.

Elle cherchait quoi au juste de l’argent ? demande Karen, dégoûtée.

— Sûrement, répond Andrew en jetant un regard vers l’horloge.

Mais quel connard, ce mec ! Je comprends mieux pourquoi elle a voulu mettre fin à ses jours. Eh dire que c’est la première fois que j’ai culpabilisé pour quelqu’un !

J’essaye de partir, mais Andrew m’interrompt.

— Tu comptes aller où comme ça ?

— À l’hôpital, voir cette fille du peuple qui a fait une tentative de suicide.

Aucune réaction ne se dresse sur le visage d’Andrew comme si la situation lui paraissait normale.

Qu’est ce qu’il lui arrive d'un seul coup ?

***

Les médecins et les analyses ont été formels à ce sujet, Alteanne n’avait aucune trace d’alcool dans le sang sauf qu’ils avaient retrouvé du Zolpidem en grande quantité. Un somnifère puissant qu’on prescrit à ceux qui ont une insomnie sévère transitoire. Les médicaments identifiés dans la suite sont différents.

Une main effleure délicatement ses cheveux et je sollicite Alteanne pour qu’elle mange au moins quelque chose. Mais cette dernière est tellement têtue qu’elle serait capable de me balancer le plat de résistance dans la gueule !

— Fais quand même un effort ! J’ai signé la décharge pour que tu sortes, d’ici.

Elle roule des yeux au ciel et me répond d’un ton sec :

— Je te signale que je n’ai bu que de la limonade à la pêche et après, je ne me souviens plus de rien ! Je ne suis pas drogué et je n’ai pas voulu me suicider !

Je te crois…

Alors que je tente de la rassurer du mieux que je peux, la porte s’ouvre à la volée et une silhouette familière pénètre dans la chambre et se précipite vers nous. Andrew.

— Mon amour, tu te sens comment ? demande-t-il à sa fille qui détourne le regard, furieuse. Je suis désolé, ma chérie. Je n’avais pas le choix. Finalement, j’ai cru bien faire, mais c’était une folie de t’emmener ici. Retournez à Cambridge et allez chez moi, je préfère que vous soyez en sécurité.

— T’as fait quoi, Andrew ? déclaré-je.

— Justement, j’essaye de comprendre. Monica m’avait appelé pour que je me rende à Londres, mais elle ne m’avait pas tout dit au téléphone.

— Qu’est-ce qu’il y a avec ma mère ?

— Notre famille a de gros soucis et nous ne savons pas d’où vient le problème. C’est pour ça que je vous demande de prendre le premier vol qui se présente.

À tous les coups, Andrew s’est encore foutu dans la merde…

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