Chapitre 11 : Jagger

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En restant sur le perron, je m’assieds sur ce dernier et allume une cigarette, l’air pensif. Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas envie de retourner chez moi et je ne peux me résoudre à quitter la villa.

L’amitié que j’ai eue étant gosse avec Alteanne était la plus sincère et la plus honnête. Celle qui me donnait le sourire quand je souffrais à cause de ma maladie.

Je me souviens vaguement que je faisais les quatre cents coups avec elle.

C’était une merveilleuse époque jusqu’au jour où tout a pris fin.

Enfin… Il y a toujours une fin à tout !

J’ai retrouvé une partie de moi qui s’était envolée pour de nouveaux horizons, mais la voilà qui revient dans ma vie comme si elle n’avait jamais disparu.

Brusquement, je me retourne et entends des portières de voitures claquées et des voix retentir de l’autre côté de la barrière.

À tous les coups, c’est Andrew !

Je reconnais entre mille sa berline noire opaque.

N’ayant aucune issue pour m’échapper, je me relève à la hâte et tambourine violemment à la porte du logement d’Alteanne.

La petite va s’imaginer des choses…

Pour cette fois, elle ne me fait pas attendre, m’ouvre aussitôt et hausse un sourcil, intriguée.

— T’as oublié quelque chose ?

— On peut finir la soirée ensemble, Alteanne ?

— Tu te sens seul dans ton minuscule studio ?

Non, il y a ton père…

J’essaye de répondre, mais Andrew annonce son arrivée et déboule comme une flèche dans notre direction avant de s’arrêter en découvrant que ce n’est que moi.

— Qu’est-ce que tu fous là, toi ? Tu n’étais pas supposé de ne plus t’approcher d’Alteanne avec la photo de ta queue que tu lui as envoyée ?

Alors ils ont vu cette fameuse vidéo ?

— Papa, il s’est trompé de destinataire et pour ce soir, Jagger est simplement venu pour qu’on discute sérieusement.

— Que fait-il dehors dans ce cas, si c’était un invité ?

— Je fumais ma clope, fais-je en entrant dans la combine d’Alteanne.

Un rictus narquois s’affiche sur les lèvres de la blonde qui pose ses mains sur ses hanches.

— Je croyais que Jagger devait me donner le trône des Sullivan, j’en suis fortement déçue que cela soit juste une mascarade pour me duper ! Pas vrai, Andrew ? J’ai un père extrêmement mythomane, s’exprime-t-elle en prenant une mine sévère avant de s’adresser à moi. Pourquoi as-tu demandé à Andrew des nouvelles de moi, Jagger ?

Pendant toutes ses années, j’ai interrogé Andrew sur sa fille. Il faisait le mort pour que je ne sache rien. Mais désormais, je la vois, je n’ai plus besoin de lui poser des questions.

— Tu vas bien, c’est tout ce qui m’importe, Alteanne.

Alteanne s’interpose entre nous et désigne le logis pour que nous entrions dedans.

J’effectue un pas en arrière, mais Alteanne s’agrippe à mon bras et acquiesce d’un bref signe du menton pour m’informer qu’Andrew se tiendra à carreau.

Sans une seule attention aux invités, je m’installe sur le canapé.

Putain ! Pourquoi ne me suis-je pas enfui quand il en était encore temps ?

Andrew emmène Alteanne dans la cuisine pour avoir une discussion sérieuse avec elle. Cameron décide de s’asseoir à côté de moi et m’interroge du regard.

— J’espère qu’Alteanne n’est pas juste un plan cul pour toi.

Je m’étrangle en avalant la dernière gorgée de jus d’orange que je n’avais pas fini de boire.

— J’ai autre chose à foutre que de baiser une amie.

— Tu me prends pour une conne, c’est ça ?

Je hausse les épaules.

— Ma jolie, j’ai pas de compte à te rendre ni encore moins à me justifier, répliqué-je sèchement.

Alteanne sort de la cuisine tandis que Cameron s’arrête devant elle pour lui chuchoter quelque chose à son oreille.

Alteanne me darde une œillade foudroyante.

Après que Cameron finisse de lui parler, elle pénètre dans la salle à manger et claque la porte brutalement, ce qui fait rire la blonde.

Mais son sourire s’efface petit à petit quand elle s’approche de moi.

— Elle t’a posé des questions aussi ? lui demandé-je.

