Chapitre 7 : Jagger

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Elle est là, dans la patinoire, assise sur les gradins en train d’applaudir notre victoire face aux Knight.

Hypocrite !

Le coach l’a forcé à assister à notre match sinon elle allait la virer des cheerleaders et Alteanne aurait été remplacée par Bethanie.

Mon regard s’est figé pendant quelques instants sur sa silhouette avant que je ne m’aperçoive que son ex se rapproche d’elle. Il place son bras sur ses épaules et glisse sa main dans ses cheveux.

L’un de mes coéquipiers me fait revenir à la réalité en me jetant le palet et sa crosse de hockey à mes pieds.

— Hé Jagger ! La sororité organise une soirée juste pour nous, tu viens ? me demande-t-il avant de lancer un coup d’œil furtif sur le côté. Mec, t’es pas sérieux ?

— Pour baiser et se bourrer la gueule à la fête ? Ouais, je suis toujours présent surtout quand il s’agit de nanas en chaleur.

— T’as raison de t’amuser dans la cour des petits, c’est plus facile de niquer avec ces gonzesses. Néanmoins, Alteanne, c’est un autre registre. Elle ne joue qu’avec les grands. Ne pense pas que tu puisses avoir une chance avec elle. C’est mort !

Je lâche un long soupir puis secoue la tête en rigolant.

— Elle m’intéresse pas ! J’ai pas envie de courir après des coincés.

Quoique…bonne avec un sacré caractère comme son père, c’est mort !

Alors que je reviens pour m’asseoir sur le banc avec mon équipe, Lilian s’exclame haut et fort :

— Nan, mais regardez-moi ça ! Caleb qui rampe comme un chien pour reconquérir son ex.

— Gros, laisse tomber, tu perds ton temps avec cette meuf. Viens à la fête de ce soir, je suis sûr que tu trouveras une nana plus facile, répliqué-je pour éviter qu’il ne fasse des efforts pour rien.

Alteanne me foudroie du regard et Caleb commence à m’agresser.

— De quoi tu te mêles ? Fils de p…

Je vais le tuer. Je vais le tuer. Je vais le tuer !

Je répète sans cesse ses mots dans mon esprit avant de passer à l’action. Mes coéquipiers n’ont pas le temps de dire ouf que je suis déjà en train de sauter dans les tribunes pour démolir Caleb, mais Alteanne me barre la route et me plaque brutalement sur l’un des sièges en me bloquant mes bras et mes jambes.

— Bouge de là, salope !

— Non, je vais attendre que tu sois calmé pour te relâcher, me dit-elle avant que sa main ne s’entrechoque sur mon visage. Ose encore me traiter, je te fais bouffer les lames de tes patins à glace ou bien tu vas finir par traverser la vitre, connard !

Elle est sérieuse ? Elle en devient presque flippante ! On dirait que c’est Andrew qui est en face de moi.

Bethanie arrive par-derrière et prend en traite Alteanne qui tombe subitement sur le sol en échappant un cri de douleur.

Eh ouais, ma jolie !

Elle se relève en furie et contre-attaque, mais je l’attrape par les bras puis la claque violemment contre la rambarde en métal par accident. Je cesse de la tenir et regagne les vestiaires en voyant les coachs qui accourent dans notre direction.

Il y a à peine une heure que la soirée a débuté.

Je balaie le coin des yeux. Un espace convivial pour accueillir les pom-pom girls. Une flopée de trophées sont placés dans une vitrine et les tables sont jonchées de bouteilles d’alcool. Certaines nanas sont arrivées en tenue translucide et d’autres sont dénudées jusqu’à ce qu’on voie leurs seins et leur vulve.

La musique poussée à son maximum, je m’enfonce un peu plus dans le canapé et finis la dernière gorgée de mon verre en tapotant l’épaule d’une fille que je viens de baiser dans l’une des chambres.

— Jessica, soit gentille… Ramène-moi à boire, j’ai soif !

— Pour info, je m’appelle Kim !

J’en ai rien à foutre !

Elle se met à glousser quand je lui lance mon plus beau sourire et se précipite pour me donner un nouveau récipient rempli jusqu’à ras bord.

Soudain quand Kim me redemande de la soulever une deuxième fois dans un lit, toutes les cheerleaders entrent dans la salle et éteignent aussitôt la chanson. L’une d’entre elles monte sur un meuble et agite les bras pour attirer toute notre attention tandis qu’une autre allume son ordinateur et active le bluetooth pour le relier à l’enceinte.

— Les gars, on est vraiment dans la merde ! Je vais appeler Adam pour avoir confirmation de ce que j’ai pu entendre tout à l’heure.

Des mecs hèlent de loin et sifflent avec les doigts pour que les étudiants ferment leur gueule une bonne fois pour toutes.

Que se passe-t-il au juste ? Ça doit être grave pour que les filles soient en train de se décomposer et de trembler.

Ruby téléphone aussitôt à Adam et active le haut-parleur en amplifiant le son de la baffle pour que tout le monde écoute la conversation.

— Salut, Adam. Dis-moi, c’est vrai que notre capitaine ne pourrait plus faire partie de notre équipe ?

— Mon enculé de frère lui a fracturé la colonne vertébrale et elle a des côtes fêlées, du à l’impact de l’accoudoir. Ce n’est pas une question de temps puisque, le sport, c’est terminé pour elle.

— Fais chier ! s’écrie Ruby.

Ma tête part en arrière, je fixe le plafond et plaque une main sur mon visage pour couvrir ma vision puis je ferme les yeux en comprenant que j’ai détruit le domaine qu’Alteanne aimait par-dessus tout. Le patinage, c’est comme le hockey, mais sans crosse et sans équipement.

Putain, elle ne me le pardonnera jamais !

Eh puis ce n’est pas de ma faute ! Caleb n’aurait jamais dû m’insulter de fils de pute. Tout ceci ne serait jamais arrivé !

Après que la discussion s’achève, tous les regards se sont braqués sur moi. Ils m’affirment tous que j’étais le seul coupable dans l’histoire. Bethanie, fière d’elle, m’accuse en jouant la pauvre victime et elle argumente la bagarre de sa voix mielleuse.

— J’ai cru qu’elle était en train de draguer mon mec parce qu’il avait gagné, se décrédibilise-t-elle en niant.

L’une des filles prend ma défense en croisant les bras contre sa poitrine. Elle peste contre Bethanie.

— Dis donc, t’es super gonflée !

Brittany, la grande sœur de Bethanie, se montre ferme et stricte envers elle.

— Ça aurait été un autre gars, tu lui aurais fait la même chose, frangine ?

Bethanie secoue la tête, agacée. Elle décide de quitter les lieux avant que Ruby ne s’étrangle en avalant une gorgée de sa bière.

— Tu te rends compte qu’à cause de toi, on a perdu un pilier dans notre équipe ? Si c’était une autre fille, je m’en fichais ! Mais Alteanne, c’était la meilleure et tu ne peux pas dire le contraire. Comment peux-tu lui faire payer après autant d’années ?

Interloqués, nous fixons Béthanie ne sachant pas de quoi la meuf est en train de jacter.

Des perles salées roulent le long de son visage, incapable de parler.

Meghan, l'amie de Bethanie, rejoint Ruby, elle extirpe le micro qui est posé sur le bureau et l’enclenche dans la prise jack de l’enceinte. Le bruit strident de cet appareil explose nos tympans.

— Désolé pour ça les gars ! s’exclame-t-elle en regardant son amie. Il y a presque trois ans qu’Alteanne nous a fait faux bond à la sororité, mais je comprends tout à fait pourquoi elle est partie et chaque année, elle refuse de remettre les pieds ici. Bethanie, je sais que tu peux être une personne formidable quand nous ne sommes que toutes les deux. Mais au moment où il y a tout le monde, tu deviens une putain de peste !

— Ouais et alors ? réplique Bethanie en reniflant.

Angie, la déléguée du comité, s’empare du micro et avoue la vérité tant attendue.

— Ce que Meghan veut vous dire, c’est que Bethanie a eu une liaison avec Alteanne pendant qu’elle vivait ici et madame n’a jamais accepté qu’Alteanne puisse la larguer pour un mec.

Putain, elle a osé me faire ça ! Elle a eu le culot de me tromper avec des femmes ! me répété-je en serrant brutalement le gobelet dans ma main et en lui adressant un regard noir.

— Bethanie, l’apostrophé-je subitement. Ne touche plus jamais à Alteanne de toute ta vie !

Les gens présents dans la salle se demandent où je veux en venir.

J’ai mes raisons…

Des tonnes de raisons…

Je me relève du sofa et me retire de la soirée pour retourner à mon appartement.

***

Des canettes sont répandues sur la moquette, des mégots sont empilés les uns sur les autres presque à dégringoler du cendrier et à tomber sur le tapis en laine. L’arrière de mon crâne se cogne fortement contre le mur en béton, incapable d’avoir une seule pensée cohérente.

Trop perturbé pour réfléchir à quelque chose.

J’attrape mon mobile et regarde mon écran.

Aucune notification… Comme si Alteanne pouvait répondre à mes excuses après ce que je lui ai fait. Elle m’a juste retenue pour que je me calme, pensé-je réellement.

Je lâche un soupir et projette nonchalamment la bouteille à travers le salon.

Putain de merde !

Lorsque je finis la énième cigarette devant un film, la porte s’ouvre en grand.

Les yeux limpides d’Andrew s’écarquillent en constatant le bordel qu’il y a dans la maison.

— Mais c’est quoi ce taudis ? Ta mère ne t’a jamais appris à faire le ménage ?

Je ne lui réponds pas. Les yeux fermés, je l’entends gueuler à plusieurs reprises.

Je sens un poids qui s’appuie sur la causeuse bleu marine.

— T’as de la chance que ma fille ne soit pas paralysée à vie. Mais là, tu arrives encore à me faire perdre trois semaines de boulot à cause de tes conneries. Qu’est-ce qui te prend au juste ? Avant, tu n’étais pas comme ça.

— Si c’est pour me faire la morale, tu peux même partir et me foutre la paix !

— Je pense que je vais contacter ta mère pour qu’elle vienne te récupérer. Je comprends mieux pourquoi elle t’a envoyé ici, tu fais honte à la famille Sullivan !

— Ça change pas grand-chose à ma vie. On m’a toujours détesté.

— Alors pourquoi as-tu disparu du jour au lendemain ? Tu pouvais rester avec moi, je ne t’aurais jamais foutu à la porte.

— Pour mon bien et celui des autres, je suis un poison.

Il me fait chier, celui-là !

Avant qu’Andrew ne s’engouffre dans le couloir du logement, il prononce ces derniers mots qui me plongent dans une colère noire.

— Tu as souvent fui tes propres responsabilités et regarde-toi maintenant, tu vas tout droit dans le mur…. Merde ! Ressaisis-toi ! Ça m’attriste de découvrir ce Jagger qui est comme la plupart des gens du peuple. En fin de compte, tu n’es pas aussi différent qu’eux, mon neveu.

Tu as été adopté, je te considérerai jamais comme mon oncle.

Mais Andrew n’a pas tort, j’aurais dû rester avec lui avant de vouloir suivre ma mère en Angleterre. On fait tous des erreurs qu’on regrette par la suite. J’en suis la preuve vivante de mes propres actes. On récolte ce que l’on sème. Ainsi soit ma vie…

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