Chapitre 2/4

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Des sanglots l’extirpèrent d’un rêve dans lequel il trouvait sa dulciné: Elle était blonde, intelligente et également cuisinière. Il se redressa d’un bond en se frottant les yeux et tendit l’oreille dans un état encore semi-léthargique.

– Putain, s’exclama-t-il à haute voix. C’est quoi ce délire ?

Des pleurs semblait lui parvenir du rez-de-chaussée. Ils n’étaient pas très audibles. Son ouïe lui jouait-elle des tours ? Il alluma la lumière et se leva. Le contact de ses pieds nus sur le parquet dissipa les dernières vapeurs de sommeil. Il sortit de la chambre et marcha dans le long couloir menant à l’escalier. Il s’immobilisa un court instant, tous ses sens en alerte. Plus aucun bruit ne lui parvenait.

– Il y a quelqu’un ? tonna-t-il d’une voix qu’il voulait forte et assurée.

Le silence lui répondit. Il descendit dans l’obscurité avec prudence. Tout était calme. Il s’avança dans le salon et longea le canapé. Il sursauta et recula d’un bond. Il venait de marcher dans quelque chose d’humide. Son esprit aux abois s’imagina directement une mare de sang. Il pressa l’interrupteur de la main droite en se penchant pour ne pas avoir à fouler à nouveau le liquide. La lumière jaillit. Pas de trace d’hémoglobine, mais de l’eau. Il y en avait très peu, juste assez pour mouiller le sol. Il leva les yeux sur le tableau puis vers le plafond pour détecter une éventuelle marque d’infiltration: rien. Dehors, il ne pleuvait pas, et la salle de bain n’était pas à l’étage. Il examina la peinture en palpant l’encadrement. Là non plu, aucune marque d’humidité. Il le décrocha, le retourna, le toucha.

– Bordel, lâcha-t-il. D’où vient ce liquide ?

Il n’avait pas d’animaux. Peut-être qu’un chat s’était glissé dans la maison et s’était soulagé sur le sol, frustré de ne pas pouvoir ressortir de la demeure. Rendu fou, il aurait miaulé de dépit. Ce qui pouvait très bien ressembler à des sanglots. Il fit le tour du rez-de-chaussée tout en appelant un éventuel félin, mais aucune réponse, aucun mouvement. Il retourna vers le salon et s’accroupit à côté de la petite mare. Il y trempa deux doigts qu’il porta à son nez. Ce n’était pas de l’urine, mais de l’eau tout simplement. Il goûta du bout de la langue, tout en pensant « j’ai l’air de quoi comme ça, moi… ». C’était de l’eau salée. Il releva la tête vers l’œuvre d’art. Il sembla y déceler un mouvement, mais il était plus vraisemblable que la soudaineté de son geste le lui avait fait croire. Il se redressa et ses genoux émirent un craquement lugubre. Il n’y avait rien d’anormal sur la peinture. Plein de doutes, il éteignit la lumière et alla se recoucher. Il mit longtemps à se rendormir, l’oreille aux aguets.

Il se leva aux alentours de huit heures trente, il était exténué. Il descendit à la cuisine et regarda à nouveau sous le tableau. L’eau évaporée avait laissé une trace blanche sur le sol. Il prit une éponge sur l’évier du coin repas et la frotta sur le sol. La marque disparut sans effort. Il examina encore l’œuvre d’art et le plafond. Il ne décela rien d’anormal. Il se prépara alors un petit déjeuner et un triple expresso accompagné d’un jus d’orange. Il avait du pain sur la planche avant l’arrivée de son ami. Il commença à concocter le déjeuner: des œufs mimosa en entrée accompagnés d’asperges et d’une mayonnaise dont lui seul avait le secret, un rôti de veau sur son lit de champignons agrémentée de pommes de terre sautées au Grand Marnier, et en dessert une crème au trois chocolats. Vers les onze heures, il se doucha à l’eau froide pour se revigorer. Son esprit restait ancré sur les événements de la nuit dernière. Son ami sonna à la porte aux environs de midi.

– Salut John ! Comment vas-tu mon vieux ? Tu me sembles carrément sur les rotules dis-moi ?

– Salut Tom. Disons que j’ai passé une mauvaise nuit… Entre donc !

Les deux hommes s’installèrent au salon.

– Oh, le voici ton fameux tableau ! Putain, on ne peut pas dire qu’il égaye le lieu. Tu serais pas un peu barge d’acheter une telle œuvre toi ? Ça me fiche la chair de poule.

– Arrête s’il te plait. Je trouve ce tableau magnifique et d’une tristesse incommensurable.

– Monsieur utilise des mots d’écrivains maintenant ? Monsieur veut se mettre à mon niveau ? Et comment qu’il est triste ! Je suis sûr que si tu avais une femme, elle te le ferait décrocher du mur illico.

– Il n’y a pas que les livres dans la vie, tu n’y connais rien en peinture de toute façon. Ceci dit, j’ai une étrange histoire à te raconter.

John lui narra son aventure nocturne, des pleurs et du liquide salé. Tom écarquilla les yeux.

– Tu ne te serais pas endormi avec un Stephen King pas hasard ?

– Pas loin, mais ce n’est pas le propos. Je ne rêvais pas. C’était vraiment bizarre.

Ils regardèrent le tableau.

– Tu sais quoi, fit Tom, ton histoire d’eau salée, ça me fait penser à des larmes. La petite sanglote bien, non ?

– Putain arrête tes conneries Tom. Tu me fais peur, là !

Tom partit dans un rire tonitruant.

– Mais non, je plaisante… Mais ça ferait réellement une belle histoire non ? On entrerait directement dans le monde fantastique.

John le fixait interdit.

– Oui, oui, c’est ridicule je le sais bien. Je t’ai dit que je plaisantais.

Les deux hommes mangèrent et discutèrent de choses et d’autres. L’atmosphère se détendit et le milliardaire oublia sa mésaventure de la veille.

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