L'essence du mensonge

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Défi "La vie en tant qu'aveugle"

J'en ai marre de ne pas en croire mes yeux, alors je me les suis crevés.

C'est drôle de ne plus rien voir ; c'est comme si l'heure du coucher était interminable, comme si l'on s'allongeait sans jamais dormir, avec l'unique et continuelle berçeuse des bruits du monde qui nous enveloppe comme dans une couverture.

Mais j'ai froid. J'ai terriblement froid, parce qu'il n'y a plus de couleurs. Ces couleurs qui crament juste ce qu'il faut de la rétine pour s'imprimer en nous, cette lumière qui se cogne partout et qui n'a qu'un foyer : où va-t-elle aller, maintenant, la lumière ?

Je l'ai privée d'un de ses hôtes, j'ai avalé la clé : gloups. Même si je m'enfonçais les doigts dans la gorge elle ne pourrait en sortir, elle s'est déjà dissoute dans mon estomac, je la digère encore maintenant, ça m'en donne mal au ventre.

Mais, à se libérer d'un sens, on se libère aussi d'un mensonge. Quelle bande de farceurs, à nous faire croire à une tour carrée lorsqu'elle est ronde, à nous faire entendre notre prénom quand bien même nul ne l'a prononcé, à nous faire sentir des odeurs inconnues, des goûts impromptus, à nous priver parfois de toute sensibilité ! Et alors, s'ajoutent les hommes qui s'appliquent à y semer davantage le faux. Je le vois pleurer, il joue la comédie ; je l'entends s'excuser, elle ne le pense guère ; je sens son parfum, vil truchement de grandiosité ! Je goûte à ses lèvres, perfide poison ! Il me prend dans ses bras, qu'as-tu en tête, hypocrite ?

La vue suffira-t-elle ? Ou dois-je tous les retirer, un par un ? Comment me libérer du mensonge ? Ne me mens-je pas à moi-même, l'esprit lui-même ne me trompe-t-il pas ? A ne rien vouloir voir, n'est-ce pas là cachoterie, lâchetée, mensonge volontaire ?...

Hélas je crains avoir fait subir à mes yeux un châtiment injuste. Que je me coupe la langue, les mains, que je me crève les tympans, me retire le nez... Et puis, enfin, boucher le puits empoisonné de mon âme... Pour vivre libre de tout mensonge, alors, alors...

Il va donc falloir que je me tue, moi !...

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