Violette, ironique

— Alors, tu vois, tu as bien fait d'insister auprès de ton p'tit Louis !

Germaine, reconnaissante

— Oh oui ! Merci Violette, sans toi, j'aurais pu les attendre longtemps mes nouvelles oreilles. Je suis presque comme neuve !

Violette

— Euh... Enfin, n'exagérons rien, tu frises quand même les quatre-vingt-six ! À propos, tu sais ce que disent les indiens ?

Germaine, catégorique

— Certainement pas, je n'en connais aucun !

Violette, haussant les épaules

— Eh bien, ils disent que cette vie nous sert de brouillon pour la suivante.

Germaine, philosophant à sa manière

— Bah ! Si c'était vrai, depuis le temps que les hommes existent et le nombre de brouillons qu'ils ont déjà faits... Il y a longtemps qu'ils seraient parfaits, t'es pas d'accord ? Ce qui est loin d'être le cas. Rappelle-toi Louis, mon mari, il n'y avait pas plus cavaleur ! Sauf peut-être Hubert, ton époux. Ils faisaient bien la paire tous les deux. Et dépensier avec ça ! D'ailleurs, tiens, maintenant que j'y pense, c'est peut-être pour cette raison que mon p'tit Louis fait autant attention...

Violette

— Pourquoi pas, en effet, c'est probable. Quoi qu'il en soit, c'est pas pour ça que je vais accepter qu'il te traite ainsi.

Germaine, conciliante

— Mais voyons, Violette, il fait ce qu'il peut.

Violette, estomaquée

— Ce qu'il peut ? Quand il te fait dormir sur le canapé du salon au lieu de te prêter son lit, ou même de te prendre une chambre à l'hôtel !

Germaine, dans le même état d'esprit

— Mais tu sais bien que ses vertèbres le font souffrir, il a même un matelas adapté. Et c'est moi qui ne veux pas aller à l'hôtel, pour ne pas me retrouver seule.

Violette, qui n'en démord pas

— Soit. Alors considère que je n'ai rien dit. Enfin quand même, c'est bien lui qui a choisi une prothèse de hanche première génération parce que ça lui coûtait moins cher, lorsque tu as eu ton accident et que tu t'es cassée le col du fémur ?

Germaine, fatiguée

— Oui Germaine, tu as raison. Bon, on peut passer à autre chose ?

Violette, agacée

— Reconnais quand même que cela t'a obligée à repasser sur le billard quelques mois après...

Germaine, fataliste

— Elle s'est usée un peu vite, je veux bien l'avouer. Mais que veux-tu, c'est la vie.

Violette, énervée

— Comment peux-tu être aussi fataliste ! C'est agaçant à la fin. Ta positivité à toute épreuve m'énerve.

Germaine, sereine

— C'est l'apanage de l'âge, que veux-tu.

Violette

— Tu sais bien que nous avons le même ! Pourtant je ne parviens pas à atteindre ta zénitude.

Germaine, tendant l'oreille

— Ma quoi ?

Violette, agacée

— Oh, laisse tomber !