Chapitre 1 : Alteanne

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La meilleure façon de décrire mon existence, serait, en un mot : « chaotique ».

Ouais, ma vie est un putain de champ de bataille.

Je ne parle pas de Caleb qui vient de me larguer en avouant qu’il ne m’avait jamais catégorisée dans la case : petite amie.

J’aurais préféré être aveugle et sourde que de croire à de belles paroles qui n’avaient aucun sens.

Caleb est un putain d’enfoiré !

« F*ck you, goodbye » à fond dans les oreilles, je me contente de ranger la paire de patins dans le casier et sors de la patinoire avant de tomber sur mon ex accompagné de sa nouvelle bimbo suspendue à son bras.

Il a encore l’audace de venir ici pour me faire comprendre qu'il m'a déjà remplacée et que je n’étais qu’un simple trophée dans sa collection.

Va te faire foutre connard !

Je me hâte rapidement à travers la foule qui se précipite vers leur voiture tandis que moi, je cherche du regard mon meilleur ami, Adam, assis sur le capot de la sienne, cigarette à la bouche.

Pendant quatre ans, j’ai soudoyé mon père pour qu’il me laisse un peu d’autonomie. Il a attendu que je sois vraiment capable de prendre sérieusement ma vie en main pour m’accorder cette faveur. Avant, je n’étais pas la fille que je suis devenue.

Je jonglais souvent avec les mauvaises fréquentations et la drogue.

À vrai dire, j’ai sombré dans les substances illicites à cause d’un accident de voiture. J’ai survécu, mais ma maman est morte sur le coup.

Un camion s’est élancé à toute vitesse sur la route principale et il nous a percutées de plein fouet, cela s’est passé à Green Hills à trois milles kilomètres de Cambridge. Je ne vis plus là-bas maintenant.

Si seulement je n’avais pas fait un caprice pour aller à la fête foraine, elle serait toujours là…

Mon paternel et son ami d’enfance m’ont beaucoup épaulée pour que je me relève de cette crise d’adolescence qui a très mal tourné.

Je ne les remercierai jamais assez du temps qu’ils m’ont consacré, pour que je me sorte de ce cercle vicieux.

Adam descend de la carrosserie et jette son mégot sur le bitume.

Je m’assois sur le siège passager et remarque qu’il semble mal à l’aise.

— Un souci, Adam ?

Il soupire.

— Ma famille vient d’arriver à Cambridge.

Pied au plancher, il fixe la route et je sens la Chevrolet s’élancer, signe qu’il roule de plus en plus vite sur la route principale.

— Et alors ? Tu devrais être content qu’elle vienne te voir ! lui déclaré-je.

— Pas du tout. Lors du meeting de ce soir, je vais encore être comparé à Jagger.

Bouche bée, mes yeux s’écarquillent soudainement.

— Ce Jagger n’est pas la création que tu avais faite en arrachant la tête d’une poupée parce que tu le détestais ?

Il explose de rire.

— En toute honnêteté, Jagger est mon jumeau et notre relation est trop toxique. Nous ne nous sommes pas parlé depuis des années.

— Tu ne me l’as jamais dit auparavant !

— Pourquoi parler d’un mec que je ne peux pas supporter, même en peinture ?

Eh bien, l’ambiance doit être assez glauque entre les deux hommes !

Heureusement que je n’ai pas de haine contre mon grand frère, Jayden.

Nous sommes unis comme les doigts de la main, bien qu’il soit obligé de jouer le chauffeur avec Andrew, l’acolyte de mon paternel. Andrew est un grand businessman qui doit souvent se déplacer, donc Jayden n’a plus vraiment le temps pour les autres, il pense toujours à moi quand on ne se voit pas pendant des semaines ou des mois.

Ce ne sont pas les cadeaux que je reçois à chaque anniversaire qui vont me rendre heureuse, mais l’importance que j’ai pour Jayden.

Adam se gare devant mon nouveau domicile, le sourire aux lèvres. J’ai le cœur qui bat un peu plus vite en réfléchissant à ma nouvelle vie qui débutera lorsque je mettrai les pieds dans le studio se trouvant face à nous.

Avant de partir à trois mille cinq cents kilomètres pour voir les grands canyons en Arizona avec ma meilleure amie, Cameron, pendant les vacances d’été, on m’avait proposé d’intégrer la fratrie des pom-pom girls, mais j’ai refusé.

