Moi, résumé en cinq minutes

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Je m’appelle Symphonie, mes amis m’appellent Symph’.

J’approche du quart de siècle, assez fougueuse de nature et avec un problème d’élocution qui m’empêche de parler correctement. Du coup, j’utilise le langage des signes. Je provoque d’étranges réactions autour de moi. Les gens ont souvent du mal à s’y faire, un moyen facile d’identifier à qui accorder mon respect. Être silencieux… Vous devriez essayer. Quand on ne parle pas, l’autre le fait pour vous. Il est plus à même de se confier, de livrer ce qu’il a sur le cœur. Un petit mot glissé entre ses doigts, un regard, un baiser… Les mots sont tellement réducteurs.

Je suis née dans une petite ferme en Provence. Elle sera ma demeure jusqu’à ce que je quitte le nid familial le lendemain de ma majorité. Je me suis imprégnée du monde agricole. J’en suis ressortie plus forte, façonnée par un monde dur, un monde de travail, un monde de passionnés.

L’école ne fut pas toujours facile, surtout à partir du collège où j’entrais dans un institut rempli de citadins. J’étais la cul-terreuse, la muette ou encore un mélange de ces deux ‘’qualifications’’. Pendant trop longtemps, mes poings furent mes seuls moyens de communication. Là où la majorité des enfants harcelés se recroquevillent sur eux, je répondais à mes détracteurs, je leur faisais comprendre mon point de vue par la force, car je refusais de me laisser marcher dessus. En terminale, il m’est arrivé plusieurs fois de venir au lycée en tracteur, fière de mes origines. Le problème, c’est qu’à s’égosiller au milieu d’une masse, on finit par se retrouver seul. Il faut être bien accroché pour supporter le regard des autres et l'isolement qui en découle. Heureusement, j’avais mes bêtes et mes histoires (livres, jeux, films). Je ne me suis jamais sentie seule, du moins, la solitude ne m’a jamais pesée. Est-ce une force ? Pas si sûr.

Bref. Après le lycée, j’ai intégré une école d’agriculture dans l’objectif de devenir ingénieure agronome. Ces cinq années furent parmi les meilleures de ma vie. J’étais dans un milieu qui me plaisait et me permettait de travailler sur des thématiques passionnantes. Ma plus grande surprise fut de découvrir que les gens devenaient plus matures passé 18 ans. Les filles sont moins mauvaises et les garçons moins des têtes de bite. J’y ai rencontré de précieux amis qui me soutiennent encore aujourd’hui, mes premières relations aussi.

Concernant les amourettes, j’étais très frivole. L’on m’avait surnommée « la nymphe » , appréciez le jeu de mot avec mon nom. Ça ne me dérangeait pas d’être comparée à cet être mythologique, un joli mot pour dire salope. Celui-là, personne ne s’avisait de le dire de face s’il voulait garder ses dents, ses doigts ou sa virilité. J’allais à droite, à gauche, profitant de la vie sans trop me soucier de la suite. On me reprochait mon manque de fidélité, la honte envers Dieu, ça ne faisait que m’énerver. J’ai toujours eu du mal avec les hétéro et homo; pourquoi se priver d’un possible amour de la moitié de l’humanité, simplement parce qu’il a des seins ou des testicules ? Enfin bon, je m’égare.

Au fil de mes études, j’ai eu l’occasion de réaliser des stages de plus en plus approfondis. Je sus que ma place n’était pas dans la ferme familiale, mais aux côtés des agriculteurs pour les aider à évoluer, à affronter ce monde sans cesse plus étranger. C’était prétentieux, mais je voulais voir plus loin que mes champs. Une fois le diplôme en poche, j’intégrais une boîte de conseil agricole avec un brin de naïveté qui en désespérait plus d’un. Je voulais être un lien entre le rural et l’urbain. Je m’y attelle depuis bientôt deux ans, travaillant sur des projets de méthanisation, de compostage, d’alternatives à l’agriculture conventionnelle, de compromis avec le voisinage et la commune, de communication auprès des consommateurs, etc.

J’ai gagné énormément d’expérience en très peu de temps. Les gens disent que je m’implique trop. Est-ce un mal ? Se donner corps et âme pour respecter ses principes ? Pour tenter d’améliorer les choses ? Ils disent que je sacrifie ma vie au travail. Mais, y a-t-il seulement une différence entre les deux ? Probablement pour vous, mais dans le rural, les 35h, c’est seulement pour les enfants. Mon taf’ me prend énormément de temps. En campagne, on ne compte pas ses heures. Ceux qui bossent avec les exploitants font donc de même.

Après deux ans à arpenter mon petit coin de France, j’ai commencé à m’insérer dans le paysage. Je sens que les habitants se sont habitués à moi, d’autant plus au vu de mes réussites professionnelles (fierté/20) qui rassurent. « C’est qu’une gamine, mais elle a déjà fait ses preuves ! Puis c’est la fille de machin, elle connaît le boulot ! » Parlons-en de mon sexe, tiens. Être une fille, qui plus est muette, dans un monde ‘’viril’’ où c’est le plus gueulard qui a raison, je ne vous raconte pas la galère ! Il faut s’acharner, se battre sur tout, défendre son point de vue, parfois par le cri (ça je l’ai encore). Qu’est-ce que ça peut être beauf le monde agricole… À force, on n’y fait plus attention. Pire, on participe aux blagues. Ne me blâmez pas, il faut parler le même langage pour pouvoir se comprendre, du moins ouvrir des portes.

Où en suis-je à présent ?

Plus le temps avance… plus je me sens sur les nerfs, à fleur de peau. Mes espoirs sont mis à rude épreuve, tordus jusqu’aux points de rupture. Il me faut alors mobiliser la moindre parcelle de volonté pour les reconstruire. Parfois, ça ne suffit pas. J’appelle alors à l’aide, des amis, la famille, mon aimée. Je suis quelqu’un de pénible au fond ! J’ai tout un stock de cadeaux et des sacs de couchage pour les garder chez moi en cas de besoin. C’est ça de vivre en périphérie d’une grande ville, entre les deux mondes. On peut vivre avec tout le monde, mais on se prend des critiques de tous. Ce qui me permet de tenir, mon petit jardin secret, c’est mon imagination. Dans une réalité si crue, regarder le ciel pour y chercher des couleurs se révèle rapidement vital. J’échange avec des inconnus, des gens pour qui je ne suis que quelques lignes sur un écran. C’est si rafraîchissant, de discuter de mondes imaginaires… Je peux aussi prendre trois jours de RTT et passer 50 heures sur un RPG à m’imprégner d’un monde qui n’est pas le mien. C’est ma petite drogue à moi.

Aujourd’hui, je vous invite dans l’une de mes journées de travail. Enfin, je dis travail, mais parfois je n’en vois plus la frontière avec ma vie privée.

Bien à vous.

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