— Ah ! Je vois qu’on a passé tous les deux des interrogatoires presque similaires. Moi, c’est Andrew qui m’a consulté en privé et arrive à me faire un peu plus confiance qu’autrefois.

— Tu lui as fait quoi pour qu’il doute autant de toi ? Braquer une banque ?

— Au lycée, je suis partie en couille avec la drogue.

Je m’empare de sa main et lui dis d’une voix douce :

— Il a raison. Il s’inquiète tout simplement pour toi, car avant il était comme toi.

Mal à l’aise dans cette situation, Alteanne change de sujet.

— Tout de même, je te préviens que les mecs et les plans cul, ce n’est pas ma tasse de thé. Seul, mon cursus scolaire me passionne.

Je hausse le sourcil ne sachant pas quoi lui répondre.

Elle m’a prise pour qui au juste ?

— Je ne suis pas intéressé ni attiré par toi, si tu veux savoir et je pense qu’une relation de trois ans, c’est difficile de redonner une chance à quelqu’un d’autre quand tu as vraiment aimé une personne qui s’est foutue de toi.

— Eh, c’est toi qui dis ça ?

J’éclate de rire en voyant la tête qu’elle tire.

— Un jour, si je tombe sur une femme avec qui je partagerai ma vie, tu seras là première à être au courant si ça fait aussi mal que ça.

— T’es con, Jagger !

— Je sais, je sais. C’est pour ça que tu commences à bien m’apprécier.

Alteanne secoue la tête désespérée en prenant son chat sur ses jambes.

Je me redresse rapidement du divan.

— Merci pour cette soirée, mais il est déjà assez tard et demain, j’ai un entraînement intensif avec l’équipe et un match amical.

***

Mes coéquipiers n’ont pas été de main morte à l’entraînement ni même au match. Mais je suis profondément déçu qu’Alteanne n’ait pas assisté à la rencontre de mon groupe contre celle des Stars. En même temps, les ragots de notre soi-disant relation ont déjà tourné et intrigué pas mal de monde au campus.

Maintenant, tu ne peux plus avoir de copains sans qu’on vienne te claquer dans la gueule que tu niques avec cette personne. Parce que, pour certains, c’est tout bonnement impossible d’avoir des amitiés du sexe opposé.

Au vu de ma réputation, c’est vrai qu’on pourrait se poser de drôle de questions sur les filles et moi.

J’aime les plans cul, mais je n’envisage rien avec Alteanne, on se connaît depuis la primaire. C’est comme une deuxième petite sœur.

J’aurais préféré qu’elle soit là, juste pour voir à quel point j’avais amélioré mon jeu au fil des années.

On ne devrait pas se leurrer, les Stars sont le pire club qu’Harvard a recruté. Ils n’ont jamais gagné à un seul tournoi et le proviseur leur donne toujours une chance chaque année.

Pourquoi ? Je ne sais pas. C’est une perte de temps.

Sous la douche des vestiaires, je tente de calmer mes nerfs par l’intermédiaire de l’eau glacée qui se répand le long de mes muscles crispés et contractés.

Ensuite, je coupe le robinet, enroule la serviette blanche autour de ma taille puis décide de sortir en me dirigeant vers mon casier pour me changer.

Titouan et Naïm viennent à ma rencontre et me demandent si l’information qui circule est vraie.

— Écoutez les gars, croyez ce que vous voulez, j’en ai rien à foutre.

— Relaxe mec, on t’a rien dit ! Ce soir, on va chez Bethanie pour l’occasion où tu préfères rester avec ta dulcinée ? rétorque Naïm avec un sourire en coin.

Je roule des yeux au ciel avant de l’attraper par la gorge et de le claquer contre l’une des armoires en métal.

— Je ne suis pas en couple avec elle et je n’ai pas baisé cette meuf, j’espère que t’as capté, je ne vais pas me répéter !

— Calme-toi, Jagger.

Surpris, je le lâche en me rendant compte que je vais trop loin à cause de cette histoire.

Pourquoi me suis-je autant emporté d’un seul coup ?

Je ne peux plus être comme avant et encore moins vouloir protéger une amie. J’ai promis d’être là pour elle. Malgré ça, je n’ai jamais tenu à cet engagement. C’était plus facile pour moi de m’enfuir que de la soutenir.

L’autre jour, Andrew avait vu juste sur moi : je fuis toujours lorsque ça devient compliqué avec les personnes qui me sont proches et ceux qui m’entourent.

