Chapitre 5 : Alteanne

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Je ris à gorge déployée en voyant Cameron récupérer une robe de mariée dans un placard, un verre de rosé à la main. Elle titube de gauche à droite avant de s’affaler de tout son long sur le canapé en oubliant qu’elle a une flûte.

— Merde, j’ai taché le tissu ! dit-elle en haussant les épaules. Ah pas grave, on l’amènera au pressing. Bon, je te disais qu’Andrew et moi, ça faisait presque deux ans qu’on était ensemble. Tout allait bien jusqu’au jour où il a dû partir dans un autre pays accompagné par sa secrétaire. On a commencé à m’envoyer des photos d’elle à poil, des vidéos pornographiques d’elle et le numéro, c’était celui d’Andrew. Vraiment, je n’ai pas cherché à comprendre, je l’ai quitté. En plus, tu aurais dû avoir un demi-frère ou une demi-sœur, mais j’ai perdu cet enfant à cause des étudiants de l’université et c’est là que je t’ai donné le poste de capitaine. Je pouvais plus assumer, c’était trop difficile pour moi.

Je suis choquée qu’elle ait pu garder tout ça pour elle sans jamais m’en parler. Cameron est vraiment courageuse.

Alors quand elle m’a vue la première fois à la fac, elle savait déjà qui j’étais ? Cependant, les agissements d’Andrew me donnent envie de gerber. C’est dégueulasse de sa part !

C’est mon paternel, ça ?

— Ça fait combien de temps qu’il te court après ? Parce que c’est quand même grave d’être aussi con.

— Trois ans. Mais il faudrait que ton père se mette à la page, on est plus dans les années 80, de la bobonne qui pardonne tout. C’est comme Jagger, il devrait le faire. Tu ne vis pas avec tes anciens démons, c’est malsain pour ta propre vie de courir dans le passé.

Subitement, j’arque un sourcil lorsqu’elle prononce le prénom de Jagger.

Pourquoi me parle-t-elle de lui ?

Je ne veux même pas y penser.

— Tu sais que Jagger demandait sans cesse des nouvelles de toi ? Et Andrew n’a jamais répondu à ses messages.

Je m’étouffe en avalant la gorgée de travers.

On peut m’expliquer ? C’est quoi encore, cette connerie ? J’ai rencontré ce type il y a à peine deux jours.

— Tout me dépasse ! J’ai l’impression qu’on me cache des trucs.

— Moi aussi, j’ai ce sentiment. La famille Sullivan est assez discrète sur certaines choses. Je lui ai demandé pourquoi ce garçon tenait tant à savoir des choses sur cette demoiselle. Finalement, il ne m’a pas répondu, il m’a dit qu’il avait une fille de quatorze ans et j’étais choquée, car j’en avais dix-sept.

J’essaye de contenir mon rire, mais l’alcool commence à se répercuter sur mes gestes et mes mouvements. Je me relève difficilement du sofa en prenant appui sur l’accoudoir. Je m’étire péniblement avant d’enlever mon pull.

J’ai chaud.

— L’ex-belle-mère qui avait trois ans de plus que moi, répliqué-je en partant dans un fou rire. Il est vrai que certains seraient abasourdis.

— Ne te fous pas de moi, j’ai déjà assez honte !

Soudain, la porte d’entrée s’ouvre dans un fracas assourdissant et une silhouette plongée dans l’obscurité s’approche de nous.

Andrew.

Il tire une tête pas possible quand il découvre que son ex est ici et s’aperçoit qu’elle est vêtue de la robe tachée par la boisson. Je ne sais pas ce qu’il vient de se produire, mais il part dans une colère hypertrophiée. Sa fureur ferait pâlir n’importe quelle personne qui se positionne en travers de son chemin. Je lui barre la route en me mettant devant lui. En aucun cas, il ne posera ses pattes sur elle. S’il osait la frapper ou ne serait-ce que d’effleurer un seul de ses cheveux, je lui sauterais dessus.

Père ou pas, je m’en fous ! Je serai toujours du côté de Cameron, pas du sien !

— Par contre, tu ne la toucheras pas ! lui dis-je en plantant brutalement mon index sur sa poitrine.

— Tu te prends pour qui pour me parler de la sorte ? Tu es qu’une fille pourrie gâtée et ingrate ! Si j’avais su… J’aurais dû m’abstenir avant de foutre ta mère en cloque !

