Chapitre 3 : Jagger

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Ma première journée à Cambridge… Je m’ennuie de l’Angleterre. Bordel je n’y arrive pas à me faire à l’idée de rester une année ici sans être avec mes amis. Je n’ai pas de repère et le seul que j’avais, il a fini par disparaître depuis très longtemps.

La frustration ne veut pas disparaître. Pourquoi fais-je semblant de m’intégrer à des personnes aussi différentes de moi ?

À quel point, j’ai observé que je n’étais pas du même monde qu’eux ?

Je hais cette ville.

Tout au long de la journée, les étudiantes d’Harvard m’ont adulé par leur toxicité.

À croire qu’elles n’ont jamais vu un mec tatoué avec un caractère bien trempé.

J’aime les femmes, les soirées, les plans cul.

Surtout les plans cul…

Je ne fais pas l’effort d’être intéressé par ces nanas qui cavalent derrière moi.

J’ai déjà pas mal de concurrentes capables de s’entretuer pour m’avoir juste une seule fois dans leur lit.

Pas plus !

D’ailleurs, je soulève deux questions qui me taraudent l’esprit depuis le réveil : pourquoi me suis-je retenu au lieu de sauter la blonde ? Putain, j’en sais foutrement rien ! Pourquoi me suis-je contenté de la prendre dans mes bras pour ne rien faire ensuite ?

En faisant abstraction du logement, je constate que la fête n’est pas vraiment celle que j’aurais espéré.

À Londres, mes soirées se déroulaient autour d’hommes d’affaires, de politiciens, le plus souvent lors de réunions tardives. Bien plus lucratifs que ces mecs qui tirent la gueule et qui préfèrent raconter leur vie merdique.

Comme si j’en avais quelque chose à branler de savoir qu’un membre de ma nouvelle équipe est toujours puceau.

Cette fête est naze comme tout le reste.

Quand j’imagine que ma mère m’a viré de la demeure familiale pour m’envoyer dans un trou perdu alors que de son côté, elle enchaîne les cérémonies et les aventures sexuelles.

La vieille m’a forcé à venir dans le Massachusetts pour être libre.

Titouan, Lilian et Naïm, mes coéquipiers, me sortent de mes pensées et m’offrent un verre de punch et une bière.

— Merci les gars, dis-je en vidant cul sec le gobelet rouge.

— Jagger ! s’écrie Marc. Alors comme ça, tu vis avec Alteanne et elle arrive à te faire bander même en pleine nuit ?

Subitement, j’avale de travers le liquide qui passe du mauvais côté.

— Elle est dehors et elle n’est pas ravie que tu fasses des soirées dans son appartement, elle va prévenir le propriétaire.

Putain, elle casse les couilles ! Elle va gâcher mon année !

Je me lève du canapé et assène un coup de poing dans le mur.

Il ne faut pas que ma meuf croit qu’une autre arrive à m’exciter. D’autant plus qu’aujourd’hui, j’ai redonné une chance à Bethanie et j’ai promis d’être sérieux.

J’ai aussi baisé une gonzesse dans les vestiaires.

Crédibilité : zéro.

D’après les mecs du campus, elle s’est tapée toute la fac entière. Maintenant, je sais peut-être pourquoi elle reste avec moi.

Ce n’est pas mon nom qui l’intéresse, mais pour les parts d’investissements que je détiens et j’ai un contrat avec elle donc je ne peux pas la larguer. Elle et moi, nous avons un accord. Un mariage arrangé que ma mère et la sienne ont signé. Pour être honnête, je me vois mal être son mari. Je n’ai pas envie qu’elle soit ma femme. J’ai juste envie qu’elle dégage une bonne fois pour toute de ma vie.

Elle serait capable de m’enculer pour récupérer le maximum d’oseille.

À ce moment-là, j’ai fait une sacrée connerie !

Je laisse les gars et me rue vers l’embrasure de la porte où se tient Alteanne. Elle me darde d’une œillade meurtrière.

Comme un prédateur, je m’avance vers elle tandis qu’elle recule et heurte de plein fouet la barrière de sécurité.

D’un geste rapide, je l’attrape par le bras pour éviter qu’elle ne passe par-dessus la balustrade.

— Lâche-moi ! m’ordonne-t-elle en essayant de repousser ma main.

— J’avais pas envie de te retrouver au rez-de-chaussée avec des membres fracturés, lui rétorqué-je. Inconsciente !

Je me surprends à serrer fortement le poignet de ma colocataire. Je découvre de l’incertitude dans son regard. J’ai mes propres raisons pour avoir réagi comme je viens de le faire.

Dans la vie, je suis peut-être un enfoiré de première avec les filles, mais je ne peux pas être spectateur d’ un deuxième accident.

Beryn – ma petite sœur de dix ans – a vécu la même chose à la différence qu’elle est vraiment tombée du premier étage du manoir, malgré tout, elle s’en est sortie. En revanche, elle a perdu la mobilité de ses jambes.

Beryn est handicapée à vie et elle ne pourra jamais remarcher.

Et c’est de ma faute si elle est cloîtrée dans un fauteuil roulant pour le restant de ses jours.

