Néomis

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Le chauffeur du taxi-brousse souhaitait remplir son véhicule avant d'envisager de rouler. Il voulait embarquer une cargaison complète de voyageurs. Supplique des impatients lorsque les arrêts se multipliaient pour alimenter en carburant les chevaux poussifs ou pour alimenter la trésorerie des mercenaires improvisés en douaniers.

Dans l'esprit voyage, il y avait la constance au mouvement et l'imposante obstination du déplacement du corps vers d'autres lieux féconds, en apparence. Trompeuses et dépaysantes les réalités n'en sont que plus suggestives. Si l'espace-temps lui-même conditionnait son propre mouvement, l'immobilité induite assurait sa perpétuelle modification à rebrousse temps. La position assise lui permettait d'observer le défilé des événements eux-mêmes pluriactifs. L'attitude fixe de la voyageuse favorisait l'interpénétration des fonctionnements alentour de séquences alternatives en actions imprévues. Ainsi, le présent bousculé cédait la place au présent suivant comblé de vide. Le silence pesait comme un trou noir, absorbeur d'énergie, canaliseur de lumière, engouffreur des bruits perdus.

Dans l'esprit voyage, il y avait la véloce expression des êtres sans faim.

Des yeux gourmands suivaient Agapatou descendre de la voiture. Des enfants se désaltéraient avec du lait en poudre mélangé au jus de melon.

***

Elle fut accueillie quelque temps par Néomis qui régnait sur le peuple des marais. Il avait cinq épouses qui ne lui avaient donné que des filles. Le temps passait et Néomis n’avait toujours pas d'héritier mâle. Néomis accepta d'épouser, dans une autre contrée, une femme qui lui donna enfin un garçon. Comme il était le fils unique, Néomis lui permettait tous les caprices, même les plus déraisonnables.

Chaque fois que l’une des femmes emmenait l’enfant-héritier se laver, il pleurait, poussait des cris à fendre le cœur de Néomis qui entrait dans une colère noire. Il punissait la femme et aiguillonnait sa rage jusqu’à lancer des représailles contre ses parents. Et la confusion s’installait dans la confusion.


Un jour, Agapatou décida d’accompagner l’enfant-pleureur au bain. Stupeur ! Il se mit à crier très fort. Agapatou voulut alors en avoir le cœur net. La vérité, c’est que l’enfant-gâté ne demandait rien d’autre que le disque blanc qu’il voyait à la surface de l’eau, le reflet de la lune. Chaque fois que des femmes tentaient d’attraper ce reflet, il s’effaçait et l’enfant-hurleur hurlait.
Et Agapatou en femme fine observatrice de constater que, dans cette histoire, le fou, ce n’est pas l’enfant-envieux qui court après un mirage, mais celle qui croit que la lune se trouve dans le seau où l’on voit son reflet.

Agapatou remplaça le reflet par un petit miroir de poche. Les femmes donnèrent le miroir à l'enfant-roi. Celui-ci prit peur en découvrant son vrai visage.

Depuis ce jour, l'enfant reste serein. L'enfant relève la tête pour contempler la lune à sa bonne place.

Sage est celui qui t'indique le chemin sans te montrer la route.

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