— Tu lui aurais rendu un fier service ! Tu te prends pour le parrain de Cambridge ou quoi ? Je ne t’ai jamais rien demandé ! Je ne t’aimerai pas plus même si tu m’offrais la lune. Je ne suis pas une fille matérialiste ! On ne m’achète pas, moi.

Mon sang ne fait qu’un tour et je serre brutalement les poings en dévisageant Andrew d’un regard furieux.

Ça part en couille juste pour un vêtement.

— Cameron, enlève-moi ce chiffon on va lui rendre sa tenue.

— Un torchon ? rétorque-t-il en m’obligeant à m’asseoir de force. Cette robe appartenait à ma famille ! Vous avez quoi dans vos putains de crâne ? Est-ce que je profane les habits de ta mère, Alteanne ?

Il part loin pour un bout de dentelle !

Cameron décide de quitter les lieux pour éviter d’envenimer la situation, mais Andrew n’est pas d’accord pour qu’elle s’en tire aussi facilement.

— Tu ne t’en iras pas ma jolie ! Je vais te faire comprendre qu’il ne faut pas souiller ma famille ! Ni même ma fille. Tu lui as raconté quoi encore ? Qui est-ce qui t’a autorisée à foutre les pieds dans ma villa ? Tu n’es pas la bienvenue ici ! La nana qui porte plainte sans arrêt alors que je suis passé à autre chose depuis la rupture, tu essayes de faire quoi au juste ? De te déculpabiliser ? Une fille minable qui s’intéresse à mon fric ? Sache que tu n’auras même pas un centime de ma fortune !

Mais s’il n’a plus rien à voir depuis leur séparation, c’est qui la personne qui harcèle ma copine ?

Je demande à Cameron qu’elle me donne son portable pour vérifier ses dires.

J’ai une absolue confiance en elle. Elle n’est pas du genre à créer de fausses histoires pour se faire bien voir. En fouillant, je tombe sur les fameuses vidéos qu’elle a gardées pour avoir des preuves.

— Andrew, tu es parti quel jour à ton voyage d’affaires ? Avant que tu ne couches avec ta secrétaire pendant ce séjour.

— Si mes souvenirs sont exacts, c’était le dix juillet et pour votre information je n’ai jamais trompé Cameron. De plus, j'ai perdu mon téléphone le même jour.

Les vidéos ont été envoyées le douze juillet après qu’il a égaré son mobile.

Je monte à fond le son en lançant la lecture. Nous entendons des bruits de débats avec sa comptable. Malheureusement, nous ne voyons que le corps et la tronche de la meuf, pas du mec.

Elle crie le prénom de mon père puis elle dit :

— Andrew, tu as enfin compris que je valais mieux que ta petite copine Cameron.

— Chuuut… gémit-il en même temps.

— Plus fort Andrew !

Je mets sur pause en donnant de l’attention à mon amie devenue aussi blanche qu’un linge et Andrew s’est laissé tomber sur le canapé, choqué.

— Donc, Cameron a raison pour la secrétaire. Elle a sûrement volé le portable de mon père pour t’atteindre directement ma chérie.

Subitement, je regarde les messages et écarquille les yeux, outrée par les insultes et le harcèlement auxquels elle doit faire face tous les jours. C’est de l’acharnement et de la méchanceté gratuite.

Des perles salées roulent sur les joues de Cameron lorsque nous tombons sur deux SMS.

[Tu te rends compte

avec tes conneries

de merde, j’ai perdu

notre enfant ?]

[J’en ai rien à foutre

que tu l’aies perdu, j’ai jamais

voulu avoir un bébé avec toi.

Tu étais juste un plan pour

me vider les couilles.]

Mais, c’est monstrueux !

Je dépose ma main sur celle de Cameron.

— Mon cœur, je suis vraiment désolée ! Tu as tout mon soutien.

— Je n’ai plus de vie, Alteanne ! Je suis constamment en dépression à cause de tout ça. Merci, ma chérie, je sais que j’ai une amie en or.

Andrew se lève du divan et décide de prendre Cameron dans ses bras en caressant ses cheveux.

— Ne pleure pas princesse. Désolé de m’être emporté pour la robe. Surtout qu’elle te va bien, elle épouse parfaitement tes seins.

— Papa, je te signale que je suis là et qu’il y a des chambres pour ça !