C’était l’année dernière, la veille de Noël, Beryn, a voulu avoir son cadeau à l’avance, mais j’ai refusé. Elle a fouillé dans ma chambre et je l’ai poursuivie dans toutes les pièces avant qu’elle ne sorte de la maison pour se cacher. La terrasse a toujours été glissante lors des périodes hivernales. Ce jour-là, Beryn a dérapé sur le sol. Je n’ai pas eu le temps d’atteindre sa main agrippée à la rampe qu’elle s’est retrouvée dans la cour sur les graviers en quelques secondes.

— Dégagez ! Je ne vais pas subir tes soirées, Jagger ! hurle Alteanne.

Je ne dis rien et sens rapidement une odeur de palémon remplir mes narines.

Un rictus malicieux se plaque sur mon visage puis s’efface aussitôt lorsque mes yeux se noient dans ceux d’Alteanne.

Cela m’est assez difficile de repenser à ses souvenirs, mais certains sont encore là, ancrés dans ma mémoire.

Alteanne a toujours aimé les crevettes, les séances de patinage, le hockey et… c'est impossible. Je n’ai jamais pu oublier ma camarade d’enfance et ses préférences.

Mon cœur loupe plusieurs battements et mon souffle se fait court.

Putain de merde !

Pourquoi n'ai-je jamais surpassé ce drame ?

Pourquoi ai-je envie de lui pourrir la vie, d'un seul coup ?

Non, tu n’as pas le droit de lui faire ça.

Tu n’as pas l’autorisation de la toucher, ni de coucher avec elle, ni de la détruire même si c’est une connasse.

Andrew m’a demandé de surveiller une fille sauf que je n’étais pas au courant que c’était elle.

Une amie d'enfance qui m'a oublié à cause de son accident de voiture avec Maria, sa mère.

Cette nuit, j’étais à deux doigts de la caresser. Je ne suis pas en mesure de rester près d’elle.

— On va autre part les gars ? haussé-je le ton pour fuir la blonde. Un bar, ça vous dit ?

Ils acquiescent tous de la tête et nous quittons la maison en laissant le salon tel qu’il est.

***

En arrivant dans le bistro, je me laisse tomber sur la banquette en cuir. Je pose brutalement mon poing sur la table couleur ébène et coule un regard au fond du restaurant.

Les décorations habillent les murs lactés, un vieux jukebox poussiéreux est à côté des toilettes puis quelques personnes parlent ensemble.

Nous commandons nos boissons avant que je ne voie mon frère, assis sur le siège du comptoir, discuter avec un inconnu.

D’un seul coup, le barman m’interpelle et Adam se retourne dans ma direction en levant les yeux au ciel, l’air désespéré de m’apercevoir dans les parages.

— Putain ! Vous vous ressemblez comme deux gouttes d'eau, les gars !

— Nan, je crois pas ! rétorque amèrement Adam.

Je soupire.

— Et tu me veux quoi, toi ? demandé-je brutalement au serveur qui nettoie le plan de travail avec son torchon.

— Déjà, c’est Jack, le paternel d’Alteanne, m’informe Adam.

— Le beau-père, rectifié-je sur le coup.

Jack arque un sourcil et croise les bras contre sa poitrine, agacé.

Je sais tout sur Alteanne car c’était ma meilleure amie d’enfance avant qu’elle a eu cet accident…

Un rictus sournois étire nonchalamment mes lèvres puis je rejoins le reste de l’équipe qui a déjà commencé à boire leur whisky.

— Hé Jagger ! Pourquoi tu t’entends pas avec Adam ?

— Ah, c’est compliqué ! J’ai préféré tirer un trait sur ce type, car il me l’a mis à l’envers.

Adam devait être le successeur de la famille Sullivan. Mais à l’âge de neuf ans, il a estimé qu’il serait plus judicieux de se barrer pour ne pas avoir la responsabilité des parts de notre lignée. Il est parti pour rester avec son papa chéri qui trompait constamment notre mère. Je ne voulais pas être avec la vieille, mais on m’a forcé à demeurer à Londres pour être l’héritier.

Si une chance pouvait me faire quitter cette charge, je l’aurais fait ! Malheureusement pour l’instant, aucune opportunité ne daigne se montrer.

Je bois tranquillement le verre d’alcool et ressens une vibration en provenance de mon jean. J’extirpe le téléphone de la poche de mon pantalon en regardant la notification.

« Alteanne Miller veut vous envoyer un message. »

Ah ! Je croyais qu’elle avait fait une crise cardiaque en constatant le bordel qu’on avait foutu dans le salon !

J’ouvre l’application en admirant la photo qu’elle vient de m’envoyer. Sur l’image, un de mes gars a tagué le mot « salope » sur le plafond et sur la télévision grâce aux bombes de peinture. Je me marre en voyant qu’elle m’insulte de tous les noms.

[Chérie, fais pas

la gueule ! Ce soir, je

te donne un coup de bite

pour me faire pardonner.]

Aussitôt, elle me répond.

[Va te faire

foutre connard !

Andrew vient de

voir ton message.

Il a envie

de t’égorger et moi aussi !!!]

Eh merde !

Avant de revenir à l’appartement, je dois me préparer mentalement ou bien je renonce au logement et je me prends une chambre d’hôtel pour éviter de signer mon arrêt de mort.

Ouais, on va faire ça !

Autrefois, Andrew faisait partie de la mafia italienne avant qu’il ne quitte ce milieu pour retrouver une vie plus facile et normale. Il ne rigole pas quand on touche à sa petite protégée, Alteanne.

Si elle le savait, la pauvre…

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