Chapitre 3/4

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Son ami le quitta à quinze heures trente. John profita de la fin de l’aprés-midi pour faire le tour de sa propriété. Il aimait bien l’arpenter en s’enivrant des différents parfums de la nature. Son statut lui assurait une existence tranquille, mais l’ennui le guettait. Il se sentait de plus en plus inutile. Il devait se trouvait une occupation, un hobby. Il devait donner un sens à sa vie. Ça devenait vital. Il rentra vers les dix-sept heures. La fin de la journée se passa devant la télé avec un plateau-repas qu’il avait confectionné. Au moment du coucher, il ne pensait même plus au tableau.

C’est le sentiment qu’une présence était avec lui dans la chambre qui le tira du sommeil. Il battit des paupières et tendit l’oreille sans bouger. Une légère respiration doublait la sienne. La terreur s’immisça alors dans tous les membres de son corps. Une boule au ventre, il étira sa main pour allumer la lampe de chevet lorsqu’un cri strident déchira le silence: un cri horrible d’enfant. Il tressaillit en lâchant l’interrupteur qu’il n’avait pas actionné et fit un bond en hurlant dans le lit. La porte de la pièce claqua avec fracas et il entendit clairement des petits pas nus se précipiter dans le couloir. John tremblait de tout son être. Il était tétanisé par la peur. Une peur qu’il n’avait jamais ressentie auparavant. Il réussit enfin à éclairer la pièce. Maintenant, plus de doute, il n’était pas seul chez lui. Pourtant personne ne pouvait y pénétrer. Son alarme était quasiment inviolable. Il repensa aux paroles de Tom sur l’interprétation de l’eau salée et de la petite… La tête lui tourna, rien qu’à cette pensée. Mais c’était complètement irréaliste. Il se leva en tremblant et s’enferma à double tour. Il était bien trop terrorisé pour descendre voir ce qu’il se passait. Il pensa appeler son ami avec son téléphone portable, mais il y renonça. Il n’allait tout de même pas l’extirper de son lit à cette heure avancée. Il aviserait le matin. La nuit s’étira en longueur. Il s’endormit péniblement aux premières lueurs du jour. Enfin, à dix heures, il se leva. Le jour lui enleva ses peurs, en partie tout du moins. Il descendit et, comme la veille, il fit le tour du rez-de-chaussée. Il regarda le tableau le cœur battant. Il était à sa place. Rien de particulier ne sortait de l’ordinaire : la mère, la fille, au même endroit. Pourtant, le cadre semblait légèrement de travers. Il le redressa. Tom et lui avaient dû le bouger en le consultant la veille. La maison était en ordre: pas de casses, pas de traces d’intrusion, rien. Soit il devenait fou, soit l’œuvre était réellement encline au surnaturel. Il appela enfin son ami et lui déballa tout. Ce dernier lui demanda de venir le voir au boulot immédiatement. Il se prépara et s’y rendit sans avoir pris le moindre petit déjeuner.

John entra dans le bureau de son ami. Une pièce toute de bois lambrissée, avec un petit bar, un canapé et bien entendu une bibliothèque sortie d’un temps lointain et gorgée de livres.

– Oh là, fit Tom en voyant son ami. Tu as une tête de déterré. C’est effrayant.

Il tira sur le dossier d’un imposant fauteuil et demanda à son ami de s’y installer.

– Vas-y, raconte-moi tout, dit-il.

– Tom, souffla le milliardaire d’une voix chevrotante, je suis en train de devenir fou.

Il se triturait les mains nerveusement et enchaîna.

– Je ne suis pas seul chez moi. Je suis persuadé que la peinture y est pour quelque-chose.

– Hé, mon gars, ça va aller, t’inquiète. Tout rentrera dans l’ordre une fois que tu te seras définitivement débarrassé de ce tableau. Tu n’es pas fou et tu n’es pas la première personne à subir cela.

John fixa son ami intrigué.

– Je vais t’expliquer, mais avant, dis-moi ce qu’il s’est passé exactement cette nuit.

Il raconta toute son aventure nocturne n’omettant aucun détail. Son ami l’écouta avec attention sans l’interrompre.

– Eh bien John, j’ai fait des recherches de mon côté, et j’ai trouvé des choses pour le moins intéressantes.

Il se gratta la tête et reprit:

– Je ne suis d’habitude pas friand de ce genre de presse, mais apparemment l’œuvre qui trône dans ton bureau serait comme qui dirait possédée, ainsi que tu le penses. Plusieurs témoignages relatent le genre de phénomènes dont tu as été témoin. Ce qui explique que le tableau passe si souvent entre les mains de différents propriétaires.

– Bordel, je ne suis pas fou alors !

– Non mec. Même si je t’avoue avoir du mal à y croire. Tu me connais, je suis très terre à terre.

Il arpentait son bureau de droite à gauche.

– Il faut brûler cette toile, John.

– Hein ? Je sais que je ne suis pas dans le besoin, mais tout de même. Ce serait foutre le feu directement à trois millions d’euros !

– C’est vrai, mais que comptes-tu faire ? La refiler à un autre malheureux ? En 1965, un des propriétaires a été retrouvé mort noyé dans sa propre baignoire. Et je te le donne en mille: dans de l’eau salée ! En 1972, Madame de Fayard, passionnée de peinture, découverte morte étouffée sous son propre oreiller, ressemblant à celui de la toile… La jeune Mary Springfield, en 1980, fut étranglée dans sa maison. On la retrouva au sol, adossé sur le mur auquel était fixée la peinture… Et j’en ai d’autres dans ce genre ! Donc, au diable tes trois millions. Quel prix donnerais-tu à ta vie ?

Le silence et l’effroi s’abattirent dans le bureau.

– Bon, écoute, ce soir je passe la nuit chez toi OK ? Et demain on prend une décision ensemble. Je ne veux pas que tu restes seul. J’ai quelques caméras qu’on placera dans le salon au cas où. J’aimerais bien avoir la preuve en image.

– Ça, c’est une excellente idée, s’exclama John, rassuré par son ami. On pourrait mettre au clair cette affaire.

– Laisse-moi finir quelques papiers, j’en ai pour une heure maxi. Allonge-toi sur ce canapé et dors un peu, tu en as vraiment besoin. Je t’invite au resto et je passerai ensuite chez moi pour prendre quelques affaires.

Quelques heures plus tard, John ouvrit la porte de sa villa la peur au ventre. Son ami lui dit:

– On peut entrer. D’après ce que j’ai lu sur internet, rien ne se produit durant la journée.

– Ouais, mais ça reste flippant. On risque de jouer avec nos vies ce soir.

– On est deux et on est sur nos gardes. Je pense qu’on ne risque rien.

Ils se dirigèrent directement vers le salon. Le tableau était là, dans toute sa splendeur.

– Allez, ordonna Tom, on place les caméras.

Il regarda la pièce avec intensité, et désigna les meilleurs endroits pour les installer.

– On ne ratera rien cette nuit. Elles sont infrarouges, affirma l’éditeur.

– Oui. Ne rien rater. C’est justement ça qui me fait peur. Au fait, j’ai eu une idée dans la voiture, Tom. Si on étalait également de la farine tout autour du tableau? On pourrait ainsi voir s’il y a des empreintes?

– Ben les caméras devraient suffire, non ?

– Oui, mais si elles sont brouillées ? Tu sais par une sorte de phénomène magnétique ? Comme on peut le voir dans certains films.

– Hum, deux précautions valent mieux qu’une. Va pour la farine. Je suppose que tu en as, au moins ?

John sourit et acquiesça.

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