Un rictus malicieux s’affiche sur les lèvres et il embarque Cameron à sa suite.

— On a besoin de parler en privé, a-t-il dit en vitesse avant de monter au premier étage avec mon amie.

Oui, juste pour discuter… Mon cul, c’est du poulet ? J’ai vu dans ses yeux que le désir était plus intense que de simples mots prononcés. Mon père me prend encore pour une gamine de onze ans qui ne connaît rien à la vie !

Bordel de merde ! J’ai dix-neuf ans quoi !

Je transfère tous les éléments sur mon compte Gmail.

Aussitôt, je me souviens vaguement que Carter Suan, un homme qui a failli me percuter en voiture l’année dernière, me doit un petit service. Je sais également que les Suan sont les plus réputés dans le monde et ils peuvent trouver sans aucune difficulté l’auteur des menaces.

Je fais défiler mon écran à la recherche de son numéro de portable et appuie sur le bouton « appeler ».

Par pitié, décroche Carter !

— Bonjour Suan entreprise, que puis-je faire pour vous ?

— Désolé de vous déranger, mais j’aimerais parler à Carter s’il vous plaît ?

— Attendez, une minute, je vous prie, me répond-elle sèchement. Je suis dans le regret de vous informer que monsieur Suan n’est pas disponible avant juillet.

Pas avant juillet ? Mais on est en septembre !

— Dites-lui que s’il ne magne pas son cul, je vais lui brûler sa maison et sa femme avec !

— Serait-ce des menaces que vous portez à l’encontre de monsieur Suan ?

— Une Alteanne Miller peut être dangereuse !

Elle émet un petit gémissement plaintif et me fait poireauter pendant plus de dix minutes au bout du fil. Pendant ce temps, je me sers un verre de vin en fredonnant un air de musique.

Un homme à la voix grisante soupire lourdement au bout du combiné

— Ce n’est pas bien de menacer mon petit-fils, mademoiselle Miller.

Je n’hésite pas à répondre.

— Comme faire attendre dix mois juste pour un coup de fil.

— Votre audace vous perdra.

— Je prends le risque, sinon dans soixante ans, on est encore là ! Et je veux savoir à qui j’ai affaire là ?

Il racle fortement sa gorge avant de grommeler comme un lion enfermé beaucoup trop longtemps dans une cage.

— Alberto Suan, vous connaissez le trillionnaire ?

— Que vous soyez un trillionnaire ou un SDF, je m’en fous ! C’est la même chose pour moi.

Il lâche un petit rire nerveux.

— Soit ! Racontez-moi votre problème et j’informerai Carter.

— C’est plus complexe, j’ai besoin de savoir qui harcèle ma meilleure amie, j’ai des preuves, mais ça dure depuis trois ans cette histoire…

— Je vois parfaitement. Je vous envoie mon mail, on vous aidera, mademoiselle Miller. Ce fut un plaisir, au revoir.

Je n’ai pas eu le temps de le remercier qu’il m’a déjà raccroché au nez.

Je transfère tous les documents en ma possession et envoie tout ça à Alberto pour qu'il transmette l’ensemble à Carter.

Je reviens au salon et découvre Cameron et Andrew, posés sur le sofa.

— Laisse-moi tranquille Andrew !

— Et si je n’ai pas envie ?

Amusée par la situation, je m’installe sur la table basse en croisant les jambes puis requiers à Andrew qu’il m’explique les choses concernant son neveu. Ça m’intrigue qu’il puisse demander des nouvelles de moi.

— Il cherchait tout simplement à savoir à quoi tu ressemblais, car il voulait te proposer d’être le successeur de la famille des Sullivan. Il y a longtemps, Jagger désirait une vie normale et non une existence sous les projecteurs, mais vu que je me suis opposé à cette idée absurde, il a décidé de tous nous haïr.

D’un mouvement de tête, mon père comprend qu’il a bien fait de réagir comme il l’a fait.

Andrew a raison, je n’ai rien à voir avec leur famille et je ne veux pas porter de lourdes responsabilités comme celles-ci.

Je n’ai pas les épaules pour diriger une multinationale.

Il faut que je trouve un jour où Jagger n’est pas avec Bethanie pour qu’on discute de ce problème. C’est à Jagger d’élever sa lignée, ce n’est pas à moi de le faire.

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