Personne n’a compris pourquoi, moi la capitaine des Cheers, n’ai pas voulu résider avec son équipe. J’en ai marre de faire semblant et de me faire passer pour quelqu’un que je ne suis pas.

Ce n’est pas moi, ça !

Je fais partie de cette bande juste pour la bourse, rien de plus.

Je me tape des entraînements avec des bras cassés qui ne savent pas tenir une chorégraphie de dix secondes sans se remaquiller derrière ou de hurler parce qu’elles se sont cassé un ongle.

Je ne participe pas aux soirées qu’elles organisent dans lesquelles on y trouve que les étudiants les plus populaires. Ils ne sont présents que pour jouer les hypocrites et vider les fûts de bière. Cela ne m’intéresse pas ! Et cela m’évitera de replonger dans mon ancienne vie.

La portière s’ouvre en grand et Adam me propose sa main pour m’extirper de la caisse.

— Tu t’entraînes à jouer au gentleman à cause de cette réunion ?

— Ne te fous pas de ma gueule, Alteanne.

Je pouffe, relève mes pupilles verdâtres vers le logement et décèle qu’une bagnole de couleur opaque pile en plein milieu de la route. Je fouille dans la poche de ma veste pour tirer une clope de mon paquet, un type élégant sort de son bolide et s’adresse à Adam.

— Changement de plan, Adam ! On est invité à un gala. J’ai un costume pour toi, dit Andrew qui enlève son masque. Ah bonsoir, Alteanne ! Alors le studio te plaît ?

Je hausse les épaules.

— Je sais pas ! Je venais d’arriver avant que tu ne roules comme un taré dans l’avenue.

— Attends, tu avais toute la journée pour le visiter !

— J’étais à la patinoire pour oublier que mon ex est un parfait connard, ça te va comme explication ?

Je passe mon temps à me justifier, mais, à cause de mes anciennes conneries, c’est très compliqué !

Je vois dans son regard qu’il ne me croit pas une seule seconde.

Je ne suis pas venue là-bas à cause de Caleb, mais bien de ma mère.

Quand je pense à elle, je vais sur la glace et j’y reste toute la journée.

Je sais qu’elle était une professionnelle dans le domaine du hockey, mais moi, je ne ferai pas ce sport qu’elle voulait que je fasse.

Pas après tout ce qu’il s’est passé…

— Elle te manque encore, n’est-ce pas ?

À ton avis, ducon ! Bien sûr que son absence m’affecte encore.

Je ravale mes larmes et lève les yeux au ciel.

— Assez pour me prendre une journée de détente chez Gordon.

Gordon est le propriétaire de la deuxième patinoire la plus réputée de la ville et c’est aussi un excellent coach.

— Es-tu sûre que ça va aller, Alteanne ? me demande Andrew d’une voix peinée.

— Ouais, t’en fais pas ! Je suis déjà revenue de loin. Je vais surtout déballer les cartons et commander une pizza.

— D’accord, si tu as un problème, n’hésite pas à m’en parler et à m’appeler.

Andrew passe un bras sur mes épaules et me colle contre lui en posant ses lèvres sur mon front.

Désemparée, je recule d’un pas.

C’est la première fois qu’il a un geste aussi déplacé envers moi.

Depuis l’enfance, le plus souvent, c’est lui qui venait me récupérer à la sortie de l’école alors qu’il était très occupé à gérer ses entreprises multinationales, contrairement à mon père qui travaillait d’arrache-pied au restaurant qu’il avait acquis.

Il adore cuisiner et sa fille passe toujours en dernier.

Andrew tente de le remplacer afin que je ne manque pas d’affection.

— J’espère que tu ne développes pas des sentiments à mon égard.

Andrew s’étouffe à moitié avec sa salive.

— Ma chère fille, je ne pratique pas encore l’inceste.

J’arque subitement un sourcil vers lui tandis qu’il se reprend.

— Depuis le temps que je te connais, t’es devenu en quelque sorte un membre de ma famille, Alteanne. Bon, trêve de plaisanteries, si nous arrivons en retard, je vais me prendre les foudres de Monica. Fais attention à toi, petite.

Je hoche la tête et laisse Andrew partir à sa fameuse cérémonie qui doit être aussi ennuyeuse qu’un discours de politiciens.

Peut-être que ce n’est pas encore le moment pour Andrew de m’avouer ce que je sais déjà sur lui… Je ne savais pas que les présidents généraux de direction pouvaient cacher des choses importantes.

***

Les affaires rangées dans l’armoire, les boîtes déballées, les sacs fourrés dans le placard et le livreur toujours pas arrivé, je m’accorde un moment de répit et me laisse tomber sur le canapé.

Il faut que j’informe Andrew qu’un studio ne contient qu’une pièce, pas plusieurs. Un petit endroit parfaitement rénové du sol au plafond comme je l’espérais et dire qu’il était en travaux pendant quatre ans, d’après Andrew et mon père.

J’ai la certitude que, depuis le début, ils avaient tout planifié pour me permettre de vivre dans un endroit confortable.

Une sonnerie stridente résonne entre les murs de mon appart, je coule un regard vers mon téléphone et distingue qu’on a sûrement ordonné à Jayden de m’appeler pour voir si je n’ai pas foutu le feu dans la maison, si je ne me suis pas cassée une jambe ou simplement pour prendre de mes nouvelles, car c’est la première fois que je vis toute seule sans un parent scotché à mon cul.

Je réponds à Jayden tandis que le coursier m’envoie un message sur mon mobile pour m’indiquer qu’il est devant la porte d’entrée.

— Ne me dis rien, on t’a demandé de m’espionner pour voir ce que je fais ?

— Même pas, je voulais savoir si ma petite sœur se portait bien !

— Tu rates une occasion en or, je viens de commander deux pizzas au fromage.

— Ton mec n’est pas avec toi ?

Je grogne.

— Entre lui et moi : c’est fini. Je suis passée à autre chose, courir après un gars, ce n’est pas mon truc. On sait ce que l’on perd, mais jamais ce que l’on gagne.

— Tu n’as pas tort ! Dans vingt minutes, j’arrive ! Je ne manquerai pour rien au monde ma nourriture préférée, me dit-il enjoué.

Rien de mieux qu’une soirée avec son frère avant de reprendre les cours dans la prestigieuse université d’Harvard.

C’est le meilleur dîner auquel j’ai assisté. J’ai été enjouée quand Jayden m’a raconté les voyages d’affaires qu’il a dû faire pour son patron. Andrew ne lui facilite pas la tâche en l’emmenant partout où il va.

Posés sur le divan, nous regardons un film avant que la sonnette de la maison ne retentisse une seconde fois.

Je mets sur pause et hausse les épaules, ne sachant pas qui cela pourrait être à cette heure tardive.

Je me relève du sofa et me dirige vers la porte. Je l’ouvre en découvrant Andrew, Adam et son jumeau avec des baluchons sur son dos et un gros sac de sport dans sa main.

Il fait quoi avec ses affaires ?

— Entrez, m’exclamé-je en avalant ma salive.

Les garçons s’installent dans le salon tandis qu’Adam me prend à part et ferme la porte des toilettes.

— Tu vas me séquestrer dans les chiottes maintenant ?

— Non, mais je te mets en garde contre Jagger. Après toutes ces années, le type est devenu pire qu’avant. Il nous a même sorti que tu étais une traînée, car il a vu la photo sur le fond d’écran de mon portable quand je t’ai prise dans mes bras. Il croit même que tu es ma copine.

Finalement, je crois que je ne vais pas aimer son frère ! Il se prend pour qui pour juger quelqu'un qu'il ne connaît même pas ?

Nous sortons et revenons dans le séjour en dardant une œillade meurtrière à Jagger. Je lui présente mon majeur et me rassis sur le canapé d’angle.

— Calme-toi, me lance froidement Andrew.

— Super l’ambiance, il s’est passé quoi ? questionne mon frère.

— D’après le frère d’Adam, je suis une pute.

Jagger ne réplique pas et pose ses affaires sur le sol carrelé. Je le toise d’un regard noir avant qu’il ne dise d’une voix rauque :

— Alors c’est ici que je vais vivre pendant une année. Ouais, pas mal la déco ! T’aurais pu mieux faire Andrew.

— C’était pour Alteanne pas pour toi !

— Ne me dis pas que je dois partager le logement avec ce mec, Andrew ?

Je serre les poings et fulmine contre Andrew.

— Je croyais que j’allais vivre toute seule ? Pourquoi ne pas m’avoir dit qu’il y avait quelqu’un d’autre qui allait s'installer aussi ? Je ne sais pas, mais la moindre des choses, on avertit les gens si cela les dérange ou pas !

— Monica, la mère des jumeaux, ne m'a pas vraiment laissé le choix et c’est juste pour une année, tu ne vas pas en faire un drame, ma chérie ? Ce n’est pas encore la fin du monde ! Et je suis sûr que Jagger se tiendra bien. Pas vrai ?

— Oui, répond-il froidement en laissant apparaître un rictus moqueur.

Ah non, mais c’est l’hôpital qui se fout de la charité ! Et en plus, il se fout de ma poire avec son air hautain que j’ai envie de lui faire ravaler par les trous du nez !

Si c’était une fille, je n’aurais rien dit. Mais là, c’est un mec ! En comparant les deux frères, Adam est le type le plus cool que je connaisse. Jagger, c’est un type fier et insolent qui doit enchaîner les conquêtes à tour de rôle.

D’ici là, un meurtre va se produire, c’est sûr et certain avec cet énergumène !

Adieu la liberté de traîner en shorty et en t-shirt puis de faire les grasses mat’ !

Je viens de m’embarquer dans une drôle de situation…

Je vais vivre avec un homme et je ne peux pas protester contre lui vu la façon dont Andrew me regarde, il vaut mieux ne pas énerver le businessman.

— Jagger, je pense que tu peux accorder le plumard à Alteanne et toi tu prends le divan.

— Pardon ? dit-il en me regardant et en rompant le contact aussitôt. D’accord.

En entendant mon prénom, j’ai vu qu’il était surpris et tellement mal à l’aise qu’il a préféré regarder le parquet.

Je laisse les hommes en plan pour me glisser dans la salle d’eau et prendre une bonne douche.

J’ai besoin d’un moment de détente et de calme face à tout ce qu’il vient de se passer.

Je vais devoir partager mon espace avec ce mec arrogant…

En mettant mon pyjama – un short moulant rose et un t-shirt blanc – je dépose une serviette sur ma tignasse indomptable pour qu’elle éponge plus vite l’humidité. Je n’ai jamais aimé les sèche-cheveux. Je suis pour le naturel.

Je sors de la salle de bain et me dirige dans la cuisine pour proposer les trois dernières parts de pizza à Jagger, mais il est déjà dedans.

— Tu sais ce qu’il y a de comestible dans ce placard ? J’ai faim !

— Si tu veux, il y a de la pizza que je n’ai pas finie de manger.

— Désolé, j’aime pas ça ! Je fais attention au gras. Prépare-moi quelque chose !

Encore un mec qui se prend pour un prince ou il a envie que je joue à la maman parce que sa mère s’est recasée à Londres sans lui ? Qu’il n’attende pas quelque chose de moi, je ne suis pas sa « boniche », « domestique », « servante », ou « cuisinière », c’est hors de question ! Il fait comme tout le monde, il se démerde !

— Bonne chance, lui dis-je en allant dans ma chambre pour préparer mon sac de cours pour demain.

Je plie et range mes affaires dans mon Longchamp avant de me glisser sous les couettes, il fait un froid de canard dans le logis. Je prends rapidement mon téléphone et vais sur YouTube en tapant dans la barre de recherche « Asmr scratching no talking. »

Ce sont des vidéos relaxantes. Cela aide beaucoup les gens qui recherchent de la détente après une journée au travail ou au lycée. Ces techniques sensorielles sont destinées aux personnes stressées et anxieuses afin de décompresser et mieux dormir la nuit et ainsi éviter de finir droguées avec des cachets qui ne font plus effet au bout de quelques prises.

Moi aussi, j’en fais partie. Je suis parfois insomniaque et aussi stressée.

Je crée une playlist en vitesse, mets mes écouteurs en bluetooth et les insère dans mes oreilles.

Jagger va foutre le bordel toute la soirée et une bonne partie de la nuit à ce rythme. De loin, j’ai entendu du verre se briser.

Je soupire en me concentrant sur ma respiration.

Inspirer pendant quatre secondes, bloquer pendant quatre autres secondes puis expirer lentement.

Je le fais plusieurs fois tout en écoutant le bruit du papier à bulle sur le micro.

Des frissons parcourent délicieusement mon corps qui réagit aux crépitements de cette vidéo.

Je m’endors profondément après avoir entendu la douce voix de la youtubeuse.

Dans quelques heures, j’entame ma troisième année à Harvard.

Et demain, c’est la rentrée !

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