— À la fête qu'organise Bethanie, j’y vais même si elle ne veut pas. Il faut que je lui explique des choses pour qu’elle comprenne certains trucs.

J’avais déjà une soirée de prévue, mais je vais devoir l’annuler pour régler mes comptes.

***

Plus les heures défilent et plus les invités de Bethanie se laissent désirer. Aucune trace d’eux.

Les packs de bières, les bouteilles d’alcool, le punch et les amuse-gueule fraîchement préparés sont sur la grande table en chêne.

Je me lève du canapé, pose mon gobelet sur le plan de travail et commence à m’habiller avant qu’une voix mielleuse ne me hèle de derrière.

— Tu comptes aller où comme ça, mon chéri ? La partie ne fait que débuter.

— Où sont les autres ? répliqué-je sur le coup.

Mes yeux limpides s’écarquillent lorsque j’aperçois Bethanie vêtue d’une lingerie translucide qui couvre à peine ses tétons ni sa chatte qui ne demande qu’à vouloir se faire prendre dans tous les coins de la pièce.

— Au chalet. J’ai passé le mot aux gars pour qu’il te dise que la fête se déroule ici.

— Tu as créé tout ce manège pour qu’on soit tous les deux, ensemble ?

Elle secoue la tête puis elle avance comme un félin qui cerne sa proie avant de se jeter dessus pour la dévorer.

Je n’ai pas eu le temps de prononcer une parole que Bethanie devient agressive et hors de contrôle me poussant violemment contre la banquette.

— J’ai très envie de toi, mon amour.

Un rictus ne peut s’empêcher d’apparaître sur mon visage.

— Les vidéos pornographiques avec des minettes que tu visionnes presque tous les jours sur ton téléphone, moi aussi tu me considères comme une nana quand je couchais avec toi ?

— Arrête de raconter de la merde, Jagger ! C’est Alteanne qui m’a forcé à pratiquer cette expérience. Je ne voulais pas, mais elle m’a mis un couteau sous la gorge pour que je la touche. J’avais trop peur d’elle, mais maintenant ce n’est plus le cas alors oui, je me venge pour lui faire payer.

— Donc pourquoi n’y a-t-il que des sites pornos en rapport avec des lesbiennes sur ton historique Internet ?

— Ce sont les filles qui regardent ça sur leur ordinateur parce qu’on a le wifi et la même adresse mail pour la connexion et les échanges de courriels avec la coach, nous découvrons ce que les autres font quand elles vont sur Internet.

— J’ai du mal à te croire.

— Tu veux un modèle ?

Elle me prend vraiment pour un abruti qui a à peine un de QI.

Je sais ce qu’elle est en train de faire. Elle sait comment retourner des situations à son avantage.

Une femme qui est attirée par les demoiselles, ça se voit. Un peu comme Bethanie quand elle va chez ses copines, elle s’habille d’une manière étrange. Une fois, où elle m’a fait un scandale, car une amie qui vit à Londres était dans une cabine d’essayage pour tester des bikinis, je lui avais interdit d’y entrer.

Mais je ne peux rien dire, j’ai ce putain de contrat qui me colle à ma peau et qui me suit à la trace.

J’aimerais juste qu’elle dégage une bonne fois pour toutes.

D’une main ferme, j’attrape son épaule et la décale avec facilité en m’emparant de mes affaires pour quitter le logement.

Après avoir marché sous la pluie, je finis par rentrer chez moi, trempé.

Je balance mes chaussures au pas de la porte puis je traverse le couloir en me dirigeant vers la salle d’eau pour décompresser dans un bain bien chaud.

Allongé dans la baignoire, je m’accapare de mon mobile puis cherche la discussion avec Alteanne que j’avais supprimée pour aller avec les gars.

Je la retrouve dans mes invitations, car je ne l’ai pas dans mes amis puis je défile l’écran en voyant qu’elle m’a lâché un paquet de messages.

Le dernier me met une sacrée gifle dans la gueule.

[J’ai poireauté 1h30 dehors pour toi ! Merci pour la soirée de merde,

espèce de gros connard ! Ne me

demande plus jamais de sortir.

Notre amitié vient de se briser à tout jamais.]

Demain, elle me pardonnera. Je lui expliquerai. Pas aujourd’hui, il est tard et je suis exténué de ma journée. Et encore, j’aurais dû être avec elle, ce